Chers progressistes-conservateurs, à l’occasion de ce qui aurait été le 85e anniversaire de Brian Mulroney, le 20 mars, je vous demande d’honorer son héritage et celui du parti qu’il a servi avec dévouement, le Parti progressiste-conservateur du Canada.

Le Parti progressiste-conservateur défendait un conservatisme modéré. Sa fusion avec l’Alliance canadienne (successeur du Parti réformiste) en 2003 a donné naissance au Parti conservateur du Canada (PCC). Au moment de la fusion, beaucoup espéraient que le PCC deviendrait un parti de centre droit relativement modéré. Cela ne s’est pas produit.

Les conditions de la fusion et le long mandat de Stephen Harper à la tête du parti (2004-2015) ont permis au PCC de devenir une version du Parti réformiste populiste de droite dure que Harper a contribué à bâtir.

La culture du PCC aujourd’hui est radicalement différente de celle du Parti progressiste-conservateur dirigé par Mulroney. Par exemple :

1) Environnement. En 2006, le magazine Corporate Knights et son panel d’experts ont honoré Mulroney comme le premier ministre le plus vert de l’histoire du Canada. Il a signé le protocole de Montréal de 1987, qui visait à protéger la couche d’ozone. Il a contribué à l’adoption de la loi sur la protection de l’environnement en 1988. Il a créé huit nouveaux parcs nationaux. Il a dirigé les négociations qui ont mené à la signature du traité canado-américain sur les pluies acides en 1991. Il a signé un accord visant à réduire les gaz à effet de serre lors du Sommet de la Terre de 1992 à Rio de Janeiro. Quant au PCC, il doit encore élaborer une politique climatique crédible.

2) Nations unies. Brian Mulroney et Joe Clark, en tant que secrétaire d’État aux Affaires extérieures, ont travaillé avec l’ONU pour atténuer la famine en Éthiopie en 1984-1985 et pour s’opposer au régime d’apartheid en Afrique du Sud. Un membre du cabinet fantôme du PCC a récemment appelé le Canada à se retirer de l’ONU.

3) Institutions publiques. Les gouvernements dirigés par Mulroney ont traité les institutions avec respect. Ils interagissaient régulièrement avec les médias. Malgré certaines réductions de financement, ils ont soutenu Radio-Canada et les arts. Le PCC dirigé par Stephen Harper et Pierre Poilievre traite souvent les médias et d’autres institutions clés (par exemple, Statistique Canada, Élections Canada, la Cour suprême, la Banque du Canada et Radio-Canada) avec dédain.

4) L’Ukraine. Le gouvernement dirigé par Mulroney a été le premier gouvernement occidental à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine en 1991. Le PCC a récemment remis en question son soutien à l’Ukraine en votant contre un accord de libre-échange entre l’Ukraine et le Canada.

5) La loi et l’ordre. Brian Mulroney et Kim Campbell, alors ministre de la Justice, ont présenté une loi efficace sur le contrôle des armes à feu en 1991. L’actuel PCC est hostile à de nombreuses lois sensées sur le contrôle des armes à feu.

Dans l’ensemble, Mulroney a respecté les normes. Il était courtois envers les opposants politiques. Il a fait preuve de beaucoup d’humanité et de compassion. Il a souvent fait appel à ce qu’il y a de meilleur en nous, comme notre désir d’aider, chez nous et à l’étranger, ceux qui sont moins fortunés.

Le PCC, en revanche, fait souvent appel à des émotions négatives telles que la colère, la peur et le ressentiment. Le PCC agit ainsi en partie pour des raisons électorales, mais surtout parce que ces sentiments sont dans l’ADN du parti.

Malgré son nom, le PCC n’est pas vraiment un parti « conservateur ». Il s’agit d’un parti de droite radicale prêt à contourner les normes à son avantage, tout comme Harper l’a fait lors de la crise de la prorogation du Parlement de 2008-2009. Le soutien que certains députés du PCC ont apporté au « convoi de la liberté » lorsqu’il a occupé illégalement Ottawa il y a deux ans s’inscrit dans ce schéma. Nous devons voir le PCC tel qu’il est réellement, et non tel que nous souhaiterions qu’il soit.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Poilievre au congrès national du Parti conservateur du Canada en septembre 2023

Le PCC a été guidé ou dirigé par des réformistes tels que Preston Manning, Stephen Harper, Andrew Scheer, Pierre Poilievre et Jenni Byrne. Ils ont fait de leur mieux pour nuire au vieux parti progressiste-conservateur. Au cours des 20 dernières années, ils ont travaillé pour éliminer tout vestige de conservatisme modéré du PCC. Les progressistes-conservateurs ne doivent aucune loyauté à ces réformistes.

En rétrospective, la fusion Parti progressiste-conservateur –Alliance ne constituait pas une réunion de deux branches rivales de la même famille conservatrice. En fait, la fusion était une reprise de la marque conservatrice par le Parti réformiste, dont les dirigeants réactionnaires n’avaient jamais partagé le pragmatisme du conservatisme progressiste ni sa volonté de s’adapter aux nouvelles tendances sociales. Au fond, le Parti réformiste et le Parti progressiste-conservateur représentaient des visions opposées de la vie.

La fusion a été une défaite du conservatisme progressiste face au réactionnisme de droite. Toutefois, cette défaite ne doit pas nécessairement être définitive.

Le Canada a désespérément besoin d’un parti conservateur modéré. La défaite et l’éclatement du PCC de droite dure constituent la première étape nécessaire à la renaissance d’un nouveau conservatisme progressiste qui peut constituer une option par rapport aux libéraux et un rempart contre l’extrémisme de droite.

Je vous demande d’aider à cette renaissance.

Je vous demande de rendre un service de plus à la mémoire de notre Parti progressiste-conservateur que Brian Mulroney a servi si longtemps et si bien.

Je vous demande de retirer votre soutien au PCC.

*En 2002, l’auteur a reçu un prix des mains de l’ancien premier ministre Joe Clark pour services exceptionnels rendus au parti. En 2022, il s’est porté volontaire pour la campagne à la direction du Parti conservateur de Jean Charest.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue