Beaucoup d’encre a coulé sur les évènements des derniers jours à Québec solidaire. Voici ma perspective, celle d’un membre du caucus, mais aussi d’un militant de la première heure de notre parti.

Il y a quelques mois, nous avons amorcé une grande tournée des régions. Tous les députés ont été mis à contribution, avec l’aide précieuse de la permanence et des associations régionales. J’ai eu la chance de faire deux tournées en Montérégie. On a rencontré des élus municipaux, des groupes communautaires, des chambres de commerce, des syndicats, des PME, et j’en passe.

À chaque fin de rencontre, je posais la même question : qu’est-ce qui manque, selon vous, pour que Québec solidaire progresse davantage, pour que nous soyons pris au sérieux comme option de rechange à la CAQ ?

J’ai été surpris de constater à quel point la réponse était la même, peu importe l’interlocuteur devant moi. On me disait : « À Québec solidaire, vous avez de bonnes idées, il n’y a rien à redire contre vos propositions prises individuellement. Le problème, c’est qu’il y en a tellement qu’on ne s’y retrouve plus et qu’on vous sent incapables d’aller à l’essentiel, de faire les choix difficiles qu’il vous faudra faire de toute manière lorsque vous serez au gouvernement. »

Juste avant les élections de 2018, avant d’être élu, j’ai croisé l’ami Gabriel Nadeau-Dubois et je lui ai demandé comment c’était, d’être député. Il m’a répondu : « Tu vas voir, Alex, le plus difficile, ce sont les petits deuils. » Qu’est-ce qu’il voulait dire ? « Il y a 150 urgences par jour, 150 feux à éteindre partout, mais réalistement, tu as le temps de t’occuper de peut-être 4 ou 5 d’entre eux. En te couchant le soir, tu dois vivre avec la réalité de ne pas avoir eu le temps de t’occuper des 145 autres. C’est dur. »

C’est dur, mais il faut faire des choix. Quand on doit choisir nos trois questions du jour au Salon bleu, il faut faire des choix. Quand on doit choisir notre motion du jour, il faut faire des choix. Quand on doit choisir sur quelle commission on va siéger, il faut faire des choix.

Gabriel, Christine et l’ensemble du Comité de coordination national nous convient au même exercice, mais à l’échelle du parti. Un mandat, ça ne dure que quatre ans, on n’aura pas le temps de tout changer. C’est juste impossible. Quelles réformes faut-il mettre au jeu de manière prioritaire ? Quels sont les problèmes qu’il faut régler de manière urgente ?

J’ai participé à presque toutes les instances de Québec solidaire depuis sa fondation. Cet exercice, on ne l’a jamais vraiment fait. Faisons-le ensemble. Démontrons au Québec qu’on est rêveurs, oui, mais qu’on sait quels rêves on va mettre en place en premier.

Québec solidaire peut devenir un parti de gouvernement sans se dénaturer du tout. J’en suis profondément convaincu.

De toutes les réactions des membres et des sympathisants dans les derniers jours, un texte m’a particulièrement touché, celui de l’éditeur Mark Fortier. Intitulé « Durer », il place le combat de la gauche sur le très long terme et souligne que l’important en politique, c’est de « durer », afin de pouvoir profiter d’une ouverture, d’un vent favorable et mettre en place des changements en profondeur qui marqueront le Québec pour des générations.

Or, pour durer, il faut rester.

Depuis le temps que je suis là, j’ai gagné des votes et j’en ai perdu. J’ai vécu des moments de grande joie et des moments de grande frustration. En 2014, j’ai perdu par un cheveu une course interne pour devenir porte-parole. C’est mon ami Andrés qui a gagné, et je me sens privilégié de travailler chaque jour avec lui 10 ans plus tard.

Je vous dis ça parce qu’on a tendance à oublier que c’est la nature même de l’implication politique que de vivre des émotions fortes.

Je vais rester, et j’espère que vous resterez aussi.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue