Le fédéral refuse 47 % des demandes de permis d’études aux étudiants étrangers sélectionnés par le Québec et acceptés par une université québécoise.

Ce qu’il faut savoir

  • Le fédéral rejette la moitié des demandes de permis d’études déposées par des étudiants étrangers qui veulent venir au Québec, selon une étude de l’Institut du Québec.
  • Le taux de refus est plus élevé pour les demandes déposées par les francophones et les étudiants africains.
  • En 2022, un nouveau résident permanent sur six admis au Québec était d’abord entré comme étudiant.

Cette statistique troublante ressort d’une étude de l’Institut du Québec (IDQ), publiée jeudi.

Le taux de rejet des demandes en provenance du Québec, en hausse depuis dix ans, est nettement plus élevé que dans le reste du Canada.

L’un des principaux motifs invoqués par le fédéral pour justifier ces refus est le risque que l’étudiant étranger ne retourne pas dans son pays après ses études.

« Un non-sens », affirment les auteurs de l’étude, Emna Braham et Daye Diallo, parce que, d’une part, les gouvernements estiment que les étudiants étrangers diplômés sont des candidats de choix pour l’immigration, mais que, d’autre part, les autorités mettent des bâtons dans les roues qui freinent leur inscription et, plus tard, l’obtention de la résidence permanente.

Les demandes en français

Dans les faits, le fédéral refuse davantage les demandes de permis déposées par les francophones et les étudiants africains.

Les taux de refus sont deux fois plus élevés pour les demandes produites en français qu’en anglais.

Ces taux sont aussi plus élevés lorsque les demandes en français proviennent du Québec (55 %) que de l’Ontario (51 %).

Les demandes déposées par des étudiants africains sont aussi beaucoup plus souvent refusées, en particulier celles qui viennent du Québec, un déséquilibre qui a fait l’objet d’un débat à Ottawa en octobre 2022. Immigration, Réfugiés, Citoyenneté Canada (IRCC) a reconnu que les décisions de ses agents pouvaient être « teintées par des préjugés raciaux » et s’est engagé à rectifier le tir.

En 2021, 72 % des demandes effectuées par des étudiants africains au Québec ont été refusées. Le taux de refus était de 52 % en Ontario.

Les exigences pour obtenir un permis d’études varient selon les pays d’origine, note Emna Braham, directrice de l’IDQ. De plus, les dossiers ne sont pas traités par les mêmes instances d’un endroit à l’autre. « On ne peut pas exclure qu’il y ait des cas de discrimination », souligne-t-elle. « Par contre, on voit qu’il y a des incohérences à l’intérieur même des critères de sélection. »

À terme, l’IDQ craint que cette situation « pénalisante » ne réduise l’attractivité du Québec, notamment auprès des étudiants francophones.

Les étudiants anglophones

Malgré ces embûches, le nombre d’étudiants étrangers augmente au Québec, où il a plus que doublé en dix ans.

En 2019, les étudiants étrangers représentaient 15 % des inscriptions dans les universités québécoises, 8 % dans les cégeps et les collèges.

La grande majorité (84 %) des titulaires de permis fréquentent des établissements postsecondaires, mais ils sont de plus en plus nombreux dans le secteur des études primaires, secondaires et de formation professionnelle.

La hausse des étudiants étrangers a été plus marquée entre 2017 et 2021, en raison d’une très forte progression de leur fréquentation dans les collèges privés. L’existence de filières a mené à une croissance de 535 % des permis d’études délivrés à des étudiants de l’Inde.

« Cette tendance, qui devrait s’atténuer avec la mise en place de restrictions réglementaires pour encadrer ces recrutements, a transformé le portrait des détenteurs de permis d’études au Québec, avec davantage d’étudiants dans le réseau anglophone notamment », analyse l’IDQ.

Au niveau universitaire, 43 % des inscriptions sont allées vers le réseau anglophone, une proportion relativement stable.

De longs délais

« L’accroissement du nombre d’étudiants étrangers vient non seulement contrer le déclin d’inscriptions dans les établissements postsecondaires, mais assure aussi la viabilité de l’offre de formation, surtout en région, indique l’IDQ. De façon indirecte, ces inscriptions contribuent également au financement de certains établissements. »

De plus, près de la moitié (44 %) des étudiants étrangers travaillent durant leurs études. Beaucoup viennent pourvoir des postes dans des secteurs aux prises avec des difficultés de recrutement comme la restauration et l’hébergement.

Les étudiants étrangers sont aussi de plus en plus nombreux à s’installer ici après leurs études. En effet, un nouveau résident permanent sur six, admis en 2022, était d’abord entré au pays comme étudiant.

Toutefois, l’accès à la résidence permanente pour un diplômé d’un établissement québécois est plus long que dans les autres provinces.

D’une part, les étudiants étrangers diplômés doivent avoir travaillé de 12 à 18 mois au Québec, avant de pouvoir être sélectionnés dans le cadre du Programme de l’expérience québécoise (PEQ).

D’autre part, les délais de traitement des dossiers par IRCC sont plus longs pour les demandes de résidence permanente en provenance du Québec (21 mois) que celles des autres provinces. Les étudiants étrangers qui ont fait leurs études ailleurs au Canada peuvent obtenir leur résidence permanente en quatre mois dans le cadre du programme Entrée express.

Une série de recommandations

L’IDQ recommande au gouvernement de revoir à la hausse ses seuils d’immigration pour tenir compte de l’augmentation du nombre d’étudiants étrangers qui constitueront des candidats de choix à l’immigration. Il estime que le Québec devrait aussi se doter d’un programme d’accès rapide à la résidence permanente pour les diplômés étrangers, qui soit « compétitif par rapport aux autres provinces ». En outre, l’Institut suggère d’éliminer l’exigence de l’expérience de travail post-diplôme pour les étudiants étrangers.

En savoir plus
  • 25 %
    Proportion des étudiants étrangers admis au Québec qui vont en région
    Source : Immigration, Réfugiés, Citoyenneté Canada