(Québec) Le 14 septembre 2015 avait lieu l’enterrement symbolique du vieux Colisée de Québec. Qui de mieux pour officier cette cérémonie que le groupe Metallica ? Quand les dernières notes d’Enter Sandman ont fini de résonner, les spectateurs sont sortis en faisant leurs adieux à la vénérable bâtisse.

Mais contre toute attente, huit ans plus tard, le Colisée est toujours debout. Il souffre de la comparaison avec le Centre Vidéotron, plus jeune, plus grand, situé à un jet de pierre. Il apparaît vieilli, défraîchi, comme un paquebot abandonné par son équipage. Mais il est toujours là.

Régis Labeaume avait pourtant annoncé son intention de le démolir. L’ancien maire s’était ravisé notamment devant l’explosion des coûts.

Lors de la dernière campagne électorale municipale, Bruno Marchand proposait quant à lui de ne conserver que les arches de l’aréna, comme un clin d’œil au passé, et d’ériger un nouveau quartier aux alentours.

IMAGE FOURNIE PAR QUÉBEC FORTE ET FIÈRE

Une esquisse présentée par Bruno Marchand lors de la dernière campagne électorale, avec les arches conservées de l’ancien Colisée. Tout est désormais sur la table pour l’avenir de l’amphithéâtre, confirme son administration.

Mais voilà que tout semble aujourd’hui sur la table dans ce dossier qui défraie la chronique depuis près de dix ans. L’administration Marchand lance cette semaine des consultations d’experts pour déterminer ce qu’il faut faire du vieux Colisée et des stationnements qui l’entourent. Les citoyens seront ensuite consultés dans le premier trimestre de 2024.

« On veut aller voir des experts et les citoyens, pour comprendre ce que les gens veulent et ce qu’il est possible de faire », explique Mélissa Coulombe-Leduc, élue responsable du dossier dans l’administration Marchand. « Tout est sur la table dans la mesure où c’est possible et réaliste. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Mélissa Coulombe-Leduc est responsable du dossier de l’avenir du site du Colisée au comité exécutif de la Ville de Québec.

L’administration Marchand est toujours favorable à la construction de logements dans les stationnements au nord-est de la bâtisse. Le maire a récemment annoncé que face à la crise du logement et à des prévisions démographiques favorables, la Ville de Québec doit doubler les mises en chantier.

Cette idée suscite l’adhésion du chef de l’opposition officielle. « Dans la mesure où la Ville a un objectif de 80 000 nouveaux logements d’ici 2040, des surfaces bétonnées comme ça représentent une occasion en or », note Claude Villeneuve.

L’éléphant blanc dans la pièce

Mais si les élus semblent avoir une idée de ce qu’il faut faire des stationnements en bordure du Colisée, l’avenir du vieil amphithéâtre lui-même est aujourd’hui plus nébuleux que jamais.

L’administration Labeaume avait commandé des études qui évaluaient à 17 millions de dollars la démolition de l’ancienne maison des Nordiques et des Remparts. La présence de plomb et d’amiante faisait bondir la facture. Et c’était avant la pandémie et la hausse galopante des coûts dans l’industrie de la construction.

L’ancienne formation de M. Labeaume proposait lors de la dernière campagne de transformer le Colisée en centre multisports. Mais la proposition avait indisposé un propriétaire de gym d’escalade situé tout près des lieux puisque Régis Labeaume avait justement proposé d’y ériger... des murs d’escalade.

L’idée a depuis été abandonnée par l’ancienne formation de M. Labeaume.

On ne pense pas qu’actuellement, l’idée d’en faire un centre pour les sports émergents est la meilleure idée. On ne sent pas d’adhésion de la population pour cette idée.

Claude Villeneuve, chef de Québec d’abord

À un moment en 2022, l’idée a flotté de raser le Colisée pour y construire un nouveau stade de baseball. Puis selon nos informations, des promoteurs souhaitant créer une équipe de la Première ligue de soccer à Québec ont aussi tâté le terrain pour utiliser le site. Mais leurs échéances étaient trop serrées.

