Le Salon Complètement Design était de retour dans le Vieux-Port de Montréal le 14 mars dernier, avec la même ambition d’être un carrefour pour les artisans, les penseurs et les commerçants de l’industrie. Pour sa deuxième édition, l’organisateur de l’évènement, Index-Design, et sa directrice, Sandra Heintz, ont confié la scénographie à l’architecte et enseignant Jean Verville, de l’École d’architecture de l’Université Laval.

On ne peut commencer cet échange en faisant abstraction de votre costume. Racontez-nous le pourquoi !

Jean Verville : On a voulu être conséquents dans ce qu’on proclame et faire de Complètement Design un évènement qui soit complètement circulaire. Les caissons, les panneaux : tout ce qui est présenté ici sera réutilisé. […] On s’attend à ce qu’Adidas transforme les bouteilles de plastique en jacksuit. Plutôt que d’espérer que ça se fasse ailleurs, tout en se donnant bonne conscience avec de la pseudo-écoresponsabilité, pourquoi on ne réutiliserait pas nos matières et emballages localement ? C’est la raison pour laquelle on a décidé de porter nos emballages et mousses de protection aujourd’hui, comme une allégorie de cette intention.

Visions spéculatives est le thème de l’évènement. Quelle forme prend cette ligne directrice en design et en architecture ?

JV : Pour moi, l’architecture et le design spéculatifs, c’est arriver à penser autrement pour trouver des solutions. Le marché a changé, les conditions ne sont plus les mêmes. Le milieu a besoin d’un coup de pep pour envisager l’avenir sous un angle positif. Si on n’utilise pas toutes ces têtes créatives pour générer un monde meilleur, aussi bien arrêter la machine !

Et qu’émerge-t-il de cette réflexion ?

JV : Ça se situe principalement sur le plan de la réhabilitation d’objets abandonnés. Dans le laboratoire de l’École d’architecture, l’un des projets consistait à réutiliser des plateformes pétrolières abandonnées pour en faire des fermes d’aquaculture. Il y a 10 800 plateformes inutilisées dans le golfe du Mexique. C’est énorme ! Un autre de nos projets consiste à réfléchir aux façons de faire de l’habitat collectif et abordable sous les ponts. Même si ça bouscule plein de gens au passage, nous pouvons, en tant qu’architectes ou designers, utiliser notre imaginaire pour créer autre chose et nous ouvrir à d’autres façons de faire.

Le milieu du design ressent-il cette urgence de revoir les paramètres dans lesquels il a évolué ?

Sandra Heintz : Absolument. Le questionnement sur la circularité, il est à tous les niveaux et particulièrement chez les professionnels du bâti qui naviguent dans un environnement où l’empreinte carbone est importante. Que ce soit pour du slow ou du mass, l’architecte et le designer recherchent le produit qui a une conscience environnementale et qui a été réfléchi pour faire moins de dommages à la planète. Ils savent qu’ils peuvent contribuer à faire la différence et tout le monde veut bien faire, mais a-t-on les outils ? Chose certaine, il y a une prise de conscience, et c’est la raison pour laquelle il faut mettre en place cette plateforme de discussion entre les créateurs et les exposants.

Ces contraintes sont-elles des moteurs pour la créativité ?

JV : Si on travaille dans ses pantoufles, ce n’est pas stimulant. On ne peut pas se cacher la tête dans le sable en se disant que tout est beau. Il y a de moins en moins de main-d’œuvre, le consommateur a moins d’argent et il n’est pas prêt à vider sa tirelire pour endosser des trucs qui sont parfois de l’ordre du greenwashing. J’espère qu’aujourd’hui, on aura réussi à décomplexer un peu la discussion entre les créatifs et le monde du marché pour se dire les vraies affaires.

Visions spéculatives : sortir du salon

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

La deuxième édition de Complètement Design

Complètement Design emprunte à la formule muséale, un cadre thématique et filtré qui cherche à se distinguer des formules dans lesquelles évoluent normalement les salons commerciaux. À travers sa thématique, Visions spéculatives, l’évènement s’interroge : comment activer l’imaginaire dans la pratique professionnelle pour mieux alimenter le milieu du design et contribuer à enrichir l’avenir de la planète ? Ce questionnement, omniprésent, est aussi présent du côté des exposants qui ont réduit le nombre d’objets ou de créations présentés pour ne garder que les plus pertinents.

« On avait très envie que les designers et les architectes s’approprient un autre rapport à un évènement commercial de type salon. Généralement, c’est l’abondance de produits. Nous, on a plutôt invité les exposants à se demander ce qu’ils pouvaient montrer avec un nombre défini de produits, en choisissant ceux qui ont une plus forte composante d’innovation et de circularité », mentionne la directrice d’Index-Design, Sandra Heintz.

