La patience de l’Assemblée nationale a atteint ses limites avec Québecor, qui ne paye plus son loyer à la Tribune de la presse depuis neuf mois. À défaut d’une « entente prochaine », elle prépare une poursuite « pour faire valoir ses droits ».

Ce qu’il faut savoir

  • L’Assemblée nationale prépare une poursuite contre Québecor, qui a cessé de payer son loyer pour l’espace de ses journalistes à la Tribune de la presse en août dernier.
  • Québecor réclame la gratuité des locaux pour les représentants de tous les médias.
  • L’entreprise a depuis réduit d’environ 80 % les espaces qu’elle y occupe, mais n’a jamais remboursé sa créance ni signé de nouveau bail, malgré une réduction de loyer de « 6 à 10 % » accordée à tous les médias.

Le géant des médias et des télécommunications a cessé en août dernier de faire ses chèques à l’Assemblée pour les bureaux de ses journalistes dans l’édifice André-Laurendeau. L’immeuble abrite 52 membres accrédités de la Tribune de la presse, responsables de couvrir les actualités parlementaires dans la capitale. Parmi eux, une douzaine travaillent pour Le Journal de Québec, Le Journal de Montréal et le réseau de télévision TVA, les médias de Québecor.

En août 2023, l’entreprise avait annoncé dans une lettre à l’Assemblée qu’elle comptait « suspendre » le paiement de son loyer de 8448 $ par mois. Elle invoquait la « grave crise » dans les médias due aux géants du web, qui ont accaparé « plus de 80 % des revenus publicitaires ».

Depuis, la situation de l’entreprise « n’est toujours pas régularisée » et l’Assemblée nationale « devra entreprendre des procédures judiciaires pour faire valoir ses droits », explique la porte-parole de l’Assemblée nationale, Béatrice Zacharie, dans un courriel à La Presse.

En janvier, Québecor a commencé à libérer une partie des locaux qu’occupaient ses journalistes, mais l’entreprise loue toujours un petit studio où sont notamment préparés les reportages vidéo. Une dizaine de personnes peuvent y travailler en même temps : des reporters pour la télévision, des techniciens et une poignée de journalistes parlementaires pour l’écrit, lorsque l’Assemblée siège.

Média QMI, qui regroupe les médias de Québecor, n’a toutefois pas signé de nouveau bail et n’a pas réglé sa dette.

L’Assemblée nationale a refusé de chiffrer la somme en jeu, mais le loyer dévoilé en août 2023 permet de calculer qu’elle atteint plus de 50 000 $ avant taxes, sans compter le coût de ses espaces réduits après janvier.

La salle qu’occupe aujourd’hui Québecor représente l’équivalent d’environ 20 % des espaces initiaux.

Baisse de loyer

L’Assemblée nationale explique avoir négocié avec Québecor, sans succès. L’institution explique aussi avoir baissé les loyers à compter du 1er avril, offrant des économies « de 6 à 10 % ».

Depuis [le 1er avril], tous les médias ont conclu un bail selon cette nouvelle grille tarifaire, à l’exception de QMI. De plus, l’Assemblée nationale rappelle que ses tarifs sont au-dessous des prix du marché sur la colline Parlementaire.

Béatrice Zacharie, porte-parole de l’Assemblée nationale

Québecor n’a pas répondu aux questions de La Presse jeudi. En entrevue à l’émission Le bilan jeudi soir, le PDG Pierre Karl Péladeau a réagi à nos informations en affirmant avec l’animatrice Emmanuelle Latraverse que le non-paiement du loyer à la Tribune de la presse était une « question de principe ».

« Est-ce que l’Assemblée nationale a vraiment besoin d’un loyer pour continuer à faire ses travaux ? Je pense que c’est important qu’ils prennent en considération l’ampleur de la problématique et ils semblent l’ignorer, ce qui est assez surprenant », a-t-il dit. Il réclame pour le journalisme télévisé les mêmes crédits d’impôt que pour l’écrit.

Dans un courriel en février, la vice-présidente aux communications Véronique Mercier disait que l’entreprise était toujours en discussions à ce sujet. « Depuis des mois, nous négocions avec l’Assemblée nationale afin de diminuer le coût du loyer pour les médias de la Tribune de la presse, dans un contexte où l’ensemble de l’industrie est en crise et qu’elle doit mettre en place des mesures de rationalisation pour diminuer ses frais d’exploitation. »

Pertes chez TVA…

TVA a rapporté lundi des recettes en baisse de 5 % à 6,9 millions de dollars pour le dernier trimestre et une perte de 17,9 millions.

Le télédiffuseur avait annoncé l’automne dernier une réorganisation prévoyant le licenciement de 550 employés, soit environ le tiers de son effectif.

Bénéfices chez Québecor

À l’inverse, sa société mère Québecor a réjoui les investisseurs lors de l’annonce de ses résultats jeudi, avec un bénéfice net de 167,6 millions pour le trimestre clos le 31 mars, en hausse de près de 50 % par rapport à la même période l’an dernier. Une performance en grande partie due à l’augmentation des revenus chez Vidéotron et son secteur des télécommunications.