Sur 55 acres de terrain essentiellement occupés par une réserve naturelle, les siamoises d’Élise et Jack s’entourent d’un ancien verger, d’un grand étang et d’un ruisseau. Enfouies dans cet écrin foisonnant, elles se révèlent aux intimes et aux chanceux. Elles dévoilent alors une architecture modeste qui s’inspire des bâtiments agricoles du coin et une silhouette bicéphale créée sur mesure pour les besoins atypiques de ses occupants : vivre ensemble… chacun chez soi.

C’est autour d’un rêve de campagne que les univers d’Élise Guillemette et de Jack Jacob se sont ralliés. Il a fallu deux mots – « pourquoi pas ! » – alimentés par un fort désir de changer de vie pour qu’ils vendent leurs appartements respectifs en ville, provoquent un virage professionnel et fassent le saut à temps plein dans les Cantons-de-l’Est. Lui espérait dénicher un grand terrain boisé ; elle avait soif de silence. Au bout d’un an de recherches, ils ont fait cette trouvaille quasi parfaite.

  • Un ruisseau parcourt le terrain de 55 acres, dont plus de la moitié est une réserve naturelle.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Un ruisseau parcourt le terrain de 55 acres, dont plus de la moitié est une réserve naturelle.

  • Le grand étang a été oxygéné et est maintenant propice à la baignade.

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    Le grand étang a été oxygéné et est maintenant propice à la baignade.

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C’était une de ces journées d’hiver où les oiseaux s’égosillent sous un soleil éclatant. Sur le terrain, propriété d’une écologiste non interventionniste, la nature avait pris le dessus et laissait soupçonner une riche biodiversité. « Il y avait quelque chose de sauvage. On avait l’impression de sentir la présence des animaux et on était déjà bien, décrit Élise. Quand on est entrés dans la maison, ç’a été un coup de foudre instantané. »

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Élise Guillemette a troqué un poste de directrice en publicité pour celui de rédactrice à la pige, tandis que Jack Jacob, fondateur de la maison d’importation de vin Glou, a déménagé ses bureaux à la campagne.

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Le grand étang a été oxygéné et est maintenant propice à la baignade.

Modeste dans ses dimensions et son décor, l’endroit avait en revanche un cachet certain : de grandes poutres au plafond, des murs garnis de lambris naturel, une abondance de lumière grâce à une orientation bien ciblée. À l’extérieur, un revêtement en bois bûché à même le terrain suscitait le respect. Ces atouts ont dicté le reste du projet.

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Le couple rêvait d’avoir un chien, ce qui est chose faite avec l’arrivée d’un épagneul français nommé Polo, qui a trouvé sur cette terre une vaste étendue de forêt à explorer.

Élise a habité longtemps seule. Moi, je vivais avec mon fils. On savait qu’on voulait chacun notre chambre et notre bureau. De là l’idée de dupliquer la structure pour que chacun puisse avoir ses propres appartements, tout en partageant les espaces communs.

Jack Jacob, copropriétaire

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L’habitation compte de larges ouvertures qui offrent une vue sur le mont Sutton et une nature foisonnante.

Une maison, deux pignons

Au bâtiment existant, entièrement rénové en conservant l’essentiel de sa configuration et ses éléments clés, un autre s’est ajouté dans les mêmes dimensions et crée un effet miroir. Entre les deux, une passerelle vitrée de part et d’autre assure la liaison. Cette illusion est signée par l’Atelier 3/4 fort et son fondateur, Francis Rollin.

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Le corridor en verre s’ouvre sur chaque côté du terrain : un endroit parfait pour lire ou prendre un café le matin.

« C’est une stratégie qu’on a déjà vue chez d’autres concepteurs, mais plutôt que de faire une translation, on a décalé les bâtiments », explique ce dernier. Ce geste a permis d’intégrer une grande terrasse qui fait le pont avec le terrain et de préserver un mélèze qui est mis en valeur dans la fenestration. Les ouvertures cadrent d’autres points d’intérêt de façon stratégique, comme les courbes du mont Sutton, majestueux vu de la cuisine, et des arbres centenaires.

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Élise aime cuisiner, tandis que Jack gère le cellier. « On fait un bel accord mets-vins ! », dit Élise en riant.

Ce qui me plaît dans ce projet, c’est son échelle. On n’est pas dans le superlatif, dans des pieds carrés inutiles où l’on se perd. Chaque espace est optimisé.

Francis Rollin, concepteur d’habitation et d’objets architecturaux

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Dessiné par l’Atelier 3/4 fort, l’escalier devient un podium.

La maison originale, intime avec ses plafonds bas et sa superficie de 24 pi x 24 pi, accueille désormais la cuisine et la salle à manger au rez-de-chaussée, ainsi que les appartements d’Élise à l’étage. La nouvelle construction, qui adopte la même empreinte, épouse quant à elle la topographie en pente du terrain et se déploie sous un plafond cathédrale. Elle héberge la salle familiale ainsi que les quartiers de Jack et de son fils de 12 ans, Marius, présent une semaine sur deux. La configuration des lieux permet d’être ensemble ou de se retirer au besoin.

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Au mur de la salle familiale, une grande bibliothèque se prolonge jusqu’à la mezzanine et son pignon. On y accède par une passerelle en caillebotis.

« Le fait de descendre au salon crée une coupure propice à la relaxation et une sensation de liberté », souligne Francis Rollin, qui reconnaît s’être éclaté davantage dans cette partie qui intègre des éléments plus modernes et des objets architecturaux. Malgré des caractères différents, les deux structures répondent joliment l’une à l’autre dans un tout qui marie l’ancien et le contemporain.

Unir deux univers

  • « Le fait qu’il y ait un foyer dans la cuisine est un beau luxe, souligne Élise. On l’allume tous les jours. »

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    « Le fait qu’il y ait un foyer dans la cuisine est un beau luxe, souligne Élise. On l’allume tous les jours. »

  • La cuisine, qui se déploie sur toute la largeur de l’ancien bâtiment, offre un point de vue saisissant sur le Sommet Rond du mont Sutton. Les comptoirs, en béton patiné, ont été réalisés par Béton Johnstone, dont l’atelier est situé à Granby.

    PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR L’ATELIER 3/4 FORT

    La cuisine, qui se déploie sur toute la largeur de l’ancien bâtiment, offre un point de vue saisissant sur le Sommet Rond du mont Sutton. Les comptoirs, en béton patiné, ont été réalisés par Béton Johnstone, dont l’atelier est situé à Granby.

  • Le rendu est efficace et enveloppant avec son abondance de bois et deux foyers qui suffisent à réchauffer l’espace. La sobriété des lieux laisse parler un paysage généreux.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Le rendu est efficace et enveloppant avec son abondance de bois et deux foyers qui suffisent à réchauffer l’espace. La sobriété des lieux laisse parler un paysage généreux.

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« C’était la première fois qu’un couple nous demandait deux espaces séparés. C’est super intéressant comme contrainte. Alors qu’on assiste souvent à des frictions autour de l’aménagement, il y avait une bonne entente dans ce projet, constate le concepteur. Chacun a fait ses propres demandes pour ses quartiers. »

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Dans la chambre de Marius, le placard est surmonté d’un lit qui permet d’accueillir la visite.

Il allait de soi que l’ancienne partie, avec son cachet d’époque, allait accueillir les appartements d’Élise qui possède plusieurs antiquités, tandis que Jack a une affection pour le Mid-century. Alors que l’une aime que tout soit rangé, l’autre vit bien dans un certain chaos.

  • Situé sur la mezzanine, le bureau de Jack offre une vue enviable sur un paysage de montagnes.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Situé sur la mezzanine, le bureau de Jack offre une vue enviable sur un paysage de montagnes.

  • Plus ouverte avec son plafond cathédrale de 30 pieds de hauteur, la nouvelle construction offre un contraste avec l’intimité de l’ancienne partie.

    PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR L’ATELIER 3/4 FORT

    Plus ouverte avec son plafond cathédrale de 30 pieds de hauteur, la nouvelle construction offre un contraste avec l’intimité de l’ancienne partie.

  • Dans les quartiers d’Élise, les planchers en pin d’origine ont été conservés et confèrent à l’espace un charme ancien.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Dans les quartiers d’Élise, les planchers en pin d’origine ont été conservés et confèrent à l’espace un charme ancien.

  • Dans un effet d’ombre et de lumière, la salle de bains de Jack trouve son pendant chez Élise.

    PHOTO RAPHAËL THIBODEAU, FOURNIE PAR L’ATELIER 3/4 FORT

    Dans un effet d’ombre et de lumière, la salle de bains de Jack trouve son pendant chez Élise.

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Avec nos caractères et nos façons de vivre, cette configuration était un investissement dans la santé de notre couple. Cette maison est source d’harmonie et c’est sa configuration qui le permet.

Élise Guillemette, copropriétaire

À la fonte des neiges, le terrain a révélé une prairie en friche où poussent des talles de fleurs et d’asclépiades. Progressivement, les anciens citadins plantent des arbres fruitiers et restaurent le vieux verger, tout en cherchant à minimiser leur empreinte comme le souhaitait l’ancienne propriétaire. « Jamais – pas même une seconde – on a regretté ce choix de vie », insiste Jack, qui se décrit maintenant avec humour comme étant sommelier-bûcheron. Son premier achat a été une scie mécanique, suivie d’un tracteur.

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La salle de bains d’Élise se démarque avec son plancher de terrazzo et ses comptoirs de béton couleur crème, réalisés par Béton Johnstone.

Quant à Élise, elle ouvre maintenant toutes grandes ses fenêtres. « En ville, le bruit faisait en sorte qu’elles restaient fermées à l’année longue. À la campagne, c’est le vent dans les arbres qu’on entend. Depuis qu’on est ici, on se couche très, très tôt. Il n’y a pas de rideaux dans la maison. On suit le soleil ! On est arrivés dans un état de fatigue avancée et, après trois ans, on sent qu’on récupère enfin. J’ai arrêté la course à pied. Je marche. »

Consultez le site de l’Atelier 3/4 fort