À l’approche du Jour de la Terre, je destine ce texte à tous ceux et celles qui conduisent une voiture à moteur thermique et ne se préoccupent pas de justice climatique.

On associe volontiers l’automobile à un sentiment d’indépendance, de liberté, que la vitesse décuple et transforme en euphorie. Une fois stationnée, son habitacle devient un paradis multicolore qu’illumine le téléphone cellulaire. Le véhicule se transforme en un refuge qui isole de tout, nous fait tout oublier, nous-mêmes, le souci d’une plus grande justice climatique, et ce, oui, alors que le moteur reste en marche.

Un soir, l’été dernier. Nous sommes au mois d’août. Il fait une chaleur pas normale. Un voile gris pèse sur Montréal. Mais on ne voit aucun nuage. Je marche avec mon fils dans un stationnement. Il y a ce camion pick-up immobilisé, le moteur en marche.

Nous entrons au supermarché. Quand nous sortons, 20 minutes plus tard, le moteur du pick-up tourne toujours. On voit une vapeur noire rejetée par le pot d’échappement.

Mon fils Victor fait remarquer que le camion n’a pas bougé. Il suffit de quelques instants pour que l’homme au volant baisse les fenêtres. Il regarde sa blonde en riant très fort. C’est comme si je venais de lui raconter une bonne blague. On se tient à quelques mètres. Il rince son moteur, appuie encore sur l’accélérateur. Le pot d’échappement rugit en même temps qu’il crie : « Go and screw with the tree, you idiot, you motherfucker ecologist ! »

Il démarre en trombe, fait crisser ses pneus. Il enveloppe son véhicule d’une fumée opaque qui pique les yeux et chauffe les narines. Quelques secondes plus tôt, je lui avais demandé d’éteindre son moteur s’il ne roulait pas.

Un comportement fréquent

De supermarché en quincaillerie, en passant par la rue devant les commerces, on fait chaque fois la même expérience en sortant faire ses courses : on croise une conductrice ou un conducteur dont l’auto est stationnée pendant que le moteur tourne. À mon corps défendant, je demande : « Vous voulez éteindre le moteur, s’il vous plaît, si vous ne roulez pas ? » Imaginez la réponse, sous le couvert de l’ironie : « Ça te dérange ? Pourquoi tu fais pas le tour, là ? » ou avec une justification qu’on croit inoffensive : « Yo, je laisse marcher le moteur pour avoir l’air climatisé. Il fait bien trop chaud dehors ! »

On pourra dire à tous ces gens qu’un règlement existe à Montréal interdisant de laisser un moteur en marche si le véhicule est immobilisé plus de trois minutes. D’ailleurs, qu’est-ce qu’on attend pour faire respecter ce règlement ?

À Outremont, l’on vient d’adopter un règlement encore plus sévère interdisant de laisser tourner le moteur d’un véhicule immobilisé pendant plus de 10 secondes. Pour illustrer les avantages d’une telle initiative, une étude récente montre que sur 4000 kilomètres, pendant 20 jours, le fait de couper le moteur permet d’économiser en moyenne 6 % de carburant. Notons aussi que chaque litre d’essence consommé produit plus de 2 kg de CO2, le gaz qui contribue le plus à l’effet de serre.

On parlait il y a 30 ans de gaz à effet de serre, de pluies acides. Depuis, les évènements tragiques liés au climat se sont multipliés et la preuve scientifique nous a forcés à changer de vocabulaire. Réchauffement climatique, dérèglement et crise climatique : les noms, comme le phénomène, forment un dramatique crescendo.

N’en déplaise aux climatosceptiques, aux négationnistes, ces évènements sont devenus la norme. Mais le fait de changer les noms désignant le phénomène a-t-il entraîné un changement dans nos comportements ? À l’évidence, l’homme isolé dans son véhicule à moteur thermique n’entend même pas la question.

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