Dans la foulée de manifestations pour la préservation de l’autonomie des sages-femmes, nous vous avons demandé de nous raconter comment s’était déroulé votre accouchement avec l’une de ces professionnelles. Les réponses que nous avons reçues témoignent presque unanimement d’expériences positives. En voici quelques-unes.

Un service trop rare

J’ai eu trois grossesses et trois suivis fort différents : un 100 % médical, un 100 % avec sage-femme et un transfert d’un suivi sage-femme vers un suivi médical à mi-grossesse à la suite d’un diabète de grossesse. Ma plus belle expérience fut sans contredit celle où j’ai eu la chance de bénéficier du suivi personnalisé, bienveillant et hyper professionnel d’une sage-femme. De ces trois expériences, c’est la seule où j’ai senti que j’étais écoutée, considérée et accompagnée. J’ai d’ailleurs vécu un véritable deuil lors de la perte de mon suivi pendant ma troisième grossesse. Le projet de loi 15 est une atteinte au droit des femmes et fait le contraire de ce vers quoi on devrait tendre : un accès élargi à ce service précieux et beaucoup trop rare.

Marilyne Laroche Corbeil, Montréal

Un droit des femmes

J’ai 65 ans. En 1981, j’ai accouché à la maison de ma deuxième fille, alors que la profession de sage-femme était encore loin d’être légalisée : le service rendu a été irréprochable. Ma fille a accouché en maison de naissance en 2013 et en 2016 accompagnée de sages-femmes à la fois hyper professionnelles et humaines. Leur travail est essentiel et leur approche unique doit être préservée. Les femmes ont le droit d’accoucher en étant bien accompagnées par des professionnelles dûment formées et autonomes dans leur pratique. Ramener les sages-femmes dans le giron hospitalier serait une erreur. La perte d’autonomie professionnelle et l’évaluation d’un conseil professionnel où domine une vision médicale ont le potentiel de dénaturer les services rendus aux femmes qui attendent un enfant.

Françoise Ruby, Montréal

Une profession valorisée en France

Nos deux enfants ont été mis au monde par une sage-femme en France au début des années 2000. Là-bas, les sages-femmes travaillent dans les hôpitaux publics ou en bureau privé. Dans les hôpitaux, elles assurent les accouchements en première ligne, seuls les cas les plus complexes étant réalisés par l’obstétricien de garde. Les sages-femmes assurent aussi les suivis de grossesse, peuvent aussi faire les échographies de dépistage, la rééducation périnéale et ont le droit de prescription de certains médicaments.

Martial Kœnig, médecin, Montréal

Désengorger le système

J’ai accouché avec une sage-femme dans une maison de naissance à Québec il y a 24 ans. Ma belle grande fille d’amour devrait avoir le choix du milieu dans lequel elle veut accoucher, comme des millions de femmes sur la planète. La grossesse n’est pas une maladie, c’est un évènement normal qui peut se dérouler sans heurts. Nous avons un système de santé qui a démontré depuis longtemps qu’il est possible d’accoucher avec une sage-femme, mais qu’il est aussi possible d’être transféré vers un médecin au besoin. C’est une grande force de pouvoir choisir, et les sages-femmes peuvent contribuer à désengorger un système difficile. Pourquoi changer une recette déjà gagnante ?

Cynthia Gariépy, Québec

Approche féministe

J’ai accouché à deux reprises avec des sages-femmes pour mes deux filles (2004 et 2007). C’est l’une des meilleures décisions de ma vie. Tout d’abord, la grande qualité du suivi par une sage-femme (des rendez-vous d’une heure chaque fois !) et l’implication des parents au cœur des décisions cliniques, en misant toujours sur le consentement éclairé, m’ont semblé tomber sous le sens. C’est une approche profondément et noblement féministe. Je ne me suis jamais sentie en danger, mais toujours entre des mains professionnelles et « sages ». Après la naissance, le fait d’avoir accès pendant six semaines au service a été salvateur et a entre autres aidé à prévenir une dépression post-partum. Il faut respecter l’expertise professionnelle des sages-femmes, qui sont les seules à concevoir la naissance dans sa normalité physiologique.

Elisabeth Rousseau, Montréal

Une naissance heureuse

Je suis médecin (otorhinolaryngologiste) et pourtant, j’ai accouché à deux reprises avec une sage-femme et je ne peux que le recommander ! En 1998, enceinte de ma première fille, je venais de lire Une naissance heureuse d’Isabelle Brabant. Curieuse, j’ai appelé à la maison de naissance Côte-des-Neiges pour voir s’il était possible de rencontrer quelqu’un et me renseigner sur les services offerts. En fonction de ma date prévue d’accouchement, on m’a indiqué qu’il restait une place disponible et que ce serait avec Isabelle Brabant ! Assez épatée de la coïncidence, mais sceptique comme peut l’être un médecin, j’ai pris rendez-vous pour la rencontrer avec mon conjoint. Sans aucune garantie que nous allions poursuivre l’aventure avec elle, elle a pris une heure de son précieux temps pour discuter avec nous, nous montrer les lieux, nous expliquer les procédures et répondre à mes innombrables questions sur les « que se passe-t-il si… ? ». J’étais conquise, écoutée, rassurée. La qualité et le professionnalisme des soins, l’humanité déployée pendant mes deux accouchements passés avec elle, la pertinence du suivi post-partum à domicile pendant les six premières semaines avec bébé, le respect démontré du début à la fin, rien à redire. Évidemment, c’est un service qui s’adresse à des femmes vivant une grossesse dite normale et qui – à l’époque en tout cas, peut-être est-ce différent maintenant – acceptent d’accoucher sans épidurale, ce que j’ai pu et voulu faire. Mais pour toutes celles qui s’en sentent capables, c’est un service extraordinaire qu’il faut encourager et développer, et surtout ne pas brimer ou inféoder à une culture médicale qui – je le sais de l’intérieur – tend à avoir une vision tronquée et uniquement « biomédicale » de la santé, plutôt que la vision plus holistique de la pratique sage-femme telle qu’elle se pratique au Québec.

Lynn Gaudreault, Montréal