En attendant, la Ville loue l’ancien amphithéâtre au Festival d’été de Québec, qui y entrepose ses équipements. Le loyer permet d’éponger les frais d’entretien, a récemment assuré la Ville au journal Le Soleil.

Détruire ou conserver le bâtiment ? La question ne semble pas vouloir mourir. Pour nourrir ses réflexions, la Ville de Québec a commandé une étude de caractérisation des sols pour détecter toute contamination et une étude sur les coûts environnementaux de la démolition du Colisée.

« De mémoire, la Ville avait déjà évalué à peu près à 20 millions pour mettre à niveau le Colisée, sans vocation particulière. Si on pense que la démolition coûtera environ ça, on est à peu près kif-kif en ce moment », note Mme Coulombe-Leduc.

Un immeuble patrimonial ?

Dans tous ces débats, la question du caractère patrimonial est rarement soulevée. Il faut dire que la beauté du vieux Colisée de 1949 a été passablement cachée lors de l’agrandissement de 1980 à l’occasion de l’entrée des Nordiques dans la Ligue nationale. Plusieurs raffinements conçus par l’architecte moderniste Robert Blatter, bien connu à Québec, ont été perdus à jamais.

PHOTO TIRÉE DES ARCHIVES DE LA VILLE DE QUÉBEC

Le Colisée en 1979, avant son agrandissement et son recouvrement

L’architecture d’origine de ce « jalon important de la modernité » a été « complètement bousillée » lors de l’agrandissement, note Martin Dubois, président de la firme Patri-Arch et consultant en architecture et patrimoine.

Déshabiller le vieux Colisée pour revenir à la version de Blatter s’avérerait une entreprise difficile, selon lui. « Ce n’est pas un simple désemballage, mais une opération plus complexe et très coûteuse pour un bâtiment dont on ne sait plus quoi faire. Techniquement, ce ne serait pas impossible, mais je doute que ce soit envisageable. »

« Pour ma part, le Colisée de Blatter a été irrémédiablement perdu lors des travaux de la fin des années 1970 », dit-il.

La porteuse du dossier du Colisée, qui est aussi responsable du patrimoine au comité exécutif, est du même avis.

Les principales caractéristiques architecturales du bâtiment, au niveau du patrimoine, ont été recouvertes en 1980. Est-ce que c’est réversible ? On m’a dit que ce serait très compliqué de revenir en arrière.

Mélissa Coulombe-Leduc, élue responsable du dossier dans l’administration Marchand

À Québec, l’idée de détruire le bâtiment semble avoir cheminé depuis des années, même chez plusieurs de ceux qui ont connu les plus belles années du Colisée.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le Colisée de Québec

« Ç’a été une bâtisse riche en beaux moments de hockey. C’est sûr qu’une démolition, ça va faire quelque chose, mais avec le Centre Vidéotron, on est passés à autre chose », croit Maurice Dumas, ancien journaliste au Soleil qui a couvert les Nordiques pendant 15 ans.

Claude Lavoie, qui a eu « l’honneur » d’être l’annonceur maison lors du dernier match des Nordiques dans le Colisée, est du même avis. « Ce qui faisait le charme, c’étaient les équipes qui y jouaient et les souvenirs qui ont été créés au Colisée, dit-il. J’ai cette impression-là que les gens sont passés à autre chose. Le hockey maintenant, c’est au Centre Vidéotron. »

Un Dollarama dans le Forum

Le destin d’un ancien temple du hockey n’occupe pas que les élus de Québec, il suscite aussi les passions sur les réseaux sociaux. Un utilisateur de X a récemment partagé une photo de l’ancien Forum de Montréal, transformé en cinéma et en centre commercial. Un magasin Dollarama s’est installé dans les lieux et le logo de l’enseigne au rabais apparaît désormais sur l’ancienne maison des Glorieux, ce qui a suscité plusieurs commentaires.