En fin de semaine, les Montréalais ont eu honte. Ils n’ont pas digéré, mais alors là pas du tout, la désolante décision de fermer quatre terrasses de la rue Peel, au beau milieu des festivités du Grand Prix de Formule 1.

Dans le grand ordre des choses, il y a des drames beaucoup plus terribles à Montréal. Mais en voyant cette restauratrice réduite à pleurer son désarroi sur les réseaux sociaux, les citoyens en ont eu ras le bol.

Ras-le-bol des travaux qui transforment les rues de la ville en labyrinthe, tous les printemps.

Ras-le-bol de tous ces permis qui coûtent une fortune et qu’on attend pendant un temps fou.

Ras-le-bol de la bureaucratie aveugle qui met des bâtons dans les roues des entrepreneurs que l’administration devrait plutôt aider au maximum.

Surtout en ce moment.

Le centre-ville peine à reprendre son erre d’aller depuis la pandémie. La rue Sainte-Catherine est en plein chantier. Et quand des restaurants se donnent la peine d’installer des terrasses pour créer un minimum d’ambiance, à travers ce fatras, ce que le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) trouve de mieux à faire, c’est de fermer les lieux presque manu militari. C’est inconcevable.

D’accord, d’accord, il ne faut pas lésiner sur la sécurité. Mais pourquoi avoir attendu le vendredi soir du Grand Prix pour prendre cette décision radicale ? Ça ressemble à un « power trip ».

Qu’on aime ou pas la course automobile, le Grand Prix est un évènement phare pour la métropole. Les gouvernements y pompent des millions de dollars chaque année, pour donner à Montréal une vitrine incomparable à l’international et obtenir des retombées économiques et fiscales.

Avec la bourde de la rue Peel, on a fait complètement l’inverse. On a miné l’image de marque de Montréal en mettant bêtement des touristes à la porte d’un restaurant, entre l’entrée et le plat principal. Et on a empêché des PME de profiter du moment le plus payant de l’année.

Beau travail, chef !

Que s’est-il donc passé ?

« En ce moment même, il y a le post mortem. Je n’ai pas beaucoup plus d’explications à vous dire », a répondu la mairesse Valérie Plante, qui prenait part à une entrevue éditoriale avec La Presse, lundi matin, pour présenter son Plan d’urbanisme et de mobilité (PUM) 2050.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, lors d’une entrevue éditoriale avec La Presse, lundi

Après ce post mortem, le SIM a décidé de mener une enquête interne administrative et de suspendre deux employés.

Mais la controverse pourrait faire tache d’huile et coller à la réputation de l’administration Plante, comme l’échec de la Formule E a plombé le maire Denis Coderre.

Les deux situations ne sont pas comparables. Et les prochaines élections municipales n’auront lieu qu’en novembre 2025. Mais cette histoire de terrasse pourrait laisser un goût amer au grand public, comme un mauvais cocktail qui rassemble plusieurs ingrédients dont les citoyens ont marre.

Élue comme « mairesse de la mobilité », Valérie Plante n’a pas réussi à dégager la circulation. Elle a raison de se défendre en disant qu’elle a hérité de décennies de sous-entretien. « On ne laissera pas tomber ce plan-là, même si ce n’est pas populaire, même si c’est difficile, parce qu’on le doit aux générations futures », dit la mairesse.

Valérie Plante ajoute que la Ville n’est responsable que du quart des chantiers. Soit. Mais les citoyens ont tant d’exemples de rues qui ont été réouvertes à maintes reprises qu’ils se demandent où est la coordination dans tout ça.

La crise du logement fait aussi très mal. Ce n’est pas unique à Montréal. Mais ici, l’obtention d’un permis relève du chemin de croix.

Les délais ont plus que doublé depuis quatre ans, révélait La Presse à la fin de mai1. Au centre-ville, il fallait patienter un an et demi en 2023, contre sept mois avant la pandémie. Un vrai répulsif pour les promoteurs.

Le jour même, la mairesse a réagi en promettant de réduire les délais à 120 jours pour les projets de plein droit. Une belle intention. Mais cette annonce aura peu d’impact, car les projets de plein droit sont plutôt rares pour les chantiers d’envergure qui ont besoin d’une foule de dérogations, comme l’écrivait dans nos pages la présidente-directrice générale de l’Institut de développement urbain du Québec (IDU), Isabelle Melançon2.

La mairesse réplique que son PUM permettra de démarrer davantage de chantiers, sans avoir à demander de dérogation. On souhaite réellement que ça fonctionne, car Montréal a vraiment besoin d’un coup de barre. Ici, les mises en chantiers ont fondu de 37 % en 2023, alors que la construction est repartie à Toronto (+5 %) et à Vancouver (+28 %).

Bâtir, c’est pourtant la clé pour rééquilibrer le marché, ramener les prix sur terre… et freiner l’exode des familles. L’an dernier, Montréal a perdu 25 600 personnes au profit des autres régions du Québec, 29 % de plus que lorsque l’administration Plante est arrivée au pouvoir.

Vivement un grand dépoussiérage de la bureaucratie municipale qu’on aimerait voir travailler avec le secteur privé. Pas contre lui.

1. Lisez le dossier « Permis de construction à Montréal : des “délais interminables” » 2. Lisez la lettre d’opinion « Permis de construction à Montréal : une sortie de crise, ça se planifie ! »