Le conducteur qui a fauché et tué la jeune écolière Mariia Legenkovska dans une rue de l’arrondissement de Ville-Marie, en décembre 2022, a reconnu sa culpabilité à une accusation criminelle de délit de fuite, jeudi au palais de justice de Montréal.

Ce qu’il faut savoir

  • Un conducteur qui a heurté et tué une jeune réfugiée ukrainienne en 2022 à Montréal a plaidé coupable à une accusation de délit de fuite, jeudi.
  • Manuel Becerra Garcia a reconnu qu’il ne s’était pas arrêté après avoir ressenti un impact.
  • La mort de la jeune Mariia Legenkovska avait secoué le Québec et provoqué une remise en question de la place faite à l’automobile près des écoles.

Manuel Becerra Garcia, 46 ans, a reconnu avoir omis de s’arrêter pour essayer d’en savoir plus peu après 8 h ce matin-là après avoir ressenti un choc sur le capot de son VUS Jeep Cherokee 2018, puis d’avoir eu l’impression d’avoir senti une bosse sous le pneu arrière de son véhicule du côté passager, dans un secteur résidentiel de Ville-Marie.

La procureure aux poursuites criminelles et pénales, MSylvie Dulude, a dit au tribunal que la scène avait été filmée par des caméras d’un autobus de la Société de transport de Montréal qui se trouvait immobilisé au coin de la rue.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

L’intersection des rues Parthenais et de Rouen, où a eu lieu le drame

Un témoin de la scène a aussi affirmé avoir vu Becerra Garcia immobiliser son véhicule à l’arrêt obligatoire rue Parthenais en direction sud, puis l’avoir vu regarder vers la gauche, mais pas vers la droite. C’est en repartant que l’automobiliste a renversé Mariia Legenkovska, 7 ans, une réfugiée ukrainienne qui marchait pour se rendre à l’école en compagnie de sa sœur et de son frère.

Becerra Garcia se fiait à son GPS et empruntait les rues résidentielles du quartier pour se rendre sur la Rive-Sud après avoir passé la nuit à travailler.

« [Becerra Garcia] dit qu’il y avait un soleil aveuglant ce matin-là, et qu’il n’a jamais vu la piétonne. Plus loin, il a regardé dans ses rétroviseurs latéraux, mais n’a rien vu et a continué son chemin », a dit la procureure.

C’est en voyant dans les médias plus tard ce matin-là qu’un délit de fuite s’était produit à l’angle de Parthenais et de Rouen que Becerra Garcia a réalisé qu’il pouvait être à l’origine de la mort de la fillette. Il s’est présenté à 12 h 42 à un poste de police de Longueuil avec son ex-conjointe.

Considérant le fait que l’accusé a reconnu sa culpabilité, qu’il a collaboré avec les policiers, qu’il s’est présenté aux autorités de façon volontaire et que son dossier de conduite était presque vierge avant l’évènement, la poursuite et la défense ont proposé que Becerra Garcia reçoive une peine de 12 mois d’emprisonnement dans la collectivité, sans autres conditions.

Le juge Pierre E. Labelle a signalé qu’il étudierait la demande des deux parties, et qu’il remettrait sa décision lors d’une séance au palais de justice le 5 juin prochain.

« Une blessure profonde »

Après avoir reconnu sa culpabilité, Becerra Garcia a lu au tribunal une lettre qu’il avait rédigée en espagnol à l’intention de la famille de Mariia Legenkovska. Galyna Legenkovska, la mère de Mariia, était présente dans la salle d’audience et suivait les échanges avec l’aide d’une interprète ukrainienne.

« Il n’y a pas assez de mots pour exprimer la profondeur de la douleur que je ressens, a dit Becerra Garcia, essuyant ses larmes. La perte tragique de votre fille a laissé une blessure profonde dans mon cœur. Comme père de famille, je suis plongé dans la douleur et la tristesse depuis ce jour-là. Du plus profond de mon être, je regrette la douleur que j’ai causée. […] Avec le cœur attristé, je vous demande pardon. »

Galyna Legenkovska écoutait le message et essuyait ses larmes en silence.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

La mère de la victime, Galyna Legenkovska (à gauche), jeudi au Palais de justice de Montréal

Après la séance, la procureure a dit s’être entretenue avec Mme Legenkovska, qui n’a pas voulu prendre la parole devant le tribunal ni s’adresser aux médias.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

La procureure, MSylvie Dulude, jeudi au Palais de justice de Montréal

Elle m’a dit que son processus de deuil pouvait enfin commencer, parce que le conducteur a reconnu sa faute. Il a dit qu’il était coupable. C’est ce qui était important pour elle.

MSylvie Dulude, procureure, rapportant les propos de la mère de la victime, Galyna Legenkovska

L’avocat de la défense, Me Éric Coulombe, a dit que son client avait fait preuve d’« aveuglement volontaire » le matin du 13 décembre 2022.

« La leçon ici pour tout le monde, c’est que si on a le sentiment qu’on a peut-être commis une collision avec notre véhicule, on a le devoir de chercher à voir ce qui s’est passé. On a le devoir de sortir du véhicule pour s’assurer qu’on ne commet pas un crime. On ne peut pas faire de l’aveuglement volontaire », a-t-il dit.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L’avocat de la défense, Me Éric Coulombe, jeudi au Palais de justice de Montréal

MCoulombe a décrit la vie de son client, un homme élevé par une mère seule dans la pauvreté au Mexique avant d’arriver au Québec dans les années 2000. Enfant, Manuel Becerra Garcia s’est fait renverser par une voiture au Mexique alors qu’il traversait la rue. Son grand-père maternel est mort après avoir été happé par un camion. Becerra Garcia travaille de nuit dans le domaine du nettoyage et de l’entretien ménager, et est père de deux enfants.

Selon les exigences de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), Becerra Garcia perdra son permis de conduire pour quatre ans.

Des citoyens du secteur des rues de Rouen et Parthenais se plaignaient depuis des années de la dangerosité du transit automobile régional dans des rues résidentielles étroites. Depuis l’accident mortel, l’arrondissement de Ville-Marie a aménagé des sens uniques à cette intersection afin d’empêcher le transit. Plus d’une centaine de dos d’âne ont aussi été installés dans l’arrondissement afin de faire respecter la limite de 30 km/h.