Nous avons demandé aux enseignants quelle était à leurs yeux la question à régler avant toutes les autres dans le cadre de l’actuelle négociation avec Québec. Voici quelques-unes des nombreuses réponses que nous avons reçues.

La composition de la classe

L’enjeu principal pour une majorité d’enseignants : la composition de la classe et les services aux élèves HDAA (avec handicap ou difficultés d’adaptation ou d’apprentissage) en classe ordinaire. On ne dit pas non à une augmentation salariale, cependant, une augmentation sans la modification de la composition de la classe et l’ajout de services aux élèves ne sert à personne. Les élèves n’auront pas le service auquel ils ont droit, les profs continueront à tomber comme des mouches.

Marie-France Fournier

Différenciation pédagogique

La composition de la classe, qui répond depuis les années 1990 à la volonté de forcer les enseignants à appliquer le concept de différenciation pédagogique, rend le quotidien de ces derniers extrêmement pénible. Gérer des dizaines de plans d’intervention au secondaire est tout simplement impossible. Par conséquent, la formation des groupes reste la priorité pour les grévistes. Et ce n’est pas des aides à la classe qui favoriseront la réussite d’élèves avec d’importants problèmes d’apprentissage.

Johanne Hotte, Montréal

Comme avant

Le plus important selon moi, qui enseigne depuis 20 ans, est la composition de la classe ! Revenir à ce qu’on avait avant : plus de classes d’adaptation scolaire ou une aide en classe comme une TES. Sur 21 élèves cette année, j’en ai 14 qui ont besoin d’un suivi individualisé, j’ai de l’aide 5 heures sur 10 jours. Je suis seule à répondre à leurs besoins et c’est impossible de le faire bien !

Marie-Pierre Mathieu, Saint-Lambert-de-Lauzon

Des groupes de plus en plus difficiles

J’enseigne depuis 15 ans et pour ma part, la priorité en éducation est de revoir la composition de la classe. J’ai vu les groupes de plus en plus difficiles depuis quelques années et des élèves avec de lourdes problématiques. Nous avons besoin d’aide au quotidien, pas seulement du saupoudrage de service. Je vois aussi du personnel dévoué tous les jours pour répondre aux besoins de chacun. Je vois aussi des enseignantes qui adorent allumer les yeux de leurs élèves en étant passionnées au quotidien. Oui, le salaire est important, mais ce n’est pas juste une question d’argent !

Émilie Aubé-Pomerleau, Mirabel

Reconnaissance salariale

Selon moi, le plus important, c’est une meilleure reconnaissance salariale de nos diverses tâches. Par exemple, avant la grève, il y a eu les rencontres de parents. Je suis restée 11 heures à l’école. Pour un autre corps de métier, cela aurait été considéré comme des heures supplémentaires. Pour ma part, je ne recevrai aucune compensation. C’est la même chose pour les sorties où l’on perd nos heures de pause, les examens ministériels qui occasionnent davantage de correction et notre participation aux comités essentiels à la bonne organisation d’une école. Sans une meilleure reconnaissance de toutes nos heures de bénévolat, impossible d’intéresser les jeunes à l’enseignement.

Catherine Pinard, Montréal

Tout le monde est perdant

Je suis enseignante à Montréal-Nord et la question la plus importante pour moi concerne la composition des classes. Les fermetures de classes spéciales des dernières décennies rendent notre tâche extrêmement épuisante ! J’ai la chance d’avoir plusieurs années d’expérience, mais nos jeunes enseignantes n’ont pas ce privilège. Des enfants avec des mesures d’aide, il y en a beaucoup trop et malheureusement, ils sont nombreux à perdre un temps précieux dans leur parcours scolaire, car ils ne reçoivent pas les bons services et surtout, ils sont insuffisants ! Tous les élèves sont perdants parce que le rythme d’enseignement est trop lent pour nos élèves forts, mais trop rapide pour ceux en grande difficulté.

Julie Trottier

La lourdeur de la tâche

Je suis enseignant au secondaire dans la région de Québec depuis un peu plus de deux ans. Je suis donc à statut précaire. Pour moi, il est important d’avoir une augmentation de salaire correspondant à l’inflation, mais la priorité est sans contredit la lourdeur de la tâche, sujet qui prend malheureusement moins de place dans le débat public. Particulièrement pour les jeunes enseignants, les tâches sont très difficiles et exigent un niveau d’expérience qu’on n’a pas à ce stade. Par exemple, la plupart des tâches accessibles aux nouveaux enseignants comprennent trois niveaux différents ou plus, ce qui multiplie le travail de préparation de façon importante. Il faut trouver des façons d’organiser les tâches autrement. Je pense notamment à des compensations financières pour ce genre de surplus de travail.

Benjamin Lebel, Québec

Classes surchargées

Je suis enseignante au primaire et compte 27 années d’ancienneté. Depuis le début de ma carrière, la composition des classes s’est progressivement imposée comme le problème le plus flagrant et qui génère le plus de stress parmi mes collègues. Nous voulons aider nos élèves, mais les classes surchargées et le manque de services nous compliquent la tâche. Plusieurs sont inquiets pour les années à venir, et j’en fais partie.

Mélanie St-Georges, Terrebonne

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La composition des classes est le plus grand défi pour le réseau collégial, selon Patrick Daneau, qui enseigne la philosophie depuis 33 ans dans un cégep de Québec.

Des élèves moins matures

La composition des classes est le plus grand défi pour le réseau collégial. J’enseigne la philosophie depuis maintenant 33 ans dans un cégep de Québec. Je prends ma retraite à la fin de la présente année scolaire, car je suis épuisé. Lorsque j’ai commencé ma carrière, j’avais des groupes composés de jeunes adultes. Il n’était pas difficile de maintenir un esprit propice à la transmission de la connaissance. Je faisais rarement de la discipline et les résultats étaient distribués de manière classique (une belle distribution en cloche). Depuis quelque 10 années, tout a changé. Mes élèves sont moins matures. Ils sont angoissés, ils sont connectés en tout temps sur leur téléphone « intelligent », ils s’absentent beaucoup et ils exigent qu’on leur transmette la matière. Ils réagissent mal à la critique et, surtout, mes classes sont composées de deux groupes distincts : des élèves très performants et des très faibles. Avec le résultat que j’ai maintenant des moyennes « en chameau » et je suis confronté à un dilemme insoluble : ou bien j’enseigne aux plus performants et je perds une moitié du groupe, ou bien je m’adapte aux plus faibles et j’ennuie les plus forts. Je pourrais également évoquer la cyberdépendance et l’arrivée de ChatGPT qui font que l’attention des élèves et le sens de l’effort prennent le bord.

Patrick Daneau, Donnacona