À l’Assemblée générale des Nations unies, l’atmosphère n’était pas à la rigolade mardi après-midi. Tenant tête à Israël et aux États-Unis, 153 pays ont adopté une résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza.

Et cette fois, le Canada était du compte. Il n’était pas trop tôt.

Alors que Gaza est à feu et à sang, que les Nations unies crient de toutes leurs forces que leurs installations sont bombardées, que leur personnel est tué, que des crimes de guerre potentiels sont commis. Alors qu’on répète tous les jours à la une des journaux du monde entier que les civils gazaouis n’ont nulle part où se mettre à l’abri. Alors que les journalistes sont tués à un rythme jamais vu dans un conflit (63 en 63 jours !). Alors que tout ça saute aux yeux, il aurait été très difficile de justifier que le Canada ne fasse pas partie du camp qui réclame la fin des hostilités, le retour de tous les otages et le respect du droit international par les deux parties au conflit.

En fait, la position du Canada était difficile à justifier à la fin du mois d’octobre lorsqu’un vote semblable a eu lieu et que le Canada a décidé de s’abstenir.

Comme 44 autres pays. Parmi eux, il y avait de nombreuses grandes démocraties, dont le Royaume-Uni, l’Australie, l’Allemagne, le Japon, la Suède, la Corée du Sud et l’Inde.

Ce qui est notable, c’est que mardi, le Canada est loin d’être le seul à avoir changé d’idée. Si les pays s’opposant à la demande de cessez-le-feu – passant de 14 à 10 – sont restés sensiblement les mêmes, le camp des abstentions, lui, a rétréci de manière draconienne. De 45 à 23.

Avant même la tenue du vote, le premier ministre de l’Australie, Anthony Albanese, et celui de la Nouvelle-Zélande, Christopher Luxon, ont joint leur voix à celle de Justin Trudeau pour déclarer qu’ils soutenaient la démarche de la communauté internationale pour obtenir le silence des armes et l’acheminement d’aide humanitaire à Gaza.

Le Japon, l’Inde, la Corée du Sud et la Suède ont eux aussi changé de camp.

Israël, qui a qualifié la résolution onusienne « d’hypocrite » parce que le Hamas n’y est pas mentionné (Israël non plus, faut-il préciser) et qui soutient qu’un cessez-le-feu permettra au mouvement islamiste de survivre et de continuer à tuer des Israéliens, a certainement avalé sa salive de travers à la fin du scrutin.

Plusieurs de ses alliés les plus fidèles, qui condamnent fermement les attentats terroristes commis par le Hamas le 7 octobre, commencent à en avoir assez de la démesure de la riposte israélienne. « Le prix des crimes du Hamas ne peut être la souffrance sans fin du peuple palestinien », a dit mardi l’ambassadeur du Canada à l’ONU, Bob Rae, pour expliquer la nouvelle position canadienne.

Même Joe Biden s’est mis de la partie. Dans un discours prononcé à Washington mardi, le président américain a affirmé avoir dit à Benyamin Nétanyahou que sa campagne de « bombardement aveugle » sur la bande de Gaza était en train d’éloigner ses alliés.

Le président, qui continue de soutenir la campagne militaire israélienne pour éliminer le Hamas, a aussi critiqué la composition du gouvernement israélien, suggérant au premier ministre Nétanyahou de se débarrasser des éléments les plus extrémistes.

Voilà tout un changement de ton pour le locataire de la Maison-Blanche, qui avait promis un soutien « indéfectible » au dirigeant israélien.

Disons qu’à Jérusalem, on doit sentir la soupe chaude. Très chaude.

Tellement chaude que Benyamin Nétanyahou a pris le téléphone pour appeler le premier ministre canadien mardi, moins d’un mois après lui avoir fait la leçon pour un énoncé jugé trop critique.

PHOTO EDUARDO MUNOZ, REUTERS

À l’Assemblée générale des Nations unies, 153 pays ont adopté une résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza.

Espérons maintenant que le changement de vote du Canada aux Nations unies n’est pas qu’un symbole. Après tout, la résolution adoptée avec force n’est pas contraignante. Les États-Unis ont utilisé leur veto pour bloquer vendredi dernier une résolution semblable présentée au Conseil de sécurité, qui, elle, aurait eu des conséquences réelles. Le vote à l’Assemblée générale de mardi a été en quelque sorte une réplique politique à ce blocage américain.

Pour donner une cohérence à sa position sur la guerre au Proche-Orient, le gouvernement Trudeau devra maintenant joindre le geste à la parole.

Et à ce chapitre, il y a déjà des signes encourageants. Le week-end dernier, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a reçu à Ottawa ses homologues palestinien, turc et saoudien. Il a été question de l’après-conflit et de remettre sur les rails la solution à deux États. Une réunion élargie sur le même sujet au Canada est en préparation pour la nouvelle année.

La ministre a aussi récemment soutenu lors d’entrevues médiatiques qu’elle est favorable à un mécanisme de reddition de comptes pour les crimes commis par toutes les parties au conflit au Proche-Orient.

C’est tout à fait logique pour un gouvernement qui soutient le même genre d’initiatives dans le conflit russo-ukrainien.

Il faudra aussi que le Canada revoie en profondeur d’autres votes aux Nations unies sur la question israélo-palestinienne. En novembre, le pays a voté contre une résolution dénonçant l’expansion des colonies de peuplement israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, et ce, même si le gouvernement s’y oppose publiquement. Et sur son site web.

L’idée, ce n’est pas de tourner le dos à Israël, qui est un allié depuis des décennies, mais bien de défendre les droits de la personne, le droit humanitaire et le droit international dans toutes les circonstances. Avec doigté et discernement. La crédibilité du pays sur la scène internationale en dépend.

Lisez le texte de la résolution adoptée à l’Assemblée générale des Nations unies Consultez le tableau des votes sur la résolution Lisez une chronique sur le vote canadien aux Nations unies