Nous, membres de l’Association québécoise des avocats et avocates en immigration (AQAADI), tenons à vous faire part de notre profonde préoccupation concernant la situation actuelle des programmes d’immigration familiale au Québec. Les délais excessifs dans ces programmes entraînent la séparation prolongée de familles, engendrant des conséquences humaines déchirantes que nous ne pouvons ignorer.

Récemment, une correspondance entre le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, et la ministre québécoise, Christine Fréchette, a été interprétée comme un affront aux compétences du Québec. Toutefois, notre préoccupation principale dépasse les enjeux de compétences pour se concentrer sur le sort des familles en attente de réunification.

L’AQAADI a d’ailleurs adressé une lettre aux décideurs le 27 février, plaidant pour une solution concertée. Malheureusement, le débat public semble être dominé par une querelle médiatisée sur les compétences constitutionnelles, éclipsant les véritables enjeux humains.

Le ministre Marc Miller a suggéré d’accorder la résidence permanente aux détenteurs d’un certificat de sélection du Québec (CSQ), tout en respectant les quotas établis par le gouvernement Legault. Néanmoins, avec 43 400 familles québécoises en 2024 en attente de regroupement familial, dont 20 500 ont obtenu le certificat de sélection du Québec, il est évident que les familles resteront séparées bien au-delà de trois ans, une situation que le Canada et le Québec semblent accepter.

Nous rappelons que les familles ont un droit fondamental à vivre ensemble et que les gouvernements ont l’obligation de traiter les demandes administratives dans des délais raisonnables.

La politisation de cette question n’aide absolument pas cet enjeu si important. D’ailleurs, un des piliers de la Loi sur l’immigration vise la réunification des familles au Canada.

L’accord Canada-Québec sur l’immigration ne donne ni au Québec ni au Canada le droit de limiter les admissions avec un seuil maximal dans la catégorie du regroupement familial, sauf dans la catégorie des parents et grands-parents.

Derrière les chiffres, des êtres humains

Il est couramment entendu que le Québec détient l’autorité de fixer le nombre d’immigrants qu’il souhaite accueillir. Toutefois, cette assertion ne reflète pas la réalité juridique : l’accord Canada-Québec stipule que c’est le gouvernement fédéral qui détermine le volume d’immigration pour l’ensemble du pays, incluant le Québec.

Le rôle du Québec se limite à la sélection des immigrants économiques (et non en réunification familiale) et à la possibilité d’informer Ottawa s’il désire accueillir un nombre d’immigrants légèrement supérieur à sa part démographique, dans la limite de 5 % de plus, mais sans jamais pouvoir en accueillir moins.

Ainsi, lorsque le gouvernement fédéral opte pour une augmentation de l’immigration à l’échelle nationale, cela s’applique également au Québec. Dans tous les cas, les familles ont le droit fondamental de vivre ensemble dans des délais raisonnables, indépendamment des décisions politiques.

Il est temps d’arrêter de se cacher derrière des chiffres et de traiter les dossiers avec diligence pour permettre à toutes les familles québécoises et canadiennes de vivre réunies rapidement.

La capacité d’intégration n’est pas non plus un enjeu : ces membres de la famille viendront habiter avec leur conjointe ou conjoint, et ils auront le meilleur des guides pour naviguer leur intégration, soit une Québécoise ou un Québécois.

L’AQAADI, qui regroupe plus de 500 avocats spécialisés en droit de l’immigration au Québec, est profondément engagée dans la recherche de solutions pour améliorer la situation actuelle. Nous exhortons avec insistance les gouvernements fédéral et provincial à collaborer afin de mettre en place des mesures concrètes visant à réduire les délais d’attente et à garantir le droit fondamental des familles à vivre ensemble.

Il est essentiel de rappeler que les statistiques d’immigration ne sont pas de simples nombres ; elles représentent des êtres humains, des familles entières qui aspirent à être réunies et à construire leur avenir commun sur notre territoire.

Nous espérons que cette lettre ouverte sera l’occasion de repenser la gestion des programmes d’immigration familiale et de placer l’humain au cœur des décisions.

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