En retour d’un zonage plus flexible, Longueuil exigerait des promoteurs une contribution au logement à but non lucratif

(Québec) Le gouvernement Legault veut permettre aux maires de vendre aux promoteurs le droit de bâtir plus haut que le zonage permis en échange d’une compensation destinée au logement à but non lucratif, une idée proposée par la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier.

Ce qu’il faut savoir

  • La mairesse Catherine Fournier veut avoir le droit de « vendre » aux promoteurs le droit de bâtir plus haut que ce que le zonage permet.
  • Cette contribution serait dédiée à l’achat de logements privés au profit d’OBNL qui offrent des logements abordables.
  • L’élue croit que cette mesure pourrait relancer la construction de logements privés à Longueuil, puisque les bâtiments qui ont plus d’étages sont plus rentables.

« J’accueille favorablement la proposition de la mairesse de Longueuil d’accorder une option supplémentaire de compensation en échange de l’utilisation du zonage incitatif », a affirmé la ministre des Affaires municipales Andrée Laforest dans un échange avec La Presse.

Cette idée inédite lui a été proposée par Mme Fournier, qui cherche un moyen de financer sa stratégie d’habitation.

« On veut pouvoir permettre que le promoteur puisse verser une contribution financière à la Ville en échange d’un bonus de zonage, et que cette contribution financière soit spécifiquement dédiée à un fonds pour le logement à but non lucratif », explique la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier.

Elle souhaite « partager les profits » que les promoteurs pourraient engendrer en bâtissant plus haut, ce qui entraîne des économies d’échelle et davantage de profitabilité.

Crise du logement

Longueuil, comme bien des villes de la région métropolitaine de Montréal, fait face à la crise du logement. Et uniquement construire plus de logements sociaux n’est pas la solution, indique la mairesse Fournier, qui cite le chercheur Steve Pomeroy de l’Université Carleton.

Pendant qu’on construit une unité de logement social ou abordable, on va en perdre 17 sur le marché privé dans la région métropolitaine de Montréal.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

La mairesse a présenté sa solution en décembre : épauler des OBNL pour acheter des logements privés « à risque » de spéculation. Elle veut éviter ce qui arrive en ce moment : dans les quartiers pauvres de sa ville, des immeubles d’habitation « très abordables avec des locataires sur l’aide sociale » se font rénover, et les loyers peuvent augmenter à 1600 $ par mois, donne-t-elle en exemple.

La Ville veut donc utiliser son droit de préemption pour mettre la main sur ces édifices, pour ensuite les revendre aux OBNL au prix coûtant. Ceux-ci pourraient les rénover tout en conservant un loyer à moindre coût.

Pas d’argent

Le problème : ces organismes ne réussissent pas à boucler leur montage financier et auraient besoin d’aide financière. Ils se tournent donc vers la Ville. « Mais on n’en a pas, d’argent ! », s’exclame Mme Fournier. Et contrairement à ce qu’ont fait d’autres municipalités, elle ne « veut pas imposer de redevances aux promoteurs, parce qu’on ne veut pas nuire au marché de la construction ».

Son administration vise la construction d’un minimum de 30 000 unités d’habitation de tous types d’ici 2041 « afin de répondre aux besoins démographiques en croissance, tout en visant le retour à un seuil d’inoccupation à l’équilibre ». Elle veut donc encourager l’érection de logements privés.

Et c’est ici que Mme Fournier croit faire d’une pierre deux coups. Elle affirme que les promoteurs qu’elle a rencontrés sont intéressés par son idée, tout comme les groupes communautaires. La Ville pourrait à la fois épauler le logement à but non lucratif, permettre la construction de logements privés et encourager la densification.

Mesure incitative à la construction

« Ça devient un incitatif à la construction. Les promoteurs calculent leur profit par porte. Avec tous les coûts fixes, dès que tu ajoutes des étages, c’est du profit beaucoup plus important. Ta rentabilité par porte est plus grande. Même si tu dois partager une portion du profit supplémentaire avec la Ville, ça demeure intéressant », dit-elle.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le secteur du métro Longueuil a un zonage qui permet la construction d’immeubles de 24 étages.

La mairesse n’aurait aucun « malaise » à autoriser, par exemple, une tour de 35 étages dans le secteur du métro Longueuil, qui a un zonage de 24 étages. Et à plus petite échelle, elle ne voit pas de problèmes à autoriser des bâtiments de cinq ou six étages à des endroits où on n’autorise que des trois ou quatre étages.

Pour l’instant, les villes peuvent autoriser des étages supplémentaires grâce à un « zonage incitatif », mais il est circonscrit, notamment lorsqu’on inclut du logement social dans l’immeuble.

Elle souhaite le rendre plus souple en l’autorisant lorsqu’une « contribution financière destinée à un fonds pour le logement à but non lucratif » est versée par le promoteur.

Catherine Fournier espère que Québec pourra rapidement accéder à sa demande novatrice dans un projet de loi municipal. Elle a rencontré la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, à ce sujet il y a moins d’un mois.

Et la ministre lui ouvre la porte toute grande. « Je suis heureuse de l’intérêt généré par ce nouveau pouvoir auprès des municipalités. D’ailleurs, on invite l’ensemble des villes à se doter de cette règlementation », explique Mme Laforest.

Mme Fournier mise gros sur ce pouvoir. Elle veut 20 % de logements locatifs à but non lucratif sur son territoire. Actuellement, il y a 4666 logements hors marché à Longueuil, soit 4,2 % du parc immobilier. Pour atteindre la cible de 20 %, il faudrait ajouter près de 17 500 logements.