La souffrance humaine causée par le conflit au Moyen-Orient affecte profondément bon nombre de gens partout dans le monde, y compris à l’Université McGill. La tristesse, la colère et l’anxiété se sont immiscées dans notre quotidien, et surtout dans la vie des membres de notre communauté qui entretiennent des liens personnels avec la région.

Les points de vue divers, et souvent opposés, donnent lieu à de vifs débats. Des membres de communautés universitaires et des personnes de l’extérieur convergent vers les universités pour faire entendre leur voix.

Pour favoriser l’enseignement, l’apprentissage et la recherche, les universités doivent ouvrir la porte aux débats et à la remise en question des conventions. C’est pour cette raison qu’il faut protéger le droit de manifester, peu importe la cause. Toutefois, sur de nombreux campus, la situation actuelle outrepasse les limites de la manifestation.

Depuis le 27 avril, un campement propalestinien occupe le campus du centre-ville de l’Université McGill et continue de s’étendre. Des centaines de personnes, masquées pour la plupart, disent vouloir rester sur les lieux tant que l’Université ne coupera pas ses liens avec Israël.

Nous avons discuté en toute bonne foi avec les participants et avons tenté de parvenir à une entente, notamment en leur faisant les propositions suivantes :

  • étudier la possibilité de désinvestir, sans égard à la situation géographique et dans le respect de nos valeurs, dans des entreprises dont les revenus proviennent en grande partie du marché des armes, conformément à nos politiques en vigueur, et de manière accélérée ;
  • intensifier les liens entre l’Université McGill et des établissements de Gaza et de Cisjordanie, et fournir un soutien d’urgence aux étudiants et aux chercheurs déplacés ;
  • étendre la divulgation des placements de l’Université McGill aux avoirs en actions d’une valeur inférieure à 500 000 $, lorsque cela est possible.

Ailleurs dans le monde, des manifestants ont vu dans des offres similaires une démarche constructive et ont conclu des ententes avec des administrations universitaires.

Pourtant, à l’Université McGill, les occupants continuent d’éviter les échanges sérieux.

Les participants demandent principalement à l’Université de cesser d’investir dans certaines organisations – y compris des établissements universitaires – en raison de leur situation géographique, et de couper tous les liens avec elles. Une telle mesure entraverait la mission de l’Université McGill et sa capacité à offrir un milieu sain et sécuritaire.

D’expérience, nous savons que c’est en adoptant une position neutre sur les conflits géopolitiques que notre université soutient le mieux l’ensemble de sa communauté, dont les 50 000 membres ont des opinions politiques, des identités, des origines et des croyances diverses, et embrassent des causes diverses. Par leur formation, les étudiants et les chercheurs n’hésitent pas à remettre en question les idées reçues et à contester les instances dirigeantes. L’avancement du savoir n’est possible que dans un milieu inclusif où il est possible d’exprimer des points de vue variés et de tenir des conversations difficiles.

Une occupation illégale

Cependant, le recours à l’intimidation va à l’encontre de nos valeurs. La situation en cours à l’Université McGill n’est pas une manifestation pacifique : il s’agit d’une occupation illégale.

Des barricades entourent le campement, et les participants refusent l’accès à certaines personnes, y compris aux pompiers et aux policiers, et ont bloqué la sortie d’urgence d’un immeuble. De nombreux graffitis blasphématoires ont également été peints sur nos immeubles patrimoniaux.

Qui plus est, le campement attire des contre-manifestations. Il y a quelques semaines, deux groupes composés de centaines de personnes se sont retrouvés sur notre campus, séparés par environ 100 agents de police. Lors de ce genre d’évènements, les slogans scandés – quelle que soit leur nature ou leur origine – perturbent les gens et créent un sentiment d’exclusion et d’insécurité chez certains membres de notre communauté universitaire.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Manifestants pro-israéliens et propalestiniens séparés par un cordon policier, le 2 mai dernier, à l’Université McGill

Nous avons été contraints de trouver un autre lieu pour nos cérémonies de collation des grades du printemps. Nos nouveaux diplômés ne pourront donc pas vivre ce grand moment sur notre magnifique campus du centre-ville, comme le voudrait la tradition.

Tout récemment, des membres de la haute direction de l’Université et leurs familles ont été intimidés à leur domicile par des groupes ayant des liens évidents avec le campement. Ce harcèlement est inadmissible.

Dès le début, nous avons collaboré avec les forces de l’ordre, à qui nous avons fait appel pour mettre fin à l’occupation dans le calme.

Nous déployons d’importants efforts pour assurer un climat de sécurité pour chaque membre de notre communauté. Cela dit, pour préserver ce climat, il nous faudra mettre en place une action plus coordonnée.

La recherche d’une solution à un conflit qui dure depuis des décennies dépasse le mandat et les moyens de n’importe quelle université. Les campements établis à l’Université McGill et sur d’autres campus font ressortir les tensions et les divisions qui se sont grandement intensifiées dans la société canadienne depuis le 7 octobre. Ces problèmes ne touchent pas que les universités – ils sont régionaux et nationaux.

Dans leur recherche de solutions efficaces et pacifiques, les universités doivent pouvoir compter sur la collaboration et la détermination des représentants de tous les ordres de gouvernement.

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