À l’heure où la vacance des bâtiments montréalais – et plus largement québécois – est sous le feu des projecteurs, la mairesse Valérie Plante a annoncé il y a quelques jours en conférence de presse l’échéancier du futur projet immobilier de l’îlot Voyageur, ancienne gare d’autocars à Berri-UQAM.

Cet échéancier, qui annonce un début des travaux au printemps 2025, alors que l’appel d’offres pour la vente du terrain n’a pas été publié, semble plus qu’optimiste. Au cours des dernières années, plusieurs projets immobiliers portés par la Ville de Montréal ont pris du retard par rapport aux échéanciers annoncés. Pensons par exemple aux logements sociaux prévus sur l’ancien site du projet Young dans Griffintown, au secteur de l’hippodrome Blue Bonnets, à la requalification de la bibliothèque Saint-Sulpice, ou encore au 4000, rue Saint-Patrick, toujours en négociation à la suite du concours C40 en 2021. Ces projets d’envergure prennent du temps.

Pourtant, aucune mesure n’a été prise et aucune recommandation n’a été faite pour éviter que ce grand bâtiment chauffé de 25 000 pi² reste vide avant le démarrage des travaux prévus par le futur ou la future propriétaire, dont l’identité reste encore inconnue.

Face à la crise du logement et à une pression foncière toujours plus pesante, l’existence de bâtiments vacants est de plus en plus dénoncée. La Ville ne se contente pourtant pas de nommer ce problème ; elle met en place des règlements comme celui, récent, sur l’occupation et l’entretien des bâtiments (23-016) entré en vigueur le 24 octobre 2023, qui renforce les règles appliquées aux propriétaires délaissant leur bien, démontrant ainsi la volonté de la municipalité de combattre activement ce fléau.

Économie circulaire

Par ailleurs, cette lutte contre la vacance immobilière s’inscrit dans une vision plus globale que semble porter la Ville, à savoir son engagement en faveur de l’économie circulaire. Cette orientation stratégique est clairement exprimée dans le rapport de recommandations « Vers une Feuille de route montréalaise en économie circulaire », déposé au conseil municipal en septembre 2023. Dans ce document, il est souligné que l’utilisation transitoire des espaces et des bâtiments constitue une approche novatrice favorisant une gestion plus efficiente des ressources urbaines, créant ainsi un lien cohérent entre la résolution de la crise du logement et la promotion d’une économie circulaire au sein de la ville.

Ainsi, en tant que propriétaire foncier, il nous paraît judicieux que la Ville passe des recommandations aux actions en montrant l’exemple, et donc en ne faisant pas fi des enjeux de vacance durant le temps de la planification des travaux.

Éviter l’inoccupation de ce bâtiment apparaît alors comme une occasion pour les pouvoirs publics de montrer la cohérence de leur engagement, d’autant que ce secteur n’a nul besoin d’être davantage négligé.

Plusieurs solutions sont possibles. Pourquoi ne pas s’inspirer de nos cousins outre-Atlantique et ajouter des mesures incitatives à mettre en place des projets d’occupation transitoire dans le cahier des charges destiné à choisir l’entreprise chargée de la promotion immobilière ? Comme le projet des Grandes Locos porté par la Métropole de Lyon qui a prévu dès l’acquisition du site une phase transitoire et qui inclut dans ses appels d’offres des critères obligeants les futurs partenaires à en faire autant, afin de limiter au maximum la période de vacance du site et de ses bâtiments.

Cette absence actuelle de mesures dans les conditions de vente est d’autant plus surprenante qu’un projet transitoire est actuellement en place dans le bâtiment de l’îlot Voyageur. Des investissements ont été réalisés pour permettre à des organismes œuvrant pour l’économie circulaire d’occuper la bâtisse et de rendre l’environnement du site plus sécuritaire. Pourtant, ils sont invités à quitter les lieux en octobre 2024. À l’inverse d’une fin d’occupation, il nous semble nécessaire de réfléchir à la manière de faire profiter la communauté de cette superficie disponible : espace d’exposition pour les étudiants et étudiantes, comptoir alimentaire pour des organismes, hub logistique ou même halte chaleur pour les personnes en situation d’itinérance. Tous les usages, bien encadrés et accompagnés, semblent avoir davantage de sens que l’abandon de ce bâtiment en plein cœur de la ville.

En définitive, cette lettre se veut un appel à l’action, soulignant la nécessité d’une approche cohérente avec les engagements de la Ville en matière d’économie circulaire et d’urbanisme responsable. Il nous paraît primordial de favoriser les décisions concertées concernant la vacance de ce site et le maintien de ses occupants. Nous sommes ouverts à la collaboration pour trouver des solutions innovantes et inclusives dans l’intérêt de la collectivité et nous invitons tous les acteurs et actrices du domaine de l’aménagement à réagir et à réfléchir sur cet enjeu. Travaillons collectivement à faire de nos villes des villes plus justes, durables et résilientes.

*Au nom des membres d’Entremise

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