Lundi avant-midi, alors que se tenait la réunion pour faire le point sur la fermeture inopinée de quelques terrasses de la rue Peel deux jours plus tôt, la mairesse Valérie Plante était dans les locaux de La Presse pour présenter son plan d’urbanisme et de mobilité.

Si j’avais été dans les souliers de la mairesse, j’aurais annulé la rencontre et je serais allée au debriefing à la place. Mme Plante s’est d’ailleurs posé la question à voix haute devant nous. Il était malheureusement trop tard.

C’est Luc Rabouin, président du comité exécutif de la Ville de Montréal et maire du Plateau-Mont-Royal, qui a assisté à la rencontre sur les terrasses. Et c’est lui qui a donné une conférence de presse quelques heures plus tard pour faire le point.

Les apparences comptent

Mme Plante n’était pas venue seule à La Presse. Elle était accompagnée de Robert Beaudry et de Sophie Mauzerolle, respectivement responsables de l’urbanisme et de la mobilité au comité exécutif de la Ville de Montréal. Au total, trois élus de l’arrondissement de Ville-Marie. Pourquoi je le souligne ? Parce que la fermeture des terrasses a eu lieu dans leur arrondissement.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, accompagnée des élus Robert Beaudry et Sophie Mauzerolle

Je ne veux pas être injuste avec Valérie Plante, ce n’est pas sa faute si des agents du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) zélés sont intervenus en plein week-end du Grand Prix.

On me dira sans doute que l’important, ce n’est pas que la mairesse ait été présente à la rencontre, mais bien qu’on ait tenté de comprendre ce qui s’est passé (ce qui n’est pas encore clair à l’heure où j’écris ces lignes).

Personnellement, je pense que c’est une situation où il fallait tenir compte des apparences, où les symboles étaient importants.

La mairesse aurait dû aller rencontrer les restaurateurs et assister à la rencontre avec le SIM pour envoyer le message qu’elle accordait la priorité à un évènement qui a déchaîné les passions.

En soi, l’évacuation du chapiteau du restaurant Ferreira est malheureuse, mais ce n’est pas la fin du monde non plus. Personne n’est mort. Par contre, l’incident – ce que nos voisins ontariens appelleraient sûrement le « terrassegate » – a frappé l’imaginaire. C’est comme si la grogne des derniers mois dans la métropole s’était exprimée à travers cette histoire de terrasse. Comme si le ras-le-bol des Montréalais s’était transformé en raz-de-marée qui avait déferlé dans les médias et les réseaux sociaux durant 48 heures. Tout y est passé : cônes orange, itinérance, accès au site de la F1, excès de bureaucratie municipale, campement propalestinien à l’Université McGill, métro bondé après le spectacle annulé du rappeur américain Pitbull… Comme si tous les maux de la planète pouvaient être attribués à la mairesse Valérie Plante.

Quand je lui ai demandé si elle était surprise par la vigueur des réactions, Mme Plante m’a répondu qu’elle avait croisé plein de gens « heureux » au Grand Prix, à l’hôtel de ville lors des portes ouvertes ou sur l’avenue du Mont-Royal bondée de piétons. Pourtant, je pense que même si les gens qui chialent habituellement sur les réseaux sociaux ne sont pas représentatifs de la société, ils traduisent tout de même quelque chose. Et cette fin de semaine, ils exprimaient un mécontentement auquel la mairesse devrait davantage tendre l’oreille.

Il y a un grand nombre de Montréalais qui aiment profondément leur ville, mais qui sont inquiets de son état de santé. Ils ressentent de l’insécurité dans les rues et dans les transports publics. Ils trouvent leur ville sale. Ils en ont marre de contourner des chantiers en auto, à vélo et même à pied. Ils trouvent la bureaucratie lourde et compliquée. Et même si la mairesse n’est pas responsable de tous ces irritants, elle ne peut pas ignorer le mécontentement de ses citoyens.

Quand une telle grogne s’élève, il faut montrer non seulement qu’on entend les gens, mais qu’on les écoute.

Où est ce verre ?

Au micro de Paul Arcand lundi matin, la mairesse Plante a répété qu’elle aimait mieux voir le « verre à moitié plein ». Je comprends qu’elle veuille se coller à des nouvelles et à des évènements positifs. Et qu’il est pas mal plus agréable de présenter une vision de Montréal pour les 25 prochaines années que de revenir sur les ratés d’un des plus gros week-ends de l’été.

Mais parfois, non seulement j’ai l’impression que Valérie Plante préfère voir le verre à moitié plein, je suis convaincue qu’elle ne regarde pas le même verre que tout le monde. Où est ce verre teinté de rose ? Je veux le voir moi aussi !

Il y aura d’autres occasions pour parler du plan d’urbanisme et de mobilité qui, de toute manière, doit être soumis à la consultation publique au cours des prochains mois. On y reviendra, promis.

Pour l’instant, la mairesse Plante doit montrer qu’elle est « vraiment » à l’écoute du mécontentement exprimé par de plus en plus de Montréalais. C’est le lien de confiance avec ses citoyens qui est en jeu.

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