Valérie Léger et Matthieu Le Moëligou sont allés à contre-courant, en troquant leur maison unifamiliale pour un triplex presque centenaire, devenu quadruplex, à Lachine. Ils ont emménagé avec leurs trois jeunes enfants en juillet 2020, sachant que d’importants travaux les attendaient.
La demeure avait capté l’attention de Matthieu bien avant qu’elle soit mise en vente, en 2019. Elle l’avait impressionné une première fois en 2011, alors qu’il n’était courtier immobilier que depuis trois ans.
Elle avait beaucoup de cachet ! Les boiseries, le papier peint texturé, les vitraux ont été conservés à l’intérieur. Il y a des moulures de plâtre au plafond, qui est d’une belle hauteur. Les planchers sont magnifiques.
Matthieu Le Moëligou, copropriétaire de la demeure
Mais la résidence avait été louée et avait souffert du passage des locataires. « Cela prenait un peu de vision », reconnaît-il.
Valérie a aussi été conquise. Mais ayant toujours vécu dans une maison unifamiliale avec des chambres à l’étage, elle avait certaines appréhensions. « C’était une énorme aventure pour moi, souligne-t-elle. Nos amis ne comprenaient pas qu’on soit prêts à avoir des locataires au-dessus et en dessous. C’est sûr, il a fallu s’habituer. On s’est dit qu’au pire, on vendrait la maison. Mais on est tellement contents. On n’est pas du tout dans une optique de partir d’ici. »
Ils n’en étaient pas à leur première rénovation, ce qui a beaucoup servi. Matthieu, qui a déjà travaillé avec son père, électricien, a agi à titre de maître d’œuvre. Ils y sont allés par étapes, prenant soin de préserver l’âme de la maison. Celle-ci, ont-ils appris, a d’abord été habitée par Dora Brunet et Odilon Desforges, qui ont fait construire l’imposante demeure en 1929 après avoir gagné une loterie. Ils y ont élevé leurs 10 enfants.
Le sous-sol en premier
Les propriétaires se sont attaqués au sous-sol, aux prises avec de la moisissure. La famille s’est donc installée au rez-de-chaussée, en juillet 2020. Benjamin, Béatrice et Arthur avaient alors 5, 4 et 2 ans.
« On a refait les égouts et l’entrée d’eau, explique Matthieu. On a cassé la dalle de béton, on a remplacé la plomberie, on a refait l’électricité pratiquement à 100 %. On a isolé avec de l’uréthane giclé. On a fait de gros travaux, des choses qui ne paraissent pas derrière les murs, mais qui sont importantes. »
« On voulait que le bâtiment soit sain, dans une optique à long terme », renchérit sa conjointe, elle aussi courtière immobilière.
Ils en ont profité pour aménager un logement dans le sous-sol, qui a obtenu une adresse légale. En avril 2021, la famille y a emménagé, jusqu’à ce que les travaux soient terminés au rez-de-chaussée. « On y est restés jusqu’en septembre 2021, les trois enfants dans la même chambre, se rappelle Valérie. Je ne vous mentirai pas, ç’a été rushant. C’était au milieu de la pandémie. Il y avait des pénuries de matériaux pour tout. On était dans le sous-sol et ça tapait en haut. Mais depuis qu’on est remontés, c’est oublié. »
Le rez-de-chaussée, d’environ 2200 pi2, est très spacieux. « Il y avait six chambres, une petite salle de bains au bout du corridor, une cuisine fermée, un salon formel et une salle à manger formelle, explique Matthieu. On a enlevé deux murs porteurs et on a déplacé la salle de bains dans une des chambres pour ouvrir à l’arrière. On a installé deux poutres, de 22 et 15 pi de long, pour avoir une grande aire ouverte, où se trouvent la cuisine, la salle à manger et un petit salon. Mais on a gardé 100 % du cachet à l’avant. »
C’est là que c’était le plus beau. Le salon et la salle à manger étaient les pièces pour recevoir, où le plus d’argent avait été mis à l’époque. On voulait les préserver.
Valérie Léger, copropriétaire de la résidence
Ils ont fait appel à des artisans pour redonner leur lustre aux moulures de plâtre et à certains vitraux, et ont confié leurs vieux calorifères à l’entreprise québécoise Ecorad, qui les a convertis à l’électricité. L’entrepreneur général, Marcello Cavallino de Construction Cavallino, avait à cœur la conservation du patrimoine, à l’instar des propriétaires, qui ne voulaient rien gaspiller. Les anciennes armoires de la cuisine, récupérées, sont mises en valeur dans la nouvelle cuisine.
Il leur importait, par ailleurs, d’utiliser toutes les pièces. La salle à manger formelle est devenue une pièce fort utilisée, où tous vont faire de l’art.
Trois autres familles aux origines diverses résident désormais dans les deux logements à l’étage, également rénovés, et dans le logement au sous-sol. Benjamin, Béatrice et Arthur se sont par ailleurs fait plein d’amis en jouant dans la ruelle Niska, située derrière la cour. La maison fourmille d’activités. Comme jadis !
