Un meuble de bois massif, c’est bon pour la vie, mais… ça se défraîchit, et ça se démode. Solution ? Le décaper et refaire la finition. Notre journaliste en a fait l’expérience avec une table en chêne rouge. Récit de son aventure.

Le projet : redonner une deuxième vie à un meuble ancien

  • Une table en chêne blanc massif de Kastella

    PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE KASTELLA

    Une table en chêne blanc massif de Kastella

  • La table à manger Klein, de De Gaspé, en merisier massif

    PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE DE GASPÉ

    La table à manger Klein, de De Gaspé, en merisier massif

  • Le cannage n’est pas dénué de style.

    PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE PINTEREST (PIERIMPORT. FR)

    Le cannage n’est pas dénué de style.

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Sur un site de petites annonces, la vendeuse offrait la table pour 60 $. Pas cher. Vraiment pas cher.

En plus, la table est dans un état plus qu’acceptable. Si on se fie à son design (cannage en osier, coins arrondis, verre teinté, bordure couleur or), elle doit dater des années 1980, peut-être fin 1970. Seul défaut : la teinture rougeâtre qui recouvre son chêne massif. On aimerait quelque chose de plus pâle, de plus tendance. Ce qu’on trouve sur le web nous inspire : avec un peu (ou beaucoup) d’amour, la table pourrait même redevenir au goût du jour.

Copropriétaire de l’ébénisterie des 3 frères, dans le Haut-Richelieu, Marcel Bélair Junior décape des meubles depuis l’âge de 12 ans. Même encore dans les années 1970-1980, dit-il, les meubles qu’on produisait étaient de bonne qualité. C’est pour ça que ça vaut la peine de les restaurer. « Aujourd’hui, si tu vas en magasin, les trois quarts du temps, tu as 25 %, 30 % de bois, et le reste, c’est tout du phony, du bois pressé, du carton coloré, lance-t-il. Et si tu veux vraiment un meuble de qualité, tu paies en tabarnouche. »

Faire décaper un meuble par un professionnel a aussi un prix. Pour notre table, Marcel Bélair Junior évalue à environ 1000 $ à 1200 $ le coût d’un « décapage parfait ». Dans son état actuel, la table ne vaut pas beaucoup plus que les 60 $ qu’elle nous a coûtés, selon lui. « En investissant dans un restaurateur comme moi, vous ne feriez pas d’argent, résume-t-il. Vous feriez mieux de le faire vous-même à temps perdu. »

La méthode : quels produits pour décaper ?

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Mieux vaut décaper à l’extérieur.

D’accord, mais par quoi commence-t-on ?

La première chose à laquelle il faut penser, c’est la sécurité, estime Francis Marchand, enseignant en finition de meubles à l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie, à Victoriaville. « Il faut décaper dans un endroit aéré », prévient-il, idéalement dehors à l’ombre (le soleil rend le décapant moins agressif), sinon dans un garage bien ventilé. Il faut aussi penser à l’équipement de protection : lunettes, gants (une paire en nitrile et une deuxième en caoutchouc épais), vêtements longs.

PHOTO FOURNIE PAR LE CÉGEP DE VICTORIAVILLE

Francis Marchand, enseignant en finition de meubles

En quincaillerie, on trouve des décapants, mais généralement moins puissants que ceux vendus dans des magasins spécialisés comme Sylteck, Richelieu et Lorchem. Ardec et Lee Valley offrent des décapants moins dangereux pour la santé et l’environnement. « Informez-vous en boutique, conseille Francis Marchand. On pourra vous conseiller une gamme de produits compatibles. »

On se rend donc dans un centre de peinture spécialisé, d’où l’on repart avec un bidon de décapant et un autre d’acétone, qui servira à neutraliser la surface après l’avoir décapée. Cette fonction peut aussi être assurée par du diluant à laque ou encore du solvant naphta. Si on saute l’étape de neutralisation, avertit Francis Marchand, les produits de finition pourraient adhérer moins bien. On se procure aussi un grattoir, de la laine d’acier de calibre 00 et un pinceau en soie d’entrée de gamme.

Les étapes : comment décaper un meuble en bois ?

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Quelques outils essentiels pour un décapage réussi

Il est temps de lancer l’opération décapage. Section par section, on applique le décapant en gel et on recouvre avec un sac-poubelle pour maximiser l’effet du produit. Après une quinzaine de minutes, on passe le grattoir dans le sens du grain de bois. Quand on reçoit une goutte de décapant sur la peau, on rince abondamment à l’eau froide et on nettoie avec du savon.

