Il y a quelques jours, la Ville de Blainville a résilié l’entente qu’elle avait conclue avec la firme Stablex, entente en vertu de laquelle l’entreprise aurait acquis un terrain industriel dans le but d’étendre ses activités de traitement et d’enfouissement de déchets dangereux.

« Au vu et au su des informations exposées lors de la procédure environnementale, il est aujourd’hui clair que ce projet unique pose des risques à divers niveaux et qu’il n’existe pas d’acceptabilité sociale pour le projet tel que présenté et soutenu », a expliqué la Ville dans un communiqué.

Dans le centre du Québec, des projets de parcs éoliens mobilisent une forte opposition. Dans différentes villes de la province, des projets d’habitation permettant la densification du milieu urbain suscitent aussi la grogne. Autant d’indications que, pour les promoteurs de projets, l’acceptabilité sociale est à la fois plus essentielle et plus difficile à obtenir que jamais.

Le cas de Stablex est intéressant. Lorsqu’elle s’est installée à Blainville au début des années 1980, l’entreprise avait fait face à une vive opposition. Les audiences du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) – j’y étais – avaient été pénibles pour les dirigeants de l’entreprise, souvent incapables de répondre de manière convaincante aux questions et craintes des citoyens.

Stablex semble avoir appris de ses erreurs de l’époque. Le projet d’agrandissement qui vient d’être rejeté – la cellule numéro 6 – était en préparation depuis plusieurs années. L’entreprise a multiplié les journées portes ouvertes et les consultations avec les citoyens, la Ville et autres parties prenantes. Justement pour rassurer les citoyens, la cellule planifiée a été éloignée à plus d’un kilomètre des résidences, plutôt que les 300 mètres prévus à l’origine. Rien à faire : la mairesse Liza Poulin a conclu qu’elle devait se rendre au verdict négatif de ses citoyens.

Aucun projet d’envergure ne peut échapper aujourd’hui à l’exigence d’acceptabilité sociale. Qui aurait cru que des projets éoliens pourraient provoquer de telles levées de boucliers ? Cette source d’énergie propre est maintenant dénoncée en raison de son impact visuel sur le paysage, du bruit et de la mortalité des chauves-souris. Surtout, dans le cas du plus récent appel d’offres lancé par Hydro-Québec, les délais serrés pour la présentation de soumissions – moins de six mois – alimentent la colère. C’est ainsi que la MRC de Nicolet-Yamaska a décidé de passer son tour. À Salaberry-de-Valleyfield, le promoteur Hydromega a récemment annoncé sa décision de « marquer une pause pour […] définir une réelle acceptabilité sociale pour le projet ».

Il n’y a pas de recette miracle pour décrocher l’acceptabilité sociale pour un projet. Il existe une foule de livres et autres guides à ce sujet dont la plupart des promoteurs, avec l’aide d’agences spécialisées, s’efforcent de suivre la lettre, sinon l’esprit.

Pour bien comprendre ce qui s’est passé dans les dossiers mentionnés ici, il faudrait avoir les deux pieds dans les communautés concernées, ce qui n’est pas mon cas. Cela dit, il se trouve quelques ingrédients essentiels, selon mon expérience d’observateur attentif de ces questions.

D’abord et avant tout, l’authenticité de la démarche d’engagement avec le milieu. Il ne suffit pas de cocher des cases – recherche, identification des parties prenantes, consultations, portes ouvertes, BAPE… Idéalement, la recherche de l’acceptabilité sociale doit être intégrée dès la conception même du projet. C’est logique, puisque la réalisation du projet dépend d’elle autant que des considérations financières et techniques.

La démarche de recherche et de consultation des parties prenantes doit donc commencer très tôt. Et elle doit être marquée par un esprit réel de partenariat avec la population. Comme le souligne l’excellent Guide des bonnes pratiques pour favoriser des projets socialement acceptables, produit par le Conseil patronal de l’environnement du Québec, « le promoteur qui adopte véritablement une ouverture d’esprit face aux préoccupations du milieu envisagera la possibilité de modifier son projet, de le déplacer ou encore de l’abandonner ».

Voir les citoyens comme des partenaires plutôt que comme des cibles passives ou, pire, des adversaires est exigeant, mais nécessaire.

Les Québécois d’aujourd’hui ne veulent pas seulement être consultés, ils veulent avoir leur mot à dire s’ils sont pour accepter un projet qui aura, ou risque d’avoir, un impact sur leur qualité de vie.

Le temps joue ici un rôle important. Un partenariat repose sur la confiance. Or, cette confiance ne peut pas s’établir en quelques semaines, surtout lorsqu’un projet suscite des inquiétudes dès le départ.

L’authenticité, c’est aussi être sincèrement à l’écoute des préoccupations des parties prenantes. Il s’agit là d’un exercice difficile, surtout lorsque le promoteur et ses experts jugent, du haut de leurs connaissances scientifiques, que ces préoccupations ne sont pas fondées. Il n’y a pas de doute que les citoyens se font parfois des peurs. Mais il arrive qu’ils aient raison, ou à tout le moins que leurs questions soient des plus pertinentes. Lorsque l’entreprise les prend sérieusement en compte, cela permet parfois d’améliorer significativement le projet et, qui sait, d’obtenir l’aval de la population.

Certains me trouveront bien naïf de croire qu’une démarche de bonne foi puisse produire les résultats espérés. C’est pourtant la seule façon de faire. Bien sûr, il faut faire face au syndrome « pas dans ma cour » et au militantisme parfois excessif des groupes écologistes. Mais on ne vaincra pas ces sources de résistance en tentant de cacher ou d’embellir des informations. Les citoyens ne sont pas dupes, et toute tentative en ce sens provoquera la colère des gens, y compris parmi ceux qui auraient été ouverts au projet initial. Il vaut donc mieux jouer franc-jeu tout au long du processus. En matière d’acceptabilité sociale, le résultat n’est jamais garanti, mais l’authenticité est la meilleure stratégie.

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