Sauvé des ruines au début des années 1970, un morceau important du patrimoine bâti saguenéen, le moulin du Père-Honorat, cherche de nouveaux propriétaires.

Situé aux abords de la rivière du Moulin, au cœur du village de l’arrondissement de Laterrière à Saguenay, cet ancien moulin transformé en résidence privée figure sur le marché de la revente de façon intermittente depuis quelques années. Sa propriétaire, Marie Gendron, l’a remis en vente à la mi-janvier, dans l’espoir d’enfin trouver celui ou celle qui voudra bien « l’adopter ».

C’est le mot qu’a utilisé l’ancienne propriétaire, la journaliste Hélène Vincent, de qui Mme Gendron et son mari ont acheté cette résidence hors de l’ordinaire en 2005.

Une adoption

« Je me souviens très bien, on était dans le salon et elle nous a dit : “Ce n’est pas une vente que je fais, c’est une adoption”, se souvient Marie Gendron. Je n’ai pas trop compris sur le coup, mais une fois installée, j’ai vraiment compris que quand on habite une maison patrimoniale, elle nous appartient en partie, mais on se sent tellement responsable. C’est une belle responsabilité de se dire : “Ça appartient à l’histoire et il faut que j’en prenne soin.” »

Construit en 1846, le moulin est un vestige de la période coloniale de la région. Arrivé au Saguenay deux ans plus tôt, le père oblat Jean-Baptiste Honorat était déterminé à fonder une colonie agricole libre au Grand-Brûlé (aujourd’hui Laterrière). Une colonie qui ne dépendrait d’aucune autorité extérieure. Il tentait en fait de soustraire les colons du joug de l’industriel anglais William Price, un duel d’ailleurs relaté dans le livre Combat de titans au cœur d’un Royaume, de Raoul Lapointe, publié par la Société historique du Saguenay.

C’est dans cette optique qu’il a fait construire ce moulin à eau, destiné à scier le bois, puis à moudre le grain. Or, les dettes s’accumulèrent et Jean-Baptiste Honorat fut forcé de quitter la région en 1849. Les oblats vendirent le moulin à un colon, Jules Gauthier. Sa famille en resta propriétaire jusqu’à ce qu’Hélène Vincent l’acquière en 1969. Le bâtiment était alors en piètre état. Mme Vincent et ses fils l’ont restauré et modifié pour le rendre habitable. En 1973, il a été classé comme immeuble patrimonial et bénéficie d’une aire de protection.

  • Puisqu’il est situé sur les rives escarpées de la rivière du Moulin, on n’aperçoit qu’une partie du bâtiment, de l’autre côté.

    PHOTO FOURNIE PAR LES COURTIERS

    Puisqu’il est situé sur les rives escarpées de la rivière du Moulin, on n’aperçoit qu’une partie du bâtiment, de l’autre côté.

  • Le salon est lumineux.

    PHOTO FOURNIE PAR LES COURTIERS

    Le salon est lumineux.

  • L’aire de vie ouverte est spacieuse.

    PHOTO FOURNIE PAR LES COURTIERS

    L’aire de vie ouverte est spacieuse.

  • Signe des temps, la cuisine est plus compacte.

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    Signe des temps, la cuisine est plus compacte.

  • Une photo de Jean-Baptiste Honorat trône dans le couloir…

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    Une photo de Jean-Baptiste Honorat trône dans le couloir…

  • … de même que plusieurs autres antiquités. Des éléments liés à l’histoire du moulin (livres de comptes, livre d’or, contrats, cadres historiques, etc.) sont inclus dans la vente.

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    … de même que plusieurs autres antiquités. Des éléments liés à l’histoire du moulin (livres de comptes, livre d’or, contrats, cadres historiques, etc.) sont inclus dans la vente.

  • Les chambres sont situées à l’étage. Ici, la chambre principale.

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    Les chambres sont situées à l’étage. Ici, la chambre principale.

  • L’autre chambre

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    L’autre chambre

  • La bibliothèque de Mgr Victor Tremblay, léguée à l’ancienne propriétaire, se trouve dans le boudoir au grenier.

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    La bibliothèque de Mgr Victor Tremblay, léguée à l’ancienne propriétaire, se trouve dans le boudoir au grenier.

  • L’imposante roue d’engrenage trône dans la salle familiale, au sous-sol. Le moulin a cessé de fonctionner en 1940.

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    L’imposante roue d’engrenage trône dans la salle familiale, au sous-sol. Le moulin a cessé de fonctionner en 1940.

  • La turbine côtoie les bouteilles dans la cave à vin.

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    La turbine côtoie les bouteilles dans la cave à vin.

  • Près du bâtiment principal se trouve cette petite maison qui sert d’atelier.

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    Près du bâtiment principal se trouve cette petite maison qui sert d’atelier.

  • Une vue aérienne de la rivière, du moulin et de son terrain de 344 000 pi⁠2

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    Une vue aérienne de la rivière, du moulin et de son terrain de 344 000 pi⁠2

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« Le berceau de notre colonisation »

Marie Gendron raconte que Mgr Victor Tremblay, ami d’Hélène Vincent, lui avait alors dit : « Ce ne sont pas des ruines que vous venez d’acheter, c’est le berceau de notre colonisation où sommeille une grande œuvre oubliée. C’est notre première colonie libre en Amérique du Nord. » À sa mort, l’homme lui a d’ailleurs légué son impressionnante bibliothèque qui contient de nombreux livres datant des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Encore aujourd’hui, ceux-ci sont gardés dans un espace, sous les combles du moulin, et seront légués aux futurs propriétaires.

Selon le ministère de la Culture et des Communications du Québec, le moulin du Père-Honorat présente un intérêt patrimonial à la fois pour sa valeur historique et sa valeur architecturale « liée à sa représentativité comme moulin à eau ».

L’eau y est omniprésente, d’ailleurs.

J’entends toujours la rivière, même l’hiver. Au printemps, je ne peux pas écouter la télé dans ma chambre tellement le bruit est fort. J’adore ça. C’est un coin de paradis.

Marie Gendron, propriétaire

Des traces du passé du bâtiment sont toujours bien visibles, principalement dans la salle familiale au sous-sol, où trône l’imposante roue d’engrenage, ainsi que dans la cave à vin, bien contemporaine celle-là, où l’on peut voir les turbines. Les murs extérieurs, en moellons, qui ont remplacé le bois d’origine en 1863, ont été conservés.

Les lieux ont peu changé depuis que Mme Gendron et son mari, aujourd’hui disparu, s’en sont portés acquéreurs. Le portrait du père Jean-Baptiste Honorat trône d’ailleurs toujours dans le corridor, entouré d’antiquités.

Le couple a refait la fosse septique et le champ d’épuration en 2008, puis la toiture trois ans plus tard, en bardeaux de cèdre. Des larmiers arrondis, comme ceux d’origine, ont été réinstallés. Aménagée sur deux étages et demi, en plus du sous-sol, la résidence a conservé son cachet d’antan : poutres de bois apparentes, planchers en larges planches, fenêtres à crémone. Toute modification doit être soumise à l’approbation du Ministère, ce qui représente un frein pour certains acheteurs, admet Mme Gendron. En contrepartie, les rénovations sont admissibles à des subventions.

« Parfois, les gens me demandent : “Tu n’as pas l’impression de vivre dans un musée ?” Pas du tout. C’est comme si la maison m’était prêtée au nom de l’histoire. » Son mari et elle en ont longtemps rêvé, alors qu’ils s’étaient fait construire une maison de l’autre côté de la rivière, dans les années 1980. « En boutade, on disait : “Ce serait bien de finir nos jours au moulin”, mais c’était de l’ordre du rêve. »

Aujourd’hui, la vie l’amène à vouloir fermer ce chapitre et passer ce joyau au suivant. Elle caresse le souhait que le lieu devienne un espace public, avec ses 344 000 pi⁠2 de terrain au bord de la rivière, auquel elle a consacré beaucoup d’énergie. « Ce serait formidable que ça devienne la maison du peuple, avec des expositions, des conférences, un lieu pour les écrivains. » Mais, ce qui lui importe surtout, c’est de trouver des gens qui sauront l’adopter.

Consultez la fiche de la propriété

La propriété en bref

Prix demandé : 889 000 $

Année de construction : 1846

Description : Ancien moulin à eau transformé en résidence. Aménagé sur deux étages et demi, en plus du sous-sol, le bâtiment principal compte deux chambres, trois salles de bains, une salle d’eau, un boudoir au grenier ainsi qu’une salle familiale et une cave à vin au sous-sol. À quelques mètres du moulin se trouve une petite maison, construite pièce sur pièce, qui sert maintenant d’atelier.

Dimensions du bâtiment : 1437 pi⁠2

Superficie du terrain : 343 907 pi⁠2

Évaluation municipale (2023) : 500 800 $

Impôt foncier (2023) : 6379 $

Taxe scolaire (2022) : 479 $

Courtiers : Pierre-Olivier S. Simard et son équipe