  • Le décapant au gel est enlevé à l’aide d’un grattoir.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Le décapant au gel est enlevé à l’aide d’un grattoir.

  • On peut aussi utiliser un grattoir en bois pour éviter les rayures.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    On peut aussi utiliser un grattoir en bois pour éviter les rayures.

  • Il faut ensuite passer une laine d’acier pour enlever le reste du vernis.

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Il faut ensuite passer une laine d’acier pour enlever le reste du vernis.

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On passe ensuite la laine d’acier (trempée dans le décapant) pour enlever le reste du vernis, et avec un linge imbibé d’acétone, on neutralise ensuite la surface.

« Pour terminer, un bon ponçage est primordial », indique Francis Marchand, qui conseille d’utiliser successivement du papier sablé à grain 100, 120 et 150.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

L’ancienne teinture est incrustée.

Cette étape de ponçage s’avère ardue. L’ancienne teinture est incrustée dans le veinage du bois ; il reste de minces lignes plus foncées. À force de sabler, on réalise que la partie centrale des rallonges de la table n’est pas du bois plein, mais bien un placage, qu’on vient d’ailleurs de défoncer légèrement. Il aurait fallu y aller plus doucement. Notre ponçage agressif a aussi rendu les courbes un peu moins… harmonieuses.

Restaurer un meuble est un métier. Force est de constater que ce n’est pas le nôtre.

« Quand on remet un meuble en état, il y a toujours une acceptation, une résilience à avoir », nous avait prévenue l’enseignant Francis Marchand. La table ne sera pas parfaite. Ainsi soit-il.

Vernis

Seulement poncer ?

Est-ce possible d’enlever le vernis en utilisant uniquement la sableuse ? Oui… en principe. « Mais en réalité, le vieux vernis contient très souvent des contaminants, comme du silicone, qui provient des produits d’entretien », explique Francis Marchand, qui donne l’exemple du Pledge, autrefois largement utilisé. La friction de la sableuse, dit-il, créera une chaleur qui fera pénétrer les contaminants dans la fibre du bois. « Ça augmente le risque d’avoir des problèmes de finition », prévient-il.

Décaper au grattoir

Certains vernis se décapent très mal. « Le meuble devient tout gommé, relate Marcel Bélair Junior. Tu passes ta garde-robe en linge pour essuyer la cochonnerie. » Pour venir à bout de ces vernis coriaces, le restaurateur conseille d’enlever d’abord le vernis avec un grattoir bien aiguisé et de terminer le travail avec une laine d’acier imbibée de décapant.

Le résultat

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

On applique un décolorant.

Après 12 bonnes heures de travail (eh oui), la table est enfin prête pour la finition. Le look recherché ? Un bois un peu moins rouge, qui se rapproche davantage du chêne blanc. Pour ce faire, on applique d’abord un décolorant sur notre chêne rouge afin de le pâlir un peu.

Deux grandes options s’offrent ensuite à nous : la teinture et le vernis, d’une part, et l’huile (teintée ou non) de l’autre. « Tu pourrais aussi peindre la base en noir ou en blanc, et laisser le dessus en bois naturel », conseille Marcel Bélair Junior. Une belle idée, mais on choisit l’option la plus simple : une huile teintée couleur chêne blanc.

Le résultat final
  • Projet de décapage terminé.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Projet de décapage terminé.

  • La table est pâle, comme on le souhaitait.

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    La table est pâle, comme on le souhaitait.

  • La table est recouverte d’une huile teintée.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    La table est recouverte d’une huile teintée.

  • On a défoncé légèrement le placage de la table.

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    On a défoncé légèrement le placage de la table.

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Pour terminer, on change le cannage, on fait faire deux nouvelles vitres trempées et on peint la bordure couleur or en blanc. Et – enfin ! – le tour est joué.

Une expérience à refaire ? Oui, tout à fait. D’ailleurs, il reste les huit chaises à sabler et à peindre en blanc… et trois tables de salon de la même collection que la première à restaurer.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Les prochains articles sur la liste.

Notre aventure est encore loin d’être terminée !

Combien coûte l’opération : 780 $

Table : 60 $
Nouveaux verres trempés et cannage : 430 $
Décapant, décolorant et neutralisant : 140 $*
Huile : 90 $*
Matériel : 60 $*

* Ces sommes incluent les produits et le matériel nécessaires pour décaper les trois autres petites tables.