Dieu est visiblement moins regardant aux États-Unis qu’ailleurs, dans la chrétienté. Un candidat à la présidentielle américaine est condamné pour viol et fraude, mais une incroyable portion des disciples du Tout-Puissant lui donneront leurs votes. Plus miséricordieux que ça, tu meurs.

Et dites-vous bien qu’on ne parle pas seulement des WASP⁠1, les Latinos commencent à les imiter pas mal.

Le Créateur et le bulletin de vote couchent dans le même lit chez les voisins républicains. C’est tellement connu que c’est presque radoter que de le répéter.

Il faut avoir fait affaire avec des Américains pour savoir qu’on a avantage à éviter de parler avec eux de politique et de religion dans la même demi-heure pour que vos propos ne vous fassent pas perdre une bonne affaire. Sectaires, vous dites ?

Et si vous souhaitez vraiment foutre la pagaille, il n’y a rien comme une discussion sur l’avortement et la possession d’armes à feu pendant un repas pour être certain de ne pas se rendre au dessert.

Il faut lire l’auteur et journaliste de The Atlantic Tim Alberta, un croyant dont le père fut pasteur, pour comprendre encore plus le comportement de ces brebis du Seigneur, appelées évangéliques, qui constitueraient 25 % des électeurs américains⁠2. Stupéfiant !

La base du délire est que ces adeptes croient fermement que le peuple américain est LE peuple élu de Dieu sur Terre. Toute une prétention, vous en conviendrez.

Mais d’où vient le prosélytisme politique de ces évangéliques américains, qui sont essentiellement de foi chrétienne protestante ?

Il faut savoir que les premiers arrivants aux USA étaient généralement des religieux un peu biz, selon eux puritains et persécutés. Je l’ai déjà écrit.

Plus catholiques que le pape, aurait dit mon grand-père.

PHOTO DUSTIN CHAMBERS, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

« Jésus est mon sauveur, Trump est mon président », peut-on lire sur ces casquettes en vente lors d’un évènement de campagne de Donald Trump, en 2022.

Les pèlerins du Mayflower, des quakers, un sobriquet qui exhortait à trembler devant la parole de Dieu, mais aussi des luthériens allemands, des catholiques anglais, des mennonites alsaciens, etc.

En fait, beaucoup d’illuminés ou de paranos religieux pour fonder un pays. Ça promettait.

L’évangélisme est issu de la très grande majorité protestante, et a cette particularité de professer la vie en concubinage avec le Christ, d’ajuster son comportement en conséquence, et de croire que la seule vérité universelle provient de la Bible.

Ça ne donne pas les meilleures bamboulas de votre vie…

Comme dans toutes les factions religieuses aux États-Unis, des vedettes naissent et partagent leur fougue avec des fidèles. Une des premières idoles historiques ayant été un certain George Whitefield⁠3, Britannique devenu ministre du Culte parce qu’il n’en pouvait plus de vivre dans un « monde immoral ». Pôôôvre lui !

Traversant l’Atlantique aux alentours des années 1740, pour transmettre ses vérités aux colons américains, il devint si populaire qu’il parvint même à rassembler 20 000 personnes à Boston pour une harangue (sans système de son), sur une population totale d’à peu près 25 000 habitants.

C’est comme si aujourd’hui, 80 % des Montréalais allaient écouter gratuitement Céline Dion, quelque part dans un champ en Montérégie.

L’histoire ne dit pas si Whitefield en profitait pour vendre des produits dérivés à son effigie…

En fait, il était l’ancêtre des Billy Graham de ce monde.

On dit que les premières implications politiques de l’ère moderne des évangéliques émanent de réactions à la contre-culture américaine, contre ces dangereux hippies qui contestaient la guerre au Viêtnam et faisaient la propagande de l’amour et de la paix, ainsi que de la consommation de produits naturels comme le chanvre et la marijuana. Bios avant l’heure.

Mais ironiquement, c’est probablement un candidat démocrate qui, le premier, a foutu le bordel en mélangeant Dieu et la politique.

Son nom est Jimmy Carter, planteur de cacahuètes, le genre à donner des cours de catéchisme le dimanche dans son patelin. Il a donc été le premier candidat contemporain à la présidence à trop évoquer le Seigneur durant la campagne, à qui il dédiait sa destinée comme humain.

Inutile de vous dire qu’à l’élection suivante, le républicain Ronald Reagan a compris le truc, et, ajoutant à la faiblesse du prez Carter, s’associa à ces exaltés religieux pour donner à Jimmy une méchante volée politique, et faire deux mandats consécutifs à la présidence américaine.

Depuis, le Parti républicain et les évangéliques ne font qu’un, politiquement.

D’où cette maladie républicaine de vouloir plaire à ces électeurs fidèles, et répondre à leurs prières moralistes en tentant de contrôler le corps des femmes américaines, d’interdire l’avortement d’une façon ou d’une autre, et même la contraception, si possible.

Une expression dit qu’il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

Une enquête de mars dernier du Pew Research Center nous apprend que 8 Américains sur 10 croient que la religion perd de l’influence dans les débats publics chez eux⁠4. Eh oui ! C’est fou, hein ?

Et ainsi, 49 % pensent que ce qu’ils considèrent comme le déclin de cette influence est mauvais pour leur pays, et que s’il y avait conflit entre les enseignements de la Bible et le désir de la population, 28 % sont d’avis que la Bible devrait prévaloir.

De la petite graine de dérive autoritaire, peut-être ?

Amen !

Entre nous

J’ajoute ma voix à celles qui ont félicité la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, pour son projet de loi donnant, entre autres, plus de pouvoir de prescription aux pharmaciens. Il était temps ! Nous le savions tous que ces professionnels possédaient des compétences sous-utilisées. Personne ne comprenait pourquoi ils ne pouvaient en faire encore plus, et ils sont généralement réconfortants. Bravo, Madame la Ministre !

1. Abréviation de White Anglo-Saxon Protestants, soit les protestants blancs anglo-saxons.

2. Lisez l’article « My father, my faith and Donald Trump » dans The Atlantic (en anglais ; abonnement requis)

3. Voir Days of Destiny : Crossroads in American History, de James M. McPherson et al., DK, 480 pages

4. Consultez Un rapport du Pew Research Center (en anglais) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue