Pour le Parti libéral du Québec (PLQ), la bonne nouvelle, c’est qu’il y aura une vraie course à la direction plutôt qu’un couronnement. La moins bonne, c’est qu’il n’y a pas – du moins, pas encore – de candidat de qui on puisse dire d’emblée qu’il est un gagnant.

Le PLQ est un parti de gouvernement. Il déteste être confiné à l’opposition et la première qualité qu’il recherche chez son nouveau chef est de le ramener au pouvoir le plus tôt possible.

Le problème, c’est qu’il n’y a pas, dans les candidats actuels, un homme – parce qu’il n’y a pas de candidature féminine, on y reviendra – qui a une image assez forte dans l’électorat québécois pour qu’on puisse prédire avec un bon degré de certitude qu’il va permettre au PLQ de décoller de sa médiocre situation actuelle.

Le plus récent sondage Léger place les libéraux au troisième rang avec 15 % des voix, pratiquement à égalité avec Québec solidaire à 14 %, mais surtout avec seulement 6 % du vote francophone, à un point du score du Parti conservateur du Québec⁠1.

Mais regardons ceux qui se sont déjà annoncés ou qui sont pressentis pour cette course. D’abord, il y a un groupe de trois candidats qu’on pourrait qualifier d’économiques : Frédéric Beauchemin, Charles Milliard et Karl Blackburn. Leurs profils sont si semblables qu’en France, on organiserait une « primaire » pour les départager.

Frédéric Beauchemin est le seul député du groupe et cela devrait lui conférer un avantage. Mais on a surtout entendu parler de lui en raison de sa suspension du caucus pour cause de plainte pour harcèlement psychologique. Une médiation a réglé ce dossier, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que celui qui veut qu’on l’appelle « Fred » n’a rien cassé depuis son arrivée à l’Assemblée nationale.

Charles Milliard et Karl Blackburn ont des curriculum vitæ intéressants. Le premier n’a jamais fait de politique, sauf avec les jeunes libéraux. Le second connaît le parti de fond en comble, car il a été député et directeur général du PLQ.

Mais il faut se poser la question : le président d’un groupe de pression économique est-il le meilleur choix dans les circonstances ? Avec la possibilité bien réelle que deux candidats trop semblables s’annulent dans un vote au scrutin universel des membres.

Un autre groupe est celui des maires : Antoine Tardif et Denis Coderre. Aucun n’a de véritables racines au PLQ. Le premier ne vient d’ailleurs pas du tout de la filière libérale, c’est un conservateur fédéral, directeur des opérations du parti au Québec sous Stephen Harper et maintenant maire de Victoriaville.

M. Tardif a 34 ans. Il a fréquenté les universités de Moncton et McGill ainsi que l’École nationale d’administration publique, le tout en étant gardien de but de niveau universitaire et junior majeur.

Mais sa véritable carte de visite en politique est d’être le poulain du député indépendant et autrefois conservateur Alain Rayes, dont il a été l’adjoint politique.

Le seul problème, c’est qu’il n’a pas véritablement d’expérience électorale significative. Il a été élu maire de Victoriaville par acclamation et sa seule victoire dans une élection contestée l’a mené à la mairie de Daveluyville en 2013, battant le maire sortant par 308 voix contre 79. Un bon candidat, sans doute, mais est-il un gagnant reconnu ?

Surtout que sa candidature ressemble un peu trop à celle de l’ex-maire de Drummondville Alexandre Cusson, qui a pris part à la dernière campagne au leadership ; une candidature qui n’a jamais vraiment levé et qui s’est terminée par un abandon.

Quant à Denis Coderre, il est très connu, mais pas toujours pour les bonnes raisons. Il a passé sa carrière politique à confondre notoriété et popularité. Mais si tout le monde connaît Denis Coderre, ce n’est pas tout le monde qui l’aime.

Le principal problème de l’ex-maire Coderre, c’est que son passage au municipal lui a donné une étiquette non seulement de perdant, mais de mauvais perdant.

Élu maire en 2013 avec seulement 32,1 % des voix, il a ensuite été battu deux fois plutôt qu’une en 2017 et en 2021 par Valérie Plante. Mais ses vidéos du chemin de Compostelle avec sa casquette des Expos n’ont fait que révéler le peu de sérieux de sa candidature, comme en fait foi un sondage Léger publié mardi par les médias de Québecor⁠2. À peine 12 % des électeurs libéraux croient que l’ancien maire de Montréal ferait le meilleur chef pour le PLQ. C’est 15 % de moins qu’en février dernier.

Marc Tanguay obtient pour sa part 30 % d’appuis chez les libéraux. Pas étonnant : il est le seul dans le parti à avoir une certaine visibilité actuellement. En fait, sa cote monte depuis qu’il a dit qu’il ne serait pas candidat. Mais l’élection du nouveau chef est dans un an seulement et il y aura encore bien des revirements.

Enfin, il reste la possibilité d’une candidature féminine. Mais disons-le tout de suite, le PLQ est très mal parti s’il veut recruter une candidate de qualité.

Le pire moyen d’en attirer une étant de dire, comme on l’entend depuis quelques semaines : « Ça nous prendrait une femme… »

C’est d’autant plus dommage comme attitude que le caucus actuel du PLQ à l’Assemblée nationale compte une majorité de femmes (11 sur 19) et qu’elles font un très bon travail dans leurs dossiers respectifs.

Il faudra espérer que les débats entre candidats permettent à quelqu’un d’émerger. Ou que la situation à Ottawa autorise un François-Philippe Champagne à songer à changer de capitale. On dit que sa réflexion évolue depuis peu. Chose certaine, sa présence viendrait dissiper bien des nuages gris au PLQ.

1. Consultez le sondage Léger sur les intentions de vote au Québec 2. Consultez le sondage Léger sur la course à la direction du PLQ, dans Le Journal de Québec Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue