La Presse jette un regard sur les innovations qui façonneront le Québec de demain

Dans l’espoir de contrer l’exode vers les banlieues, un OBNL de Rosemont cherche à convaincre les familles de demeurer dans l’île de Montréal. Sa solution ? Des grands condos dessinés d’abord et avant tout pour les couples avec enfants, mais aussi abordables et écologiques. Avec, en prime, une riche vie de quartier.

Ce pari, tout juste récompensé ce 19 avril d’un prix d’excellence au gala annuel de l’Ordre des architectes du Québec, est celui de la Société de développement Angus (SDA), qui pilote depuis 30 ans la revitalisation des immenses terrains des anciens ateliers du Canadien Pacifique. On se rappelle que leur fermeture en 1992 avait créé une vague de chômage, en plus de laisser une cicatrice béante au croisement de Rosemont, du Plateau Mont-Royal et d’Hochelaga-Maisonneuve.

« À l’époque, la SDA s’est battue pour obtenir une option sur une portion de terrain dans le but de faire de la création d’emplois. Sa mission s’est transformée en la réhabilitation complète d’une zone dévitalisée », explique Charles Larouche, vice-président directeur de la SDA.

Réhabilitation complète ? En d’autres mots, « créer un milieu de vie où les gens vivent, travaillent et viennent consommer », précise Marilou Hudon-Huot, vice-présidente à la location commerciale et au développement résidentiel de la SDA.

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Ce projet a été pensé pour les familles, et pour revitaliser le secteur.

« Cette idée est apparue devant le désintérêt croissant des corporations pour les parcs d’entreprises, à la fin des années 2000, ajoute-t-elle. C’est là que, avec les terrains encore disponibles, on a commencé à intégrer du commerce de proximité, puis de l’habitation. »

On ne voulait pas faire un projet de copropriété pour les investisseurs. Notre philosophie, c’est de créer une vie de quartier, pas juste un dortoir.

Marilou Hudon-Huot, vice-présidente à la location commerciale et au développement résidentiel de la SDA

La clé de voûte du projet : construire un ensemble d’immeubles résidentiels qui suscitent un fort sentiment d’appartenance, à l’instar des vieux quartiers montréalais où les habitants de tous âges bien enracinés se côtoient dans les espaces publics et cultivent une relation étroite avec leurs commerçants locaux. « C’est ce qui fait actuellement la popularité des quartiers centraux comme le Plateau Mont-Royal ou Rosemont », illustre Amélie Lessard, architecte de la firme AEdifica.

Prendre racine

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Cité Angus II, un élégant et atypique immeuble campé dans le quartier Angus

Mais comment construit-on un immeuble capable de susciter un fort sentiment de chez-soi à la famille d’aujourd’hui de deux ou trois enfants ? Et, du coup, lui donner l’envie de s’enraciner ?

En créant des appartements à la fois intimes et ouverts sur le quartier, mais qui favorisent aussi des occasions de découverte de ses voisins, résume Hugues Daly, architecte et vice-président d’AEdifica.

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Hugues Daly, architecte et vice-président d’AEdifica, en compagnie d’Amélie Lessard, architecte

C’est là toute l’intention derrière l’élégant et atypique immeuble Cité Angus II. Avec ses 88 unités offrant souvent trois ou quatre chambres, ainsi qu’une superficie d’au moins 1000 pieds carrés, il a été entièrement imaginé pour satisfaire les besoins des familles. On y trouve une vingtaine de formats d’appartements différents, parfois sur deux étages.

RENDU 3D FOURNI PAR AEDEFICIA

Les condos ont été pensés pour les familles.

Mais sa principale particularité, ce sont ses larges coursives extérieures et son immense escalier en colimaçon placé au centre d’une sinueuse cour intérieure. Ces lieux de passage incitent naturellement ses résidants à circuler à l’extérieur, à se croiser et, éventuellement, à se connaître.

« L’escalier est né de cette volonté de faire bouger les gens. Nous avons donc éloigné les ascenseurs pour créer une volonté d’utiliser l’escalier, d’aller voir ses voisins, de participer à la vie active de sa cour », explique Hugues Daly.

  • L’immense escalier en colimaçon est placé au centre d’une cour intérieure propice aux rencontres et aux échanges.

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    L’immense escalier en colimaçon est placé au centre d’une cour intérieure propice aux rencontres et aux échanges.

  • Vue à vol d’oiseau sur la cour intérieure et l’escalier en colimaçon

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    Vue à vol d’oiseau sur la cour intérieure et l’escalier en colimaçon

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« Les coursives extérieures permettent aussi d’avoir des logements traversants, donc avec des fenêtres à l’avant et à l’arrière, ainsi que des balcons de chaque côté », souligne Amélie Lessard.

Ces balcons se font d’ailleurs particulièrement généreux pour inciter les familles à en profiter au maximum. « Certains sont plus grands que l’appartement lui-même », souligne Mme Lessard. Entourés de brise-soleil en acier perforé, ils offrent à la fois une intimité et une protection contre la chaleur.

« Je pense que cela fonctionne super bien quand je regarde ce que les gens ont créé avec ces balcons », ajoute-t-elle avec une pointe de satisfaction.

Chaque unité s’est vendue à un prix variant entre 350 000 $ et 650 000 $. « Un prix rendu possible parce que nous ne cherchons pas le profit. Nous sommes un OBNL », rappelle Mme Hudon-Huot.

« Nous avons pu prouver qu’avec de la volonté et l’innovation, il était possible de réaliser un bâtiment fort et abordable à Rosemont », conclut pour sa part Amélie Lessard.

Pluie, papillons et renards

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Le projet vise la certification LEED Or

L’immeuble Cité Angus II a été réalisé dans un souci de développement durable. Son isolation supérieure, sa ventilation naturelle, ses matériaux à faible émission de composants nocifs et ses systèmes de récupération de chaleur ont notamment été choisis avec l’objectif d’atteindre la certification LEED Or.

Le quartier rêvé de la SDA répond aussi à la certification « LEED Neighbourhood Development » Platine. Sa conception favorise la mixité sociale, le transport actif et le commerce local, mais il respecte également les principes de développement durable.

Par exemple, une boucle énergétique relie chaque bâtiment pour récupérer la chaleur produite par les climatiseurs. Cette chaleur sert entre autres à préchauffer l’eau chaude domestique des appartements.

De plus, grâce à un système de bassin de rétention où poussent des plantes indigènes du Québec, seulement un minime pourcentage des eaux de pluie atteint les égouts municipaux, indique David Goulet-Jobin, ingénieur et chargé de projet à la SDA.

« Les emplacements dans les corridors écologiques vont dans le sens des vents dominants pour favoriser la pollinisation et la faune. Il y a plein de lapins, des ratons laveurs, des renards qui arrivent du chemin de fer pour se rendre jusqu’au parc [Jean-Duceppe]. On a également des cabanes à oiseaux, un nichoir à chauves-souris et des hôtels à insectes. La totale ! », s’exclame-t-il.