Les compressions budgétaires proposées par Catherine Tait, présidente de Radio-Canada/CBC, soulèvent de nombreuses inquiétudes.

Dans un premier temps, le service public plonge de plain-pied dans l’importante crise des médias à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés. Ces compressions suivent en effet celles annoncées par TVA, Bell Média, Cogeco et plusieurs autres médias. Cette crise des médias affectera de façon importante l’information régionale, dont celle programmée par Radio-Canada. Encore les régions.

Pour la francophonie canadienne, acadienne et québécoise, c’est une très mauvaise nouvelle. C’est que le rôle de Radio-Canada est absolument indispensable au rayonnement de la culture et de la langue françaises.

L’entente de 100 millions conclue avec Google par le gouvernement canadien ne viendra pas résoudre la situation, que Radio-Canada/CBC ait accès à ce fonds ou pas. On verra la suite.

Sauf que la situation est plus grave que jamais depuis que les géants numériques (que je qualifie de barbares numériques) détournent les revenus publicitaires pour enrichir leurs propriétaires américains multimilliardaires. On vit actuellement la pire collision frontale entre notre écosystème de médias et les géants numériques.

Dans un deuxième temps, ces compressions viennent nourrir le discours de ceux et celles qui, comme le chef conservateur Pierre Poilievre, veulent sabrer Radio-Canada/CBC. Et (pourquoi pas ?) mettre la clé dans la boîte. D’ailleurs, le discours « Defund CBC » (Définançons CBC) fait partie de l’arsenal politique pour le recrutement et le financement au Parti conservateur.

Le service public de Radio-Canada est un joyau dont on ne vantera jamais assez la pertinence dans notre société, tant en matière de culture que d’information. On peut être critique de Radio-Canada, j’en suis à l’occasion, mais n’encourageons pas ceux et celles qui souhaitent sa disparition.

Par ailleurs, nous devons également nous inquiéter que la présidente de Radio-Canada, Catherine Tait, veuille appliquer la même médecine de compressions pour CBC et Radio-Canada. On parle de 250 emplois pour chacune des composantes. Or, CBC est mieux pourvu en personnel et en budget que Radio-Canada. C’est donc dire que Radio-Canada souffrira davantage d’une telle compression. Les services français sortiront plus affaiblis de cet exercice.

Pourtant, la situation de Radio-Canada est beaucoup plus reluisante que celle de CBC. Les résultats d’écoute de la radio sont excellents. Ceux de la télévision française sont très bons. Ainsi, en heure de grande écoute, ils atteignent près de 22 %, alors que du côté de CBC, on peine à obtenir 4 % d’auditoire, et ce, même avec la diffusion des matchs de hockey. Les revenus de CBC sont donc à la baisse. C’est dans un tel contexte que la direction de Radio-Canada/CBC a réuni les services de vente de publicité des réseaux français et anglais sous un même chapeau, il y a quelques années. Selon mes sources, cela a permis de piger dans les revenus publicitaires de Radio-Canada afin de soutenir les finances de CBC. Le « one company » constitue désormais la vision de Catherine Tait, comme c’était le cas pour son prédécesseur Hubert T. Lacroix. Elle a aussi gonflé son personnel au siège social à Ottawa, atteignant un total de 1600 personnes au « corpo », comme on dit. De ce nombre, une centaine de personnes seront touchées par les compressions.

Comprenons-nous bien, je ne souhaite pas la disparition de CBC. En revanche, je veux qu’on protège Radio-Canada.

Car Radio-Canada a besoin de plus d’amour du public dans un contexte où le service public devient une cible facile pour ceux et celles qui souhaitent s’en débarrasser.

La ministre de Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a indiqué que, bientôt, elle s’attaquera à définir une nouvelle législation précisant le rôle, le mandat et la mission de Radio-Canada. À mon avis, il serait opportun de développer aussi une réflexion afin de lui garantir un financement stable. Par exemple, pourquoi ne pas mettre à contribution toutes ces entreprises en technologie, informatique et numérique (par exemple, Cisco, Samsung, Sony, Adobe, Zoom, IBM et bien d’autres…) en percevant une taxe destinée au financement du service public ? Ça pourrait permettre ainsi de retirer progressivement la publicité à Radio-Canada. Soyons créatifs.

Nous avons besoin plus que jamais d’un service public fort afin de mieux contrer les géants numériques, Amazon, Disney, Netflix, etc. Notre écosystème médiatique se trouvera sérieusement affaibli si nous devions voir disparaître progressivement ce bien précieux.

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