En bref
Travaux
Rénovation du sous-sol, du logement principal au rez-de-chaussée et des deux 5 1/2 à l’étage et aménagement extérieur
Durée
Juillet 2020 à septembre 2021
Coût
500 000 $
Une surprise
L’ampleur des travaux, qui a été sous-estimée à cause de la hauteur des plafonds et de la grande superficie du bâtiment
Un coup de cœur
La véranda, devenue quatre saisons, qui laisse entrer la lumière dans l’aire ouverte à l’arrière, où se trouve la cuisine
Une belle découverte
La ruelle Niska, derrière la propriété
Retour dans la maison du bonheur
Rita Desforges est née et a grandi au rez-de-chaussée d’un triplex que ses parents ont fait construire avec beaucoup de soin, à Lachine, en 1929. Portant fièrement ses 91 ans, elle y est retournée à la mi-janvier avec des membres de sa famille, à l’invitation des propriétaires Valérie Léger et Matthieu Le Moëligou, curieux d’en découvrir davantage sur l’immeuble avec lequel ils sont tombés en amour.
Sans s’en douter, le cousin Paul DesForges, en visite de la Californie, a ouvert la voie à cette rencontre très spéciale lorsqu’il a sonné à la porte de la résidence, l’automne dernier. Son père y avait passé sa jeunesse et en avait gardé de fabuleux souvenirs. La propriétaire a hésité avant de faire entrer ce parfait inconnu, jusqu’à ce qu’elle reconnaisse son salon dans une photo que l’Américain avait en sa possession. Par la suite, d’autres photos accompagnées d’anecdotes ont été fournies par des membres de la famille Desforges, à Montréal.
De cet échange est née la belle idée d’accueillir Rita Desforges dans le spacieux logement où elle est née. Celui-ci avait conservé la plupart de ses attributs, mais avait perdu son lustre lorsque Valérie Léger et Matthieu Le Moëligou l’ont acheté, en 2019. Fiers des rénovations qu’ils ont effectuées pour moderniser la demeure tout en préservant son cachet ancien, ils étaient heureux de recevoir la fille cadette d’Odilon Desforges et de Dora Brunet, les premiers propriétaires du triplex.
Rita Desforges était rayonnante lorsqu’elle s’est présentée en compagnie de sa fille Claudette Benoit, du mari de celle-ci, René Bernatchez, de leur fils de 18 ans, Lucas Bernatchez, et de sa copine, Jordan Thibodeau. Curieux de découvrir la maison, ils avaient tous un grand sourire.
Mme Desforges a tout de suite remarqué le splendide parquet de bois, aux lattes de différentes couleurs. « Mon père vernissait le plancher chaque année », a-t-elle souligné.
Elle se souvenait de tout : de la crèche montée annuellement dans la bibliothèque à l’avant de la maison, du placard de cèdre dissimulé à l’arrière de la penderie près de l’entrée, du papier peint texturé, des portes coulissantes de verre taillé entre le salon et la salle à manger, des fois où elle jouait aux quilles avec ses frères et sœurs dans le long couloir pendant que leur mère cuisinait pour 50 personnes à Noël, de l’ancienne salle de bains avec sa baignoire de style « tombeau ».
On n’a jamais eu un bain sur pattes ni une glacière. On avait un frigo avec un minicongélateur et une laveuse électrique dans le sous-sol.
Rita Desforges
Les taquineries ont alors fusé, faisant allusion au fait qu’Odilon Desforges, qui travaillait à la Bourse de Montréal, avait remporté un gros lot de 50 000 $ dans une loterie (Irish Sweepstake), en 1929. Cette somme rondelette a permis de bâtir la maison, au coût de 35 000 $, avec un grand souci du détail, comme en témoignent le papier peint texturé, les moulures de plâtre au plafond, les vitraux en haut des fenêtres, les détails dans les parquets en noyer et les riches boiseries.
Rapide sur son téléphone, René Bernatchez a calculé qu’en valeur d’aujourd’hui, le gros lot équivalait à 867 000 $ et que le spacieux triplex, dont les deux logements à l’étage possèdent aussi une belle finition, avait coûté 607 000 $.
« On a payé trop cher », s’est exclamée Valérie Léger en riant.
À l’arrière de la maison, où se trouve dorénavant une vaste cuisine ensoleillée ouverte sur un coin salon et une salle à manger, Mme Desforges n’a pas retrouvé la chambre des filles, qu’elle partageait avec ses sœurs. Loin de s’en formaliser, elle a pris plaisir à raconter à quel point ses parents aimaient recevoir et ouvraient leur maison à ceux qui en avaient besoin, malgré leurs 10 enfants.
« Nous aussi, on aime recevoir », a indiqué Valérie Léger, émue d’apprendre à quel point son domicile avait retrouvé sa vocation. « Nos enfants ont toujours plein d’amis. De savoir cela donne une autre dimension à la maison. Il se passe encore quelque chose ici. »
Les deux propriétaires étaient heureux de montrer le fruit des efforts qu’ils avaient déployés pour redonner toute sa beauté au spacieux logement. Et ce n’est pas fini. « Je veux refaire la galerie comme elle était avant », a signalé Matthieu Le Moëligou.
Claudette Benoit était visiblement heureuse de partager ce moment privilégié avec sa mère. « Cette maison représente mes parents, a confié Mme Desforges. Ils étaient tellement proches l’un de l’autre. Ils dégageaient beaucoup d’amour et cela nous unissait. » Cet amour était toujours palpable, en ce samedi matin frisquet de janvier.