Consultez le site d’Index-Design

Objets choisis

En lien avec le Guide 300, sa publication annuelle d’adresses et de références en design, Index-Design présente neuf créateurs d’ici à suivre de près. Ces derniers ont, pour l’occasion, matérialisé la thématique avec un objet de leur cru.

  • Le mobilier de Barbeau Desrosiers, un duo de designers industrielles qui travaille principalement le métal, figure dans la sélection d’Index-Design.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Le mobilier de Barbeau Desrosiers, un duo de designers industrielles qui travaille principalement le métal, figure dans la sélection d’Index-Design.

  • La céramiste montréalaise Édith Sévigny Martel a créé cette table pour le Salon. « C’est mon coup de cœur, nous confie Jean Verville. Sur image, la création n’était pas aussi révélatrice. Quand je l’ai vue en personne, je me suis dit : “Wow : c’est entre l’œuvre d’art et l’objet de design.” Il est étrange de voir une table qui n’est pas utilisée comme telle, mais est-ce que ça doit être le cas ? »

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    La céramiste montréalaise Édith Sévigny Martel a créé cette table pour le Salon. « C’est mon coup de cœur, nous confie Jean Verville. Sur image, la création n’était pas aussi révélatrice. Quand je l’ai vue en personne, je me suis dit : “Wow : c’est entre l’œuvre d’art et l’objet de design.” Il est étrange de voir une table qui n’est pas utilisée comme telle, mais est-ce que ça doit être le cas ? »

  • Issue de la collection Bone, de Loïc Bard, cette création réalisée dans l’essence de prédilection de l’artiste, soit l’érable, évoque le corps, ses articulations et le sens du toucher. « Le bois est protégé avec une technique de brûlage et fini avec des huiles naturelles qui le protègent doublement », explique-t-il.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Issue de la collection Bone, de Loïc Bard, cette création réalisée dans l’essence de prédilection de l’artiste, soit l’érable, évoque le corps, ses articulations et le sens du toucher. « Le bois est protégé avec une technique de brûlage et fini avec des huiles naturelles qui le protègent doublement », explique-t-il.

  • Le studio Séjour cherche à cultiver la curiosité envers le design d’objets. Son système modulaire Hannah invite à être modulé au gré de l’espièglerie de ses utilisateurs.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Le studio Séjour cherche à cultiver la curiosité envers le design d’objets. Son système modulaire Hannah invite à être modulé au gré de l’espièglerie de ses utilisateurs.

  • Dernière création du studio montréalais Jacques et Anna, la lampe Toucan revisite les lampes de banquier des bibliothèques dans des lignes épurées, matérialisées avec l’acrylique.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Dernière création du studio montréalais Jacques et Anna, la lampe Toucan revisite les lampes de banquier des bibliothèques dans des lignes épurées, matérialisées avec l’acrylique.

  • Les créateurs d’Armes, Alexandre Joncas et Gildas Le Bars, marient les nouvelles technologies et les méthodes ancestrales. Moderne, mais puisant dans le passé, la lampe Hyphen en est un exemple : elle utilise une technique d’émaillage japonaise du XVIe siècle sur une porcelaine brute ornée de crins de cheval.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Les créateurs d’Armes, Alexandre Joncas et Gildas Le Bars, marient les nouvelles technologies et les méthodes ancestrales. Moderne, mais puisant dans le passé, la lampe Hyphen en est un exemple : elle utilise une technique d’émaillage japonaise du XVIe siècle sur une porcelaine brute ornée de crins de cheval.

  • Fondé en 2023 par David Raymond, l’atelier Lesorr s’inspire du quotidien pour optimiser l’expérience sensorielle. Deux chaises empilées, créées dans un nouveau coloris – le vert rétro – pour l’évènement, prennent ici une forme sculpturale.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Fondé en 2023 par David Raymond, l’atelier Lesorr s’inspire du quotidien pour optimiser l’expérience sensorielle. Deux chaises empilées, créées dans un nouveau coloris – le vert rétro – pour l’évènement, prennent ici une forme sculpturale.

  • Le studio Ascètes travaille pour la pérennité en remodelant les matières secondaires pour en faire des objets fonctionnels. Issue de la collection Matière infinie, cette création est faite de déchets plastiques et de matières polymères abandonnés dans les espaces publics.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Le studio Ascètes travaille pour la pérennité en remodelant les matières secondaires pour en faire des objets fonctionnels. Issue de la collection Matière infinie, cette création est faite de déchets plastiques et de matières polymères abandonnés dans les espaces publics.

  • Fondé par Jean-Michel Gadouas, le collectif Édition 888 présente cette création dans le cadre du Salon. Cette dernière, fidèle à la ligne du studio, élève les matériaux bruts dans la pensée du mouvement brutaliste.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Fondé par Jean-Michel Gadouas, le collectif Édition 888 présente cette création dans le cadre du Salon. Cette dernière, fidèle à la ligne du studio, élève les matériaux bruts dans la pensée du mouvement brutaliste.

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