Depuis quelques années, les transformations de shoebox, visibles de la rue, se multiplient dans les différents arrondissements de Montréal. Survol.

Patrimoine modeste

Témoins du passé ouvrier de Montréal, ces petites maisons unifamiliales d’un étage, à toit plat, que l’on surnomme shoebox (boîtes à chaussures) appartiennent au patrimoine dit modeste. Conçues avec peu de moyens, elles ont des caractéristiques architecturales variables. Mais en dépit de leur valeur historique, elles ne bénéficient pas d’un statut de protection en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec.

Dans la dernière décennie, devant l’intérêt des promoteurs de remplacer ces maisons par des immeubles de deux ou trois étages, les voix se sont élevées pour les préserver. « Même si ce n’est pas de la grande architecture, ces maisons comportent un intérêt patrimonial, a souligné David B. Hanna, professeur associé en urbanisme à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), au Journal de Rosemont en 2017. Elles représentent l’affranchissement de la classe ouvrière à la fin du XIXsiècle, qui était désormais libre d’acheter un petit lopin de terre. »

Moratoire

En janvier 2018, six maisons de type shoebox étaient menacées de démolition dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie. Héritage Montréal a demandé un moratoire municipal sur la destruction de ce type d’habitations. « Si on n’a pas de moratoire, les démolitions vont s’accélérer et on va avoir un beau cadre réglementaire pour protéger une chose qui n’existera plus, parce que l’espèce sera disparue », a déclaré à La Presse Dinu Bumbaru, directeur des politiques de l’organisme.

Le moratoire a été adopté en mai 2018, au grand dam de nombreux propriétaires qui prévoyaient agrandir leur shoebox, jugée trop petite pour leur famille. Moins d’un an plus tard, après la tenue d’une consultation publique et la mise sur pied d’un comité travail, le moratoire était levé et une nouvelle réglementation, adoptée.

D’un arrondissement à l’autre

L’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie est le seul à avoir adopté une réglementation spécifique aux shoebox. Néanmoins, plusieurs autres encadrent leur transformation et leur démolition à l’intérieur de la réglementation existante, soit le règlement d’urbanisme, le règlement sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) et le règlement sur la démolition d’immeubles, propres à chaque arrondissement.

« Nous appliquons une ligne directrice qui vise à minimiser les démolitions de ce type de bâtiment lorsqu’un agrandissement est possible, selon leur niveau de valeur patrimoniale, précise Rachel Vanier, chargée de communication à l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. Les agrandissements visibles de la voie publique sont quant à eux visés par un règlement sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) qui vise à mettre en valeur le bâtiment existant lorsque des composantes d’intérêt sont présentes. »

L’arrondissement du Sud-Ouest, qui compte environ 350 maisons shoebox sur son territoire, a publié un guide à l’intention des propriétaires pour les aiguiller dans l’élaboration d’un projet d’agrandissement qui concorde avec la réglementation applicable et avec les objectifs de conservation du patrimoine bâti.

L’ajout doit se distinguer du bâtiment d’origine et un recul par rapport à la façade existante est demandé.

Consultez le guide

Une cote architecturale

Dans la foulée du moratoire imposé dans Rosemont–La Petite-Patrie, plusieurs arrondissements ont entrepris de répertorier et d’analyser la valeur architecturale des shoebox. Cette évaluation est principalement basée sur l’intérêt des composants architecturaux de la façade (degré d’authenticité, qualité de la maçonnerie, proportion des ouvertures, etc.) et sur le contexte d’implantation des bâtiments. C’est notamment le cas des arrondissements de Ville-Marie, de Rosemont–La Petite-Patrie ainsi que de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, où cet exercice a été mené sur les 500 plus anciennes shoebox de l’arrondissement. Les autres sont évaluées lors du dépôt d’une demande de permis de démolition ou d’agrandissement.

Dans Rosemont–La Petite-Patrie, chacune de 561 shoebox que comptait l’arrondissement en 2019 s’est vu attribuer une valeur architecturale de 1 à 3, 3 étant la cote la plus élevée. L’agrandissement est permis dans tous les cas, mais le type d’interventions autorisées varie selon la valeur architecturale du bâtiment. Quant à la démolition, le comité chargé d’évaluer la demande doit tenir compte de l’importance relative de la maison par rapport à l’ensemble des maisons shoebox de l’arrondissement et de l’intérêt architectural de la façade et de ses composants. Depuis 2019, cinq permis de démolition ont été délivrés par l’arrondissement, dont deux concernaient des shoebox de catégorie 2. En date du 6 novembre dernier, 12 demandes étaient toujours à l’étude.

Consultez plus d’information à ce sujet sur le site de la Ville de Montréal

Les transformations en chiffres

Nombre de permis de transformation et d’agrandissement de shoebox délivrés depuis 2019

Ville-Marie : 0

Le Sud-Ouest : 10

Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension : 28*

Rosemont–La Petite-Patrie : 34**

* Agrandissements visibles de la voie publique seulement

**Données non exhaustives, réunies par La Presse à partir d’une compilation des demandes de permis de transformation et de construction fournie par l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie