(Ottawa) Dans la dernière grande entrevue qu’il a accordée avant de quitter ses fonctions de premier ministre, en juin 1993, Brian Mulroney affirmait sans ambages qu’il n’avait pas peur du jugement des historiens.

Ce qu’il faut savoir

  • L’ancien premier ministre Brian Mulroney est mort le 29 février à l’âge de 84 ans.
  • Une forte majorité de Canadiens juge favorablement son bilan.
  • Les funérailles nationales de M. Mulroney auront lieu samedi à Montréal.

« L’Histoire me rendra justice », avait-il déclaré sur un ton serein au journaliste Michel Vastel, du magazine L’actualité. « Si on n’est pas controversé, c’est qu’on n’a rien fait ! Et j’aurais pu ne rien faire dans le domaine constitutionnel, du commerce international, de la fiscalité… N’importe qui peut acheter la paix avec l’argent des contribuables. »

Un premier sondage publié depuis la mort de Brian Mulroney sur ses principales réalisations lui donne raison sur toute la ligne. Une forte majorité de Canadiens – 83 % – estime que le bilan du gouvernement progressiste-conservateur qu’il a dirigé de 1984 à 1993 est positif.

Ce jugement « remarquable » que posent les Canadiens transcende les allégeances politiques et les tranches d’âge, selon le coup de sonde mené en ligne par la firme spark*advocacy dirigée par le sondeur respecté Bruce Anderson. Le sondage a été mené auprès de 1700 Canadiens du 12 au 15 mars.

Ainsi, les Canadiens qui appuient le Parti libéral du Canada jugent favorablement (87 %) le bilan de M. Mulroney, tout comme ceux qui endossent le Parti conservateur (85 %) ou le Nouveau Parti démocratique (75 %). Les Québécois qui appuient le Bloc québécois sont encore plus élogieux : 90 % d’entre eux voient d’un bon œil les grandes réalisations du « p’tit gars de Baie-Comeau ».

« Brian Mulroney était haut en couleur et certaines de ses principales initiatives politiques étaient assez controversées. Mais il restait convaincu que ses efforts pour promouvoir des politiques dont la popularité était douteuse à cette époque étaient la bonne chose à faire et qu’avec le temps, ils pourraient également gagner une plus grande acceptation du public », a analysé M. Anderson.

Les efforts déployés par Brian Mulroney pour négocier un accord de libre-échange avec les États-Unis (85 %), les démarches qu’il a menées pour conclure un traité sur les pluies acides (83 %) avec Washington, la lutte qu’il a menée contre le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud (82 %) et les négociations constitutionnelles qui ont débouché sur l’accord du lac Meech et l’accord de Charlottetown pour convaincre le Québec de signer la Constitution (75 %) sont saluées par une solide majorité des répondants.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le drapeau de la tour de la Paix a été placé en berne.

Même la controversée TPS, une taxe honnie des consommateurs lorsqu’elle a été adoptée en 1990, est perçue aujourd’hui avec un tout autre regard. Pas moins de 63 % des personnes interrogées estiment qu’il s’agit d’une bonne mesure.

« Au moment où l’accord de libre-échange a été négocié, l’opinion publique était presque divisée à 50-50, car de nombreuses personnes craignaient que le Canada perde son identité culturelle et soit submergé économiquement. Aujourd’hui, cette politique phare de Mulroney est considérée comme un élément important de la réussite économique du Canada. Sa TPS a été un enjeu politique majeur, mais aujourd’hui, la plupart des gens pensent que c’était la bonne voie à suivre », a ajouté M. Anderson.

Dans l’entrevue qu’il accordait à L’actualité, Brian Mulroney avait confié qu’il s’attendait à battre des records d’impopularité en prônant de vastes réformes qui soulevaient les passions.

« J’ai été le premier ministre le plus populaire de l’histoire du Canada. Et le plus impopulaire aussi. J’étais au sommet de la popularité quand j’étais nouveau, parce que je n’avais encore rien fait. J’ai pris des décisions difficiles, et j’ai perdu énormément de popularité. […] Après un certain temps, je me suis rendu compte que je pourrais être un bon premier ministre ou un premier ministre populaire. Mais pas les deux à la fois. Je pourrais quitter sur une vague de popularité. Mais mon fils Nicolas n’aurait pas le temps de grandir qu’on lui dirait déjà : ‟Votre père a manqué gravement de courage.” »

Les résultats de ce sondage sont publiés au moment où les hommages continuent d’affluer à l’endroit de l’ancien premier ministre, mort le 29 février à l’âge de 84 ans.

Défilé solennel

Mardi, un défilé solennel de dignitaires et de personnalités a présenté ses condoléances à la famille de M. Mulroney, à Ottawa, où l’ancien premier ministre repose en chapelle ardente tout près de la colline du Parlement.

Une garde d’honneur de policiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en tunique rouge, a transporté le cercueil drapé de l’unifolié du 18premier ministre à l’intérieur de l’édifice Sir-John-A.-Macdonald, en face de la colline du Parlement. Protocole oblige, c’est la gouverneure générale du Canada, Mary Simon, et son mari qui sont venus d’abord rendre hommage au défunt et saluer ses proches.

PHOTO BLAIR GABLE, LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau s’est recueilli sur le cercueil de l’ancien premier ministre mardi.

Le premier ministre Justin Trudeau est ensuite entré seul, avant d’offrir ses condoléances aux membres de la famille Mulroney, puis de se recueillir quelques instants devant le cercueil. M. Trudeau s’est ensuite dirigé vers le livre de condoléances, près d’un portrait officiel de M. Mulroney, encadré de fleurs. D’autres personnalités sont ensuite venues à cette première journée de chapelle ardente.

Une garde d’honneur autour du cercueil, composée de policiers de la GRC, de militaires et de membres du Service de protection parlementaire, change toutes les 30 minutes. Les prix et médailles que M. Mulroney a reçus au cours de sa carrière sont exposés dans une petite boîte déposée sur le cercueil.

Les Canadiens qui souhaitent rendre hommage à M. Mulroney à Ottawa pourront se recueillir devant sa dépouille également ce mercredi de 9 h à 13 h. La population pourra aussi rendre hommage à l’ex-premier ministre québécois jeudi et vendredi à Montréal, à la basilique de Saint-Patrick. Samedi matin, la dépouille de M. Mulroney sera transportée à la basilique Notre-Dame, dans le Vieux-Montréal, pour les funérailles d’État à 11 h.

Avec La Presse Canadienne

Voyez les résultats du sondage (en anglais)