Malgré des rénovations majeures effectuées par son propriétaire au début des années 2000, l’aménagement du Saint-Pierre demeurait oppressant et peu fonctionnel. Certains s’en seraient contentés. Son propriétaire a préféré faire table rase et a donné carte blanche à La Firme pour le convertir en un lieu hors de l’ordinaire. Le résultat est un fascinant jeu de volumes et de contrastes qui lui a valu deux prix de design.
Niché dans le Caverhill, un édifice patrimonial du Vieux-Montréal datant du XIXe siècle, le Saint-Pierre a le cachet et le caractère des bâtiments industriels d’avant. De l’extérieur, l’endroit exhibe d’élégantes fenêtres en arche, symétriquement campées dans une façade dont la dentelle de pierre rappelle le style néo-Renaissance italienne. De l’intérieur, ce charme se confirme… et ses inconvénients aussi !
Avec un seul mur fenestré en façade, l’arrière du loft est plongé dans l’obscurité. Sa coquille relativement hermétique est accentuée par des plafonds étonnamment bas pour une construction de l’époque. Dans l’ancien décor, des angles incongrus et l’abondance de noir sur les murs amplifiaient une propension naturelle à la lourdeur. Il faut parfois admettre qu’on a fait fausse route pour repartir du bon pied, ce qu’Edward Brooke a fait : « J’y ai vu une occasion d’investir dans ma propriété pour l’amener à un tout autre niveau. »
À défaut d’avoir une idée précise du résultat, le propriétaire avait l’intime conviction du potentiel de son studio et une vision non conformiste pour son avenir.
C’est un parfait client. Il sait ce qu’il veut, mais fait confiance. Là où il aurait pu opter pour des solutions conventionnelles, il a préféré l’innovation.
Louis Béliveau, designer en chef de La Firme
S’affranchir des idées préconçues
La solution facile aurait été de transformer l’espace perdu entre les deux pôles du studio en rangement. L’idée la plus audacieuse de La Firme a été d’en faire un sauna : une rareté dans un studio de 1600 pieds carrés. Derrière sa vitre fumée, cet espace de détente se révèle quand les lumières y sont allumées. Autrement, son mur de verre agit comme les miroirs sans tain des salles d’interrogatoire et permet, de l’intérieur, de voir sans être vu. Dans la pénombre, le sauna reste perceptible, mais discret, alimentant ainsi un certain mystère.
De l’aire de vie, la paroi réfléchissante fait rebondir la lumière et contribue à l’impression de grandeur et de luminosité des lieux. Avec 20 pieds de comptoir, la cuisine, auparavant peu fonctionnelle et guère invitante, est devenue un laboratoire culinaire. Au centre, son îlot de marbre attire spontanément le regard avec ses stries affirmées qui donnent tout son caractère à l’espace. Ce choix révèle encore une fois un penchant pour une esthétique éclatée et intrépide.
Le salon, plongé dans un bain de lumière, occupe l’avant du décor. Même chose pour la chambre principale, séparée de l’aire de vie par l’espace bureau. Linéaire, elle se prolonge à travers un mur de verre teinté, de la salle de bains, ouverte, jusqu’à une salle d’eau qui est fermée. Au fond du passage, un intéressant jeu de miroir reflète la fenêtre et donne l’impression que l’espace se poursuit à l’infini. Son mur de rangement traverse la pièce d’un bout à l’autre et agit comme fil conducteur entre la façade, lumineuse, et la pénombre.
Quand les contraires se complètent
Exploiter la lumière naturelle provenant des trois grandes fenêtres a été la pierre angulaire autour de laquelle s’articule l’aménagement. L’absence de mur porteur a grandement facilité la tâche pour atteindre cet objectif, et a permis de maximiser la superficie de l’aire de vie.
La luminosité s’estompe graduellement vers l’autre extrémité de l’appartement, où l’espace est segmenté et sans ouvertures vers l’extérieur. On y a regroupé le vestibule, une salle mécanique, une salle de lavage, une salle d’eau attenante à l’entrée, une chambre d’appoint et une salle de bains qui dessert aussi le sauna.
Plutôt que d’essayer de compenser l’absence de lumière, on a préféré jouer le contraste : d’un côté, on a la lumière et la blancheur ; de l’autre, l’obscurité qui est accentuée par l’utilisation d’une céramique noire au plancher. On assume le fait que c’est sombre.
Louis Béliveau, designer en chef de La Firme
L’espace est toutefois réveillé autrement avec des surfaces réfléchissantes.
L’habillement du Saint-Pierre reste minimaliste dans le choix des matériaux : le bois, le verre, la brique et une céramique noire ponctuent le décor. L’abondance de bois réchauffe une esthétique en noir et blanc qui pourrait autrement sembler sévère. Quant au mur de briques, discret sous une couche de peinture, il est une toile de fond riche en textures qui met en valeur la beauté des arches.
Dans cet ensemble, l’ancien et le nouveau se marient mélodieusement et créent un environnement douillet pourvu d’un sauna, de deux salles de bains et de deux salles d’eau ! Après avoir délaissé son loft pendant des années, le propriétaire réajuste ses plans. « Je n’avais pas prévu m’y réinstaller, mais les résultats sont tellement emballants que je suis dans le processus pour le faire ! » Avec ces travaux, le loft Saint-Pierre semble enfin sur son X.
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