Après avoir quitté son petit local pour s’installer dans un espace de 10 000 pi⁠2, Éco-Réno devient RÉCO, un centre de rénovation axé sur le réemploi des matériaux.

Fondé en 2002 par la Société de développement environnemental de Rosemont (SODER), le magasin Éco-Réno était bien connu des rénovateurs passionnés du patrimoine. Fragilisée par la pandémie, l’entreprise d’économie sociale, qui avait pignon sur l’avenue Papineau, a été acquise par Architecture sans frontières Québec en 2021. Cette transaction permet à l’organisme sans but lucratif, deux ans plus tard, de concrétiser sa vision : créer une entreprise d’économie sociale centrée sur un centre de matériaux, à l’image des quincailleries existantes, à la différence que l’approvisionnement provient de dons qui sont revendus pour financer le projet.

« C’est une transformation profonde du modèle d’affaires avec un approvisionnement en dons uniquement et en s’ouvrant aux dons de matériaux jetés neufs », a précisé le directeur général d’Architecture sans frontières Québec, Bruno Demers, lundi dernier lors de l’inauguration officielle, dans Ahuntsic-Cartierville, du nouveau centre de matériaux qui porte désormais le nom de RÉCO.

« Éco-Réno devient autre chose, quelque chose de plus grand et de qualitativement différent. Il faut s’affranchir de la perception que la clientèle a d’Éco-Réno, soit un petit magasin, principalement d’antiquités architecturales », a expliqué Bruno Demers.

Moulures, planchers de bois, lavabos, luminaires, robinetterie, briques, fenêtres et portes : en déménageant dans ce nouveau local, le magasin a pu augmenter considérablement son offre de matériaux patrimoniaux, mais aussi l’élargir aux articles usagés de toutes sortes et même aux produits neufs qui auraient été destinés à l’enfouissement.

Comme ces luminaires encastrés, modèle 2022, invendus par le fabricant. « Si on ne les avait pas repris, ce sont 11 000 unités qui auraient été mises à la poubelle », a souligné le directeur ventes et opérations de RÉCO, Sylvain Lessard, lors d’une visite guidée du nouvel espace. Dans un coin reposent un lot de fenêtres de différentes couleurs et dimensions, neuves pour la plupart : des erreurs de commande provenant d’un manufacturier.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Bruno Demers, directeur général d’Architecture sans frontières Québec, et Sylvain Lessard, directeur ventes et opérations de RÉCO

Des reçus de charité pour les dons de matériaux

En faisant un don à RÉCO, les entreprises et les particuliers qui le désirent peuvent obtenir un reçu de charité déductible d’impôts pour la valeur de leurs dons de matériaux (500 $ et plus), une manière de compenser en partie les frais supplémentaires qui peuvent être occasionnés par la déconstruction et la manutention. Il n’existe pour le moment aucune autre incitation financière ou obligation concernant le réemploi des matériaux dans le secteur de la construction. Dans son plan de transition Bâtir un Québec plus vert, publié en septembre 2022, la FTQ-Construction recommandait notamment la mise en place d’incitations financières pour encourager l’utilisation de matériaux recyclés et l’adoption d’une mesure fiscale sur la quantité de déchets produits durant le chantier de construction et envoyés au lieu d’enfouissement.

« En ce moment, il n’y a pas de subventions pour l’évitement de déchets de la construction comme il y en a pour la rénovation écoénergétique, par exemple », déplore Bruno Demers.

Actuellement, ce qui guide l’achat de matériaux usagés, c’est le critère environnemental, en plus du critère design, originalité, historique et patrimoine.

Bruno Demers, directeur général d’Architecture sans frontières Québec

Afin d’être en mesure d’accepter davantage de dons, l’entreprise devra relever le défi d’élargir sa clientèle. « Ce qui est le plus difficile actuellement, c’est de convaincre la clientèle de faire du réemploi, dit Sylvain Lessard. C’est une façon différente de consommer. Les gens viennent chercher une porte qui doit avoir une dimension spécifique. Le réemploi, ce n’est pas ça. Ça prend un peu de jus de bras. On fait beaucoup plus d’éducation que de vente. »

Dans certains cas, le client doit accepter de se priver d’une garantie sur le produit. Or, fait valoir M. Lessard, puisque le prix payé est moindre et que les ventes sont sans taxes, plusieurs sont prêts à l’accepter.

Un modèle pour d’autres quincailleries ?

RÉCO devient le premier membre de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT) à faire une place au réemploi. Son président, Richard Darveau, espère que l’entreprise inspirera ses membres qui évoluent dans une industrie « conservatrice et gaspilleuse ». « Dans le vêtement et l’épicerie, on s’ouvre à l’économie circulaire, mais dans le secteur des matériaux, on n’est pas en queue de peloton, on n’est même pas sur le terrain de jeu, a-t-il déclaré. On attend encore de se faire pousser. » M. Darveau dit souhaiter voir RÉCO s’implanter dans différentes municipalités du Québec ou voir des quincailleries traditionnelles consacrer une partie de leur espace à la récupération et à la revente de matériaux usagés.

« Une fois qu’on aura rodé notre modèle, on va avoir de l’intérêt pour ouvrir ailleurs, peut-être dans d’autres arrondissements, d’autres villes », a affirmé Sylvain Lessard.

Dans notre vision, presque toutes les villes de moyenne importance pourraient avoir un centre de réemploi pour soutenir la transition écologique. L’offre et la demande sont là.

Sylvain Lessard, directeur ventes et opérations de RÉCO

RÉCO dispose d’un inventaire numérique de ses stocks, qui sera rendu disponible prochainement sur son site web.

Présent à la conférence de presse, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, Steven Guilbeault, lui-même client d’Éco-Réno, a exprimé le souhait de voir ce type de projet fleurir partout au pays. « Le secteur de la construction est le plus grand consommateur de matières premières au monde. Il génère à lui seul un tiers des déchets solides au Canada, soit plus de 4 millions de tonnes par an. Les projections démontrent que la quantité de ces déchets devrait continuer d’augmenter si nous ne mettons pas en place rapidement davantage d’initiatives d’économie circulaire comme celle-ci. »

Consultez le site de RÉCO
En savoir plus
  • 118 kg
    Équivalent du poids par habitant des résidus provenant du secteur de la construction, de la rénovation et de la démolition (CRD) envoyés directement à l’élimination en 2021 au Québec
    Source : Recyc-Québec
    21 %
    Hausse de la quantité de résidus provenant du secteur de la construction, de la rénovation et de la démolition envoyés directement au dépotoir ou à l’incinérateur en 2021 par rapport à 2018
    Source : Recyc-Québec