On apprend que le gouvernement fédéral songe à limiter le nombre de permis d’immigration pour des étudiants étrangers afin de contrer la crise du logement. Les réactions indignées se multiplient de la part des universités et, pourquoi pas, des provinces.

Le tout me fait penser au fameux cube de Rubik, ce casse-tête en forme de cube à six côtés d’une couleur chacun, blanc opposé à jaune, rouge à orange, bleu à vert. Chaque côté est divisé en neuf petits champs chacun. Évidemment, il y a des morceaux de bord, ceux qui font partie de deux côtés, donc à deux couleurs (qui ne peuvent être des couleurs opposées) et même des morceaux à trois couleurs : les coins. Le joueur, en tournant plusieurs fois une partie du cube autour d’un des trois axes, mêlera rapidement les couleurs et se retrouve devant la difficulté de retrouver le cube original, à une couleur unique pour chaque côté.

Au Québec, la crise du logement occupe au moins sept champs du cube : les résidences pour personnes âgées, les CHSLD, les habitations abordables et sociales, les condos, les logements à loyer abordable, des logements pour les peuples autochtones et les résidences universitaires. Vous en connaissez probablement d’autres.

Dans une seule catégorie, il n’y a pas de pénurie : les appartements miteux. Finalement, faisons abstraction de la demande de maisons au bord d’un lac et de maisons détachées.

Les immigrants et les réfugiés occupent un morceau de bord, avec un champ pour la crise du logement et un autre pour l’immigration.

Sélection des étudiants

Le pauvre étudiant étranger est content d’avoir obtenu son visa d’étudiant quand il arrive à Rimouski. Or, si ses parents ne lui louent pas un condo à gros prix, comme le font les Américains au centre-ville de Montréal, en ajoutant ainsi à la pénurie de logements pour les familles du quartier, il se rendra compte qu’il est impossible d’y trouver un logis ou même une chambre.

Pourquoi veut-il étudier au Québec ? Plusieurs étudiants étrangers sont choisis par une université québécoise, surtout à la maîtrise ou au doctorat, parce qu’ils ont un excellent dossier académique dans un champ d’études ou une spécialité qui correspond aux projets de recherche de nos professeurs. D’autres simplement parce qu’ils veulent séjourner au Québec durant cette phase de leur vie. Ou encore parce que leur nationalité leur permet de s’y inscrire à peu de frais. Peut-être parce qu’ils maîtrisent la langue française mieux que l’anglais.

Plusieurs étudient ici seulement afin d’obtenir un diplôme québécois et de pouvoir y rester à la fin de leurs études. Or, leur nombre est largement sous-estimé par Statistique Canada1.

Ainsi, notre étudiant fait le coin du cube : aux champs de l’immigration et du logement s’ajoute celui des universités québécoises. Prises à la gorge par un financement limité de leurs opérations, elles se sont tournées vers les étudiants étrangers. Parfois pour attirer les meilleurs étudiants qui contribuent à la recherche. Dans certains cas afin de respecter des ententes avec des universités à l’étranger. La plupart du temps comme source de revenus complémentaire, simplement pour remplir leurs salles de cours.

Cela risque d’affecter la qualité de l’enseignement : par ses antécédents scolaires à l’extérieur du Québec ou dans une autre langue, l’étudiant étranger risque de freiner ses collègues en classe. Je vous témoigne de ma propre histoire d’étudiant provenant des Pays-Bas.

Joute politique

Notons que le côté immigration du cube touche à d’autres champs qui affectent le Québec. Apparemment, le taux de refus des demandes de visa de candidats admis par les universités québécoises est nettement plus élevé que celui des autres provinces2. Comme le Québec privilégie des étudiants francophones et, de ce fait, souvent en provenance de pays africains, l’immigration touche ici aux langues officielles et au racisme.

Le sixième côté du cube est celui de la joute politique, y compris les finances publiques et les relations boiteuses entre les provinces et Ottawa. Il ne promet rien pour une solution efficace à la crise du logement.

À court et à moyen terme, seulement au Québec, il nous manque plusieurs centaines de milliers d’unités de logement, de toutes sortes. Ni Québec ni Ottawa ni les villes ne se sont dotés d’outils efficaces afin de planifier une vague de construction supplémentaire de cette taille et de stimuler les entreprises privées de lancer de nouveaux projets de grande envergure.

Les politiques récentes de taux d’intérêt artificiellement bas, d’appuis aux nouveaux propriétaires et de réduction des taxes de mutation n’ont eu comme effet qu’une hausse du prix de vente des résidences existantes. En témoigne le taux famélique de mises en chantier cette année à Montréal. La construction de logements sociaux, de maisons des aînés et, pourquoi pas, de résidences étudiantes ne sera qu’une goutte d’eau dans cette chaudière qui coule.

Entre-temps, notre étudiant à Rimouski tourne son cube et découvre qu’il n’y a pas de solution magique pour se trouver un logement ce soir.

1. Lisez « Statistique Canada sous-estime le nombre de résidents non permanents, selon un rapport » 2. Lisez « Permis d’études pour étudiants étrangers : la moitié des demandes pour le Québec refusées par Ottawa » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion