En pleine rentrée scolaire, une crise tout aussi complexe et aiguë que la pénurie de personnel dans les écoles se dessine : les jeunes ne sont toujours pas en sécurité dans leur milieu scolaire.

Alors que la sordide histoire de l’ex-entraîneur Danny Vincent est réapparue dans l’espace public, nous apprenons dans un énième rapport commandé par Québec que les jeunes peuvent côtoyer des agresseurs au quotidien sans qu’une vérification de leurs antécédents judiciaires ne soit effectuée lorsqu’ils ne sont pas membres d’une fédération sportive.

Lisez l’article « Crimes sexuels dans le sport scolaire : la ministre Charest veut s’attaquer aux “brèches dans le système” »

En réponse, la ministre responsable du Sport, Isabelle Charest, a annoncé son intention de déposer un projet de loi pour donner plus de pouvoir et de capacité à l’officier des plaintes pour revoir la sécurité dans le sport.

Or, avant d’être des athlètes, ces jeunes sont des élèves. La problématique des violences sexuelles et les problèmes liés aux mécanismes administratifs ainsi que législatifs actuels dans ce type de situation ne s’appliquent pas que dans un contexte sportif.

Rien ne permet d’expliquer pourquoi on offrirait plus de balises de sécurité pour les étudiants-athlètes alors que le problème est généralisé à l’ensemble du réseau scolaire. D’autant que cela complexifierait le processus de plainte et sa lourdeur pour les jeunes. Comme l’a démontré l’enquête générale déclenchée par son collègue à l’Éducation, Bernard Drainville, et présentée hier, la clause d’amnistie peut permettre à n’importe quel membre du personnel scolaire de voir son dossier disciplinaire « effacé » après une situation de violence sexuelle. Le « Rapport d’enquête de portée générale sur la gestion administrative des inconduites sexuelles et des comportements inadéquats » démontre sans ambiguïté que les centres de services scolaires et les directions d’école ont souvent failli et faillissent toujours à leur devoir d’assurer la sécurité des jeunes.

L’urgence d’agir

Les conclusions de ces rapports ne sont pas une surprise pour nous, elles correspondent à plusieurs failles que notre Collectif met en lumière depuis plus de six ans déjà. Coachs affiliés ou non, professeurs titulaires de brevet d’enseignement ou pas : l’actualité des derniers mois a démontré qu’avec ou sans antécédents judiciaires, les écoles sont de véritables passoires pour les agresseurs sexuels. Sans oublier que les agressions sexuelles constituent un large spectre et qu’elles sont aussi perpétrées par d’autres mineurs. On peut penser notamment à des contacts sexuels non sollicités, à de la distribution d’images intimes ou de pornographie juvénile, incitation à un contact sexuel, inceste, leurre et voyeurisme. Qu’elles aient été judiciarisées ou non, ces violences sont trop souvent ignorées ou banalisées.

L’état actuel du droit permet aux équipes-écoles, aux directions et aux centres de services scolaires de ne pas respecter les lois québécoises en matière de protection de la jeunesse, et ce, sans conséquence. Dans ce contexte, personne ne peut les rappeler à l’ordre, ni un ou une juge, ni le ministre de l’Éducation.

Jusqu’à maintenant, la réponse du gouvernement a toujours été de multiplier les enquêtes, les propositions ou les mécanismes inadaptés qui se dédoublent au devoir de dénoncer aux services de police et à la DPJ. Reléguer les jeunes à une telle bureaucratie les expose inutilement à vivre différentes formes de revictimisation en plus d’alourdir leurs démarches, voire de nuire à une enquête potentielle. C’est parfois à se demander si la gestion administrative et la reddition de compte qui en découle sont plus importantes que le bien-être et les droits des jeunes à être protégés.

Leadership et humilité ne sont pas incompatibles

À l’heure actuelle, l’absence de loi entièrement dédiée à la question relègue le protecteur de l’élève et l’officier des plaintes à des rôles de façade. Ils n’agissent pas en sensibilisation ni en prévention et ils n’ajoutent aucune ressource nouvelle de soutien et d’accompagnement pour les élèves, les témoins ainsi que leurs parents. Le protecteur de l’élève et l’officier des plaintes n’ont pas le pouvoir de veiller à ce que les agresseurs cessent leurs comportements violents et ne possèdent pas l’expertise pour offrir guérison et réparation aux victimes.

M. Drainville mentionne être « extrêmement préoccupé ». Cela fait plus de six ans que nous sonnons l’alarme. Nos voix, celles des victimes et les inquiétudes de leurs proches ont jusqu’ici été ignorées. Au lieu de diviser ou d’intervenir en « silos », la solution doit passer par une loi-cadre, qui va s’assurer d’une équité de traitement et d’agir en prévention des violences sexuelles. Il est grand temps que la ministre responsable du Sport et celui de l’Éducation travaillent ensemble, avec les acteurs du terrain, tous les partis de l’opposition, les jeunes et leurs familles qui ont courageusement partagé leurs expériences. Il faut cesser d’improviser et viser un véritable changement de culture.

C’est d’ailleurs un point qui a été relevé dans l’enquête à plusieurs reprises. Il est même écrit dans le rapport du Ministère que pour « prévenir en amont, les directives devraient être encadrées par une politique comme celle découlant de la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur qui oblige les établissements à instaurer des mesures de sécurité ». M. Drainville, ministre de l’Éducation, nous sommes prêtes à collaborer. Rédigez une loi-cadre uniquement dédiée à la question des violences sexuelles dans les écoles, on le doit aux prochaines générations. #MetooScolaire

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion