Étienne Duclos et Marie Breton aiment habiter au cœur de la ville. Leurs deux enfants vont à l’école à pied, l’épicerie est à quelques coins de rue, le parc aussi. Mais au rez-de-chaussée de leur triplex du Vieux-Rosemont, l’espace commençait à manquer. Entre partir ou rester et agrandir, ils ont choisi la deuxième option. Agrandir, oui, mais avec modération.

Auparavant propriétaire d’un condo dans le même quartier, le couple a acquis cet immeuble il y a huit ans, après la naissance de son premier enfant. L’idée d’habiter un rez-de-chaussée avec un sous-sol et un accès à une cour lui suffisait. « Mais on aimait la flexibilité de pouvoir dire : maintenant on possède un immeuble, alors on dispose potentiellement de cet espace-là additionnel », indique Marie Breton. Avec l’arrivée d’un deuxième enfant, le manque d’espace a commencé à se faire sentir. « Ce qui était clair, c’est qu’on ne voulait pas aller ailleurs, poursuit-elle. On préférait vivre dans plus petit, mais dans le quartier. »

Le couple a bien eu au départ quelques idées de grandeur. L’un des deux appartements du deuxième étage (des trois et demie) était vacant depuis deux ans et nécessitait des rénovations. Comme de nombreux propriétaires montréalais, ils ont caressé l’idée de transformer leur immeuble en cottage, mais se sont heurtés à un nouveau règlement mis en place par l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie pour préserver le parc locatif. Depuis octobre 2020, les propriétaires de triplex situés dans l’arrondissement ne peuvent plus transformer leur immeuble en maison unifamiliale.

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Marie Breton et Étienne Duclos

« C’est une contrainte qui s’est finalement transformée en opportunité, affirme Étienne Duclos, qui est architecte de profession et cofondateur de la firme montréalaise DESK architectes. C’était l’occasion de conserver une locataire. Ça fait 25 ans qu’elle est là. On s’entend super bien avec elle. Ça aurait été difficile de lui dire au revoir. »

Une fois les travaux terminés, le couple se rend compte que l’espace dont la famille dispose désormais est amplement suffisant. Les enfants, âgés de 7 et 9 ans, partagent toujours la même chambre (par choix !), mais l’un d’eux pourra éventuellement emménager dans une pièce supplémentaire qui sert aujourd’hui de salle de jeux.

Voir à long terme

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L’espace a été décloisonné et cette fenêtre agrandie.

« On voulait faire un projet qui nous permettait de voir à long terme, souligne Marie Breton. Avec les enfants qui grandissaient, on sentait qu’ils allaient vouloir chacun leur chambre éventuellement, mais on ne voulait pas non plus se retrouver avec quelque chose de démesuré [au moment où ils quitteront le nid]. »

Ça nous a permis d’avoir une belle réflexion sur l’espace dont on a et aura besoin maintenant, dans 10 ans, puis dans 20 ans.

Marie Breton, copropriétaire

Outre l’ajout de 500 pieds carrés au logement de la famille, le projet de rénovation était aussi l’occasion de réorganiser l’espace, notamment l’entrée minuscule, impraticable pour une famille de quatre, qui a été remplacée par un vestibule décloisonné. Dans l’espace occupé par l’ancien logement à l’étage, deux chambres ont été aménagées et la salle de bains a été agrandie.

Typique d’un plex montréalais construit dans les années 1950, le rez-de-chaussée était divisé en longues pièces étroites fermées, situées de part et d’autre d’un corridor. La salle à manger et le salon étaient séparés de la cuisine, alors que la famille souhaitait avoir un espace plus ouvert afin de passer davantage de temps ensemble. L’aire de vie a été ouverte et concentrée à l’arrière du bâtiment, là où les fenêtres ont pu être agrandies pour offrir plus de luminosité.

La cuisine épargnée

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La cuisine est restée telle quelle.

Il était hors de question pour les propriétaires de remplacer la cuisine, qui avait été rénovée lorsqu’ils ont acquis l’immeuble. « Ça n’avait pas de sens pour nous de la refaire, dit Marie. Elle avait cinq ou six ans à l’époque. C’était tellement un gros gaspillage dans notre tête. Il a quasiment fallu s’obstiner avec les entrepreneurs qui nous disaient : “Tant qu’à faire, tu détruis tout.” »

Décloisonner l’espace et conserver l’ancienne cuisine, malgré son allure encore très moderne, représentait néanmoins un défi d’intégration.

L’architecte y a répondu en ajoutant deux unités de mobilier intégré aux limites de la cuisine, afin de redéfinir le carrelage d’ardoise au sol, différent du plancher en chêne blanc qui recouvre le reste de l’espace.

  • Dans la salle à manger, un meuble de rangement intégré offre une banquette très prisée par la famille.

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    Dans la salle à manger, un meuble de rangement intégré offre une banquette très prisée par la famille.

  • Cet autre meuble intégré habille une cloison dans laquelle sont dissimulées une colonne et la tuyauterie.

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    Cet autre meuble intégré habille une cloison dans laquelle sont dissimulées une colonne et la tuyauterie.

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Pour pallier le retrait d’un mur porteur, deux colonnes, dissimulées à l’intérieur du mobilier et d’une cloison, ont dû être conservées. Même chose pour les conduits pluviaux et la plomberie du logement d’en haut qui sont cachés dans la cloison servant aussi à délimiter les pièces et le couloir de circulation, tout en accueillant la console média côté salon.

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Ce bloc structure l’espace et délimite le couloir de circulation tout en dissimulant une colonne et la tuyauterie.

L’autre meuble, adossé au mur extérieur, présente une ouverture agrandie qui donne sur la cour, du rangement, ainsi qu’une banquette en chêne blanc servant de coin lecture et créant une interaction entre l’intérieur et l’extérieur. « C’est mon coin préféré, note Marie. Les enfants jouent beaucoup dans la ruelle. Ça me permet de jeter un petit coup d’œil. Même les enfants, ils s’assoient avec leurs livres. »

  • Le salon est maintenant intégré à l’aire de vie principale.

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    Le salon est maintenant intégré à l’aire de vie principale.

  • La salle de bains, compacte mais fonctionnelle et lumineuse avec son puits de lumière

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    La salle de bains, compacte mais fonctionnelle et lumineuse avec son puits de lumière

  • La chambre principale, à l’étage, donne sur la ruelle.

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    La chambre principale, à l’étage, donne sur la ruelle.

  • Les enfants partagent toujours la même chambre, par choix.

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    Les enfants partagent toujours la même chambre, par choix.

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Si la façade du bâtiment n’a pu être modifiée malgré son asymétrie (le bâtiment est situé dans un secteur défini comme patrimonial), l’arrière a pour sa part été entièrement refait et épuré, avec le souci de s’harmoniser avec les autres bâtiments de la ruelle. « On voulait éviter les murs rideaux pleine grandeur, note l’architecte. On voit que c’est récent, que ç’a été modifié, mais ça s’apparente à ce qu’il y a autour. » Un nouvel escalier hélicoïdal a même été installé. En mauvais état, la brique rouge a été remplacée par une maçonnerie plus claire.

  • La façade arrière a été repensée de façon à s’intégrer à l’environnement bâti.

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    La façade arrière a été repensée de façon à s’intégrer à l’environnement bâti.

  • Le balcon, en été

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    Le balcon, en été

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Dans une autre phase, les propriétaires aimeraient déminéraliser la cour arrière, tout en conservant un esprit d’ouverture sur la ruelle.

Quand on a acheté, ça me dérangeait qu’il n’y ait pas de clôture, mais je me suis rapidement rendu compte que c’est un gros avantage parce que ça crée volontairement un lieu de rassemblement avec les voisins.

Étienne Duclos, copropriétaire

« On aimerait un jour essayer de privatiser un peu, mais dans l’esprit de garder cette zone ouverte, sans se cloîtrer. Ce sera un beau défi de trouver un entre-deux », observe Étienne.

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La chambre principale est dotée d’une porte-fenêtre s’ouvrant sur la ruelle.

Le couple aura suffisamment le temps d’y penser. « Ç’a été un gros projet, dit Marie. Les travaux ont pris presque un an. C’est pour ça qu’on s’est dit : on est ici pour des décennies. »

Coût approximatif des travaux : 350 000 $

Avant les travaux
  • La façade arrière, avant les travaux

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    La façade arrière, avant les travaux

  • Le logement principal au rez-de-chaussée, avant les travaux

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    Le logement principal au rez-de-chaussée, avant les travaux

  • L’appartement à l’étage, avant les travaux

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    L’appartement à l’étage, avant les travaux

  • La cuisine de l’appartement à l’étage

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    La cuisine de l’appartement à l’étage

  • La façade avant est restée presque intacte. Seules les portes et fenêtres ont été changées.

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    La façade avant est restée presque intacte. Seules les portes et fenêtres ont été changées.

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Collaborateurs

  • MA-TH, ingénieur en structure
  • OVI Ébénisterie (mobilier intégré, sauf la cuisine)
  • KC metalworks (métaux ouvrés pour l’intérieur, soit le claustra et les mains courantes)
Consultez le site de DESK architectes