Un vaste projet immobilier mixte est en chantier dans Pointe-Saint-Charles sur l’ancien terrain du CN. À terme, on trouvera 900 appartements, avec des logements sociaux et une coopérative d’habitation, mais aussi des espaces verts, une place publique et même la première ruelle « bleue-verte » du Québec avec une gestion écologique des eaux de pluie.
Les gens qui y éliront domicile seront chanceux ; en plus d’être voisin du Bâtiment 7, ils en devront une au collectif qui est derrière la création de l’espace communautaire où on peut prendre une bière, réparer son vélo, visiter une fermette, mais aussi faire de la poterie ou de la soudure.
Le Bâtiment 7 est avant tout un lieu qui symbolise la force du pouvoir citoyen dans un quartier qui, comme tant d’autres, s’est embourgeoisé. « Le Bâtiment 7 a créé un lieu de vie et d’échanges dans le quartier. De la cohésion aussi », vante Jocelyne Bernier alors qu’elle est à la caisse de l’épicerie de quartier Le Détour, à but non lucratif, gérée par des membres et bénévoles.
À côté de l’épicerie se trouve la microbrasserie Les sans-taverne, où l’autrice Anna Kruzynski a récemment lancé Quartier en lutte, un livre où elle revient sur les deux décennies de « lutte sociale » dans Pointe-Saint-Charles qui ont mené à la création du Bâtiment 7.
La « lutte » est un mot qu’on entendra souvent pendant notre visite des lieux en compagnie de Caroline Monast-Landriault, responsable des communications externes pour le Collectif 7 à nous, né il y a près de 15 ans. « Je suis arrivée dans le projet en 2016. La lutte était commencée depuis une bonne décennie », souligne-t-elle.
Le Bâtiment 7 occupe un terrain qui appartenait au CN et qui a été loué jusqu’en 2003 par la multinationale des transports Alstom. En juin 2005, Loto-Québec a envisagé d’y déménager le Casino de Montréal en collaboration avec le Cirque du Soleil. Après une grande mobilisation citoyenne, le projet a avorté et un drapeau symbolique a été planté dans l’espoir qu’au moins une petite partie de l’ancien terrain du CN puisse ne pas être privatisée. Après tout, l’ancienne zone industrielle représentait le tiers de la superficie du quartier surnommé affectueusement « La Pointe ».
On saute des étapes – notamment quant aux négociations avec le Groupe Mach –, mais c’est en 2009 qu’est né le Collectif 7 à nous, qui a mené une grande opération populaire d’aménagement pour transformer le 7e des 13 bâtiments annotés sur le terrain en un centre social autogéré.
[C’est] un mélange de citoyens et citoyennes, de gens du communautaire, d’anarchistes, de libertaires, des gens pour la sauvegarde du patrimoine.
Caroline Monast-Landriault, responsable des communications externes pour le Collectif 7 à nous
Judith Cayer a été au cœur « de la lutte ». Une lutte qui a porté ses fruits avec un lieu qui fait partie de son quotidien et de celui de ses enfants. « J’avais 26 ans. J’en ai 42. Ce projet-là a été ma vie […] Il y a de la dignité et de la fierté là-dedans, dit-elle. C’est une fierté collective, quelque chose qui nous unit et qui habite nos vies et nos familles… C’est fort. »
Mercredi dernier, le lancement du livre Quartier en lutte a permis de prendre un pas de recul sur tout le chemin accompli. « On le sentait chez les gens, l’idée que “wow, ça existe”. »
Fabrique d’autonomie collective
Il a fallu des années et d’infinis « on y est presque » avant que le Collectif 7 à nous puisse investir les lieux, les rénover et les ouvrir au public en 2018.
Dans les ateliers collaboratifs du Bâtiment 7 se côtoient dans un esprit DIY artistes, cyclistes, photographes…
On se dit une fabrique d’autonomie collective pour devenir plus autonome et s’extirper du besoin de toujours avoir besoin d’acheter.
Caroline Monast-Landriault, responsable des communications externes pour le Collectif 7 à nous
À l’étage, on retrouve un studio de photo, un atelier d’impression numérique et une arcade pour les jeunes gérée par Press Start Coop. Mais le plus impressionnant est sans doute l’Atelier La Coulée, où on peut travailler le métal et où se trouve une fonderie.
Or, seulement une partie de l’ancien édifice industriel est jusqu’à présent exploitée. Une deuxième phase de développement permettra l’arrivée d’un CPE, de l’École d’art de Pointe-Saint-Charles et de la Corporation de développement Action Gardien, qui regroupe les organismes communautaires du quartier.
Pour reprendre les mots de Judith Cayer, le sentez-vous, « le tissu communautaire profond » qui veille sur Pointe-Saint-Charles ?
Une belle occasion de découvrir le Bâtiment 7 : le Marché de Lëon, qui aura lieu les 2 et 3 décembre.
Consultez le site des ateliers collaboratifs du B7