(Kanata) Si Travis Green avait voulu se faire des amis, il aurait probablement accepté un autre emploi que celui d’entraîneur-chef des Sénateurs d’Ottawa.

Chez les partisans des Sens, la perplexité est évidente. On se demande pourquoi la direction du club a arrêté son choix sur un candidat qui, en 335 matchs derrière un banc de la LNH, ne présente un taux de points de classement que de ,473. Un candidat, à plus forte raison, dont le séjour chez les Canucks de Vancouver s’est terminé dans le chaos il y a deux ans, et dont les Devils du New Jersey n’ont pas retenu les services, il y a quelques jours à peine, après un intérim aussi court qu’infructueux.

Du côté des joueurs, il serait sans doute exagéré d’avancer que la récréation est terminée… mais il y a quand même un peu de cela.

En ouverture d’un point de presse au cours duquel il a confirmé la nomination de Green, mercredi après-midi, le président des opérations hockey et directeur général des Sénateurs, Steve Staios, s’est réjoui d’avoir embauché un pilote dont l’approche « ferme, mais juste » est « nécessaire » pour que son équipe atteigne « la prochaine étape ».

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le directeur général des Sénateurs, Steve Staios, et l’entraîneur-chef de l’équipe, Travis Green

Un entraîneur-chef ne doit pas être jugé qu’en fonction des victoires et des défaites à son dossier, a insisté le gestionnaire. En Green, il estime avoir trouvé un mélange « de leadership, de passion et d’expérience », dont la « capacité à développer des joueurs » et à tirer le meilleur de ceux-ci est en phase avec les objectifs de l’organisation.

Les Sénateurs, en effet, sont à la croisée des chemins. Une longue reconstruction les a vus réunir un bassin de jeune talent impressionnant, auquel on a adjoint quelques vétérans de qualité. Le succès, toutefois, se fait attendre.

L’automne dernier, on a montré la porte au directeur général Pierre Dorion puis à l’entraîneur-chef D. J. Smith. Staios a pris les rênes de l’équipe, et Jacques Martin est descendu terminer la campagne derrière le banc.

Avec en poche un contrat de quatre ans, qui lui donnera vraisemblablement du temps pour poser son empreinte sur le groupe qu’il dirige, Travis Green arrive avec un mandat précis et ambitieux : gagner.

Interrogé sur ce qui, selon lui, manque aux Sénateurs pour atteindre les séries éliminatoires, le nouveau venu est demeuré prudent, affirmant ne pas avoir eu le temps d’analyser son effectif en profondeur « avec [son] œil de coach ».

Quand je regarde cette équipe, je vois qu’elle est jeune, qu’elle est emballante et que son futur est lumineux. Je veux en faire une équipe gagnante. C’est une chose d’avoir un groupe talentueux, c’en est une autre d’avoir un groupe talentueux et gagnant.

Travis Green, entraîneur-chef des Sénateurs d’Ottawa

Enseigner à des joueurs et les faire progresser ne se résume pas à « faire de belles passes ou bien jouer en avantage numérique », a-t-il imagé.

« Regardez les séries, en ce moment. On voit du hockey dur, défensif et offensif, sur 200 pieds. Mais on voit surtout un engagement à gagner. Pour moi, ça fait partie de la conversation que je vais avoir avec mon équipe. »

« Attributs »

Il souhaite, dans la même veine, voir apparaître des « attributs de gagnants » au sein de ses troupes.

Mais encore ? « C’est beaucoup de choses, a poursuivi Green, 53 ans. Jouer les uns pour les autres, pour le logo. Ça commence avec du travail et la compétition quotidienne ; pas juste pendant les matchs, mais avec de bonnes habitudes à l’entraînement. La liste est longue. »

Celui qui, comme joueur, a disputé 970 matchs dans les années 1990 et 2000 s’est défendu d’être un entraîneur « dur ».

Je suis ferme et je suis exigeant. Je veux travailler avec les joueurs pour optimiser leur potentiel. Être exigeant, ce n’est pas crier contre eux ou les garder sur le banc. Il faut leur donner confiance. Il arrive des moments où de bons joueurs perdent confiance : dans ces moments, ils n’ont pas besoin d’un entraîneur qui est négatif. Je crois qu’avec de bonnes capacités à lire les gens, on peut les pousser au maximum.

Travis Green, entraîneur-chef des Sénateurs d’Ottawa

Tous les joueurs ne doivent pas être dirigés de la même façon, croit-il. Chacun doit plutôt connaître le rôle qui lui est confié et les attentes qui y sont liées. Un haut niveau de responsabilisation (accountability) sera toutefois attendu de tout le groupe, sans discernement et sans compromis.

« Il y aura des détails dans notre jeu qui ne sont pas négociables, a-t-il prévenu. Tout le monde sera au courant. »

Travis Green, disions-nous, n’est pas à Ottawa pour s’y faire des amis. Et probablement qu’il n’en avait déjà pas beaucoup dans la région. Dans l’uniforme des Maple Leafs de Toronto de 2001 à 2003, il a pris part à quelques-uns des duels les plus épiques de la « bataille de l’Ontario » de l’époque – notamment au deuxième tour des séries éliminatoires de 2002.

Lorsqu’il est entré au Centre Canadian Tire, cette semaine, Chris Neil et Chris Phillips ont été parmi les premières personnes qu’il a croisées. « J’avais l’impression de revivre un cauchemar ! », a-t-il lancé en riant.

Revisiter ces souvenirs lui a toutefois permis de se rappeler à quel point ce marché peut être enflammé lorsque les enjeux sont élevés. « Ça donne une idée de ce qu’on peut construire ici, a philosophé l’entraîneur. [Les partisans] veulent une équipe gagnante. Je veux la même chose. »

Qui sait s’il ne se fera pas quelques amis, finalement.