Les Montréalais ont été nombreux à se déplacer pour rendre hommage à l’ancien premier ministre Brian Mulroney, jeudi à la basilique de Saint-Patrick. Et si une image reste gravée dans leur mémoire, c’est celle d’un homme proche des gens qui, au-delà de la politique, aimait profondément le Québec.

« Quand il vous parlait, Brian Mulroney, ce n’était pas du superficiel, c’était du profond. Il était un homme exceptionnel qui ne s’est jamais pris pour un autre », lâche Richard Daudelin, qui était arrivé le premier jeudi, très tôt, à la chapelle ardente.

Ce retraité de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a côtoyé M. Mulroney de près durant sa carrière, puisqu’il faisait partie de la Section de la protection des personnes de marque, à Montréal.

« Au moment de son déménagement à Montréal, j’étais un de ceux qui allaient le chercher dans les Laurentides pour l’amener à son bureau ici. La première fois, il m’avait demandé le nom de mon épouse, de mes filles. Et après, il s’en souvenait, il les appelait par leur nom. Ça montre l’attention qu’il portait aux gens », se souvient M. Daudelin, le sourire aux lèvres.

C’est le plus grand premier ministre qu’on a eu. C’était important pour moi d’être ici et d’être le premier.

Richard Daudelin, retraité de la GRC

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Richard Daudelin

Cette proximité du « p’tit gars de Baie-Comeau », on la retrouve d’ailleurs dans plusieurs témoignages. Plus loin dans la file, Jeffrey Drake se souvenait d’un homme « en action et électrifiant » qu’il a aussi la chance de côtoyer lors des élections de 1988, lors d’un évènement de campagne, en tant que bénévole.

« Il nous avait tous serré la main, il demandait nos noms et s’en rappelait même des heures après. Mais ce qui m’avait beaucoup marqué, c’est qu’après le rassemblement, il avait insisté pour qu’on prenne son bus, au lieu de notre bus scolaire avec lequel on était venus. C’était quelqu’un de très généreux », se remémore-t-il.

« Un art de faire la politique »

Sylvie Lachapelle s’était déplacée pour « reconnaître une certaine ère de l’histoire politique ». « Le Canada était très important aux Nations unies à l’époque de M. Mulroney. Pour moi, c’était des moments charnières dans notre histoire. Il avait un art de faire la politique et un respect qu’on ne retrouve plus nécessairement aujourd’hui », souffle-t-elle.

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Sylvie Lachapelle

L’homme d’affaires Thomas-Frederic Demers, de son côté, dit avoir été particulièrement marqué par Brian Mulroney durant sa jeunesse. « Je l’avais rencontré quand j’avais 21 ans. Il m’avait remis un prix de jeune entrepreneur. Et il m’avait dit : “je sais ce que vous faites et vous le faites bien”. Ça m’avait beaucoup touché et ça m’avait donné un bon coup de motivation pour la suite », relate-t-il.

C’est un monsieur qui avait une grande éloquence, qui incarnait bien le pays dans les deux langues. Il était un humaniste et avait une manière de faire de la politique en toute amitié, malgré l’adversité.

Thomas-Frederic Demers, entrepreneur

« Il était très gentil, très proche des gens, très sympathique. Je tenais sincèrement à être là aujourd’hui pour payer mes respects à sa famille », note quant à elle Leslie Forester, qui tenait fièrement une photo d’elle avec l’ancien premier ministre Mulroney lorsque La Presse l’a croisée.

Une pluie d’hommages

Dès le début de la journée, les personnalités publiques étaient nombreuses à la basilique. « C’est une page qui se tourne pour la société, pour l’histoire. Mais pour nous, les personnes immédiatement concernées, c’est le moment où on dit adieu à un grand homme d’État, un grand ami du Québec et aussi un ami de notre jeunesse », a notamment témoigné l’ex-premier ministre québécois, Lucien Bouchard.

En saluant « la vie d’un homme remarquable », M. Bouchard a fait valoir que Brian Mulroney « a un bilan politique absolument remarquable », citant notamment ses combats constants pour le libre-échange, les droits de l’homme et les relations avec les États-Unis, entre autres.

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Lucien Bouchard et sa femme Solange Dugas

Ami de jeunesse du défunt, lui qui a notamment étudié avec lui dans les années 1960 à la Faculté de droit de l’Université Laval, Lucien Bouchard s’était éloigné de Brian Mulroney après avoir quitté les progressistes-conservateurs dans les années 1990, dans la foulée de désaccords sur l’Accord du lac Meech.

Heureusement, il a pu renouer les liens avant son décès. « On n’a pas toujours travaillé ensemble, on sait ce qui est arrivé, mais on a reconnecté nos amitiés. Ça a été de beaux moments qu’on a vécus ensemble sur une période d’une année. On s’est revus, on s’est remémoré des souvenirs », a encore relaté Lucien Bouchard.

Aussi sur place, l’ex-premier ministre Jean Charest a quant à lui parlé d’un « moment solennel pour le pays ». « J’espère que tous les Canadiens auront l’occasion de réfléchir sur ce que M. Mulroney a fait pour nous. […] C’est un moment très triste, mais c’est aussi très beau », a-t-il dit.

« C’est quelqu’un d’authentique qui a proposé des solutions, qui a tenté de changer les choses. C’est quelqu’un qui s’est tenu debout », a de son côté témoigné l’ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe.

PHOTO PETER MCCABE, LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Marc Johnson (à gauche) et Gilles Duceppe (à droite)

« Lors de la mort de [mon père], en 1990, il a été l’un des premiers à appeler. Et lors de la mort de Michel Gauthier, il m’avait aussi appelé pour savoir comment rejoindre sa conjointe », a poursuivi M. Duceppe.

La famille de M. Mulroney, elle, s’était recueillie en avant-midi dans la basilique. La dépouille était arrivée sur place vers 10 h. Les parents de Brian Mulroney étaient d’origine irlandaise et selon Patrimoine Canada, la famille Mulroney a de nombreux liens personnels avec la basilique Saint-Patrick, qui « a desservi la communauté irlandaise de Montréal à une époque où elle augmentait rapidement, de nombreuses personnes ayant quitté l’Irlande à la suite de la grande famine ».

Les funérailles d’État de M. Mulroney doivent être célébrées ce samedi vers 11 h à la basilique Notre-Dame, dans le Vieux-Montréal. Des éloges funèbres devraient notamment être prononcés par sa fille Caroline et par Justin Trudeau, ainsi que par Pierre Karl Péladeau, Jean Charest, Wayne Gretzky et James Baker.

Avec La Presse Canadienne