L’été est une période tant attendue. Mais cette saison marque un changement important.

Même si nous sommes conscients de la crise climatique, jamais ses effets n’auront autant affecté notre quotidien que lors des derniers mois. Alors que plus de 1 million d’hectares de forêts ont brûlé au Québec et plus de 10 millions dans tout le Canada⁠1, nous avons vécu des périodes de pollution atmosphérique grave, qui augmentent la mortalité, empêchent nos enfants de jouer à l’extérieur et les adultes d’accomplir leurs tâches quotidiennes en toute sécurité.

Nous avons aussi connu des vagues de chaleur avec des températures extrêmes et nous avons vu l’Europe, les États-Unis et le reste du monde souffrir d’épisodes prolongés de chaleur extrême que nous n’avions jamais connus auparavant. Juillet 2023 est le mois le plus chaud depuis au moins 120 000 ans !

En tant que scientifiques et professionnelles et professionnels de la santé, il est de notre devoir de sonner l’alarme. Nous sommes préoccupés par les effets de la crise climatique sur la santé de nos enfants, de la population et des nombreuses espèces vivantes auxquelles nous sommes connectés et dont nous sommes dépendants.

Les meilleurs climatiseurs et filtres à air…

Dans un tel contexte, les forêts urbaines figurent parmi les solutions les plus intéressantes pour s’adapter à ces changements extrêmes. Elles ont de multiples avantages dont celui, majeur, de procurer un rafraîchissement particulièrement important en période de canicule alors que les risques sur la santé sont les plus élevés.

Le développement urbain est toutefois associé à une diminution des zones boisées et une augmentation des surfaces minéralisées qui emmagasinent la chaleur.

Plusieurs études montrent que les températures des îlots de chaleur créés dans les villes peuvent être considérablement plus élevées que celles des zones boisées environnantes⁠2. Le gouvernement du Québec a cartographié les îlots de chaleur les plus importants. Ceux-ci se retrouvent dans les centres-villes, les immenses stationnements des centres commerciaux, le long des autoroutes, et dans les quartiers les plus défavorisés, où vivent les personnes les plus à risque de développer des problèmes de santé liés à l’exposition environnementale.

Il est donc crucial d’agir sur ce front puisque les vagues de chaleur affectent notre santé à toutes et à tous. Les preuves sont accablantes. La vague de chaleur de 2021 en Colombie-Britannique a causé 660 décès en une semaine et on estime que cette province connaîtra 1370 décès chaque année à cause de la chaleur extrême d’ici 2030⁠3. Les vagues de chaleur contribuent directement à l’augmentation des hospitalisations des enfants pour des maladies respiratoires, y compris l’asthme, et augmentent la mortalité et la morbidité cardiaque et respiratoire chez les adultes. On estime également que le risque de décès augmente de 1 à 3 % lorsque la température augmente d’un degré⁠4. En 2010, une augmentation de la mortalité de 33 % en raison des vagues de chaleur au Québec et une augmentation marquée des hospitalisations et des visites aux urgences ont été constatés⁠5.

En plus d’être des climatiseurs naturels, les forêts urbaines sont également des filtres antipollution. Leur rôle pour améliorer la qualité de l’air est connu, même s’il reste beaucoup à faire pour en comprendre les mécanismes et le quantifier. Les feuilles des arbres absorbent les polluants gazeux et interceptent les particules – la principale source de pollution de l’air⁠6.

… qui sauvent des vies !

On ne peut se passer de cette solution, car si les vagues de chaleur constituent un enjeu, il en est de même de la pollution de l’air, principalement due aux particules fines de plus en plus présentes dans l’air que l’on respire. Cela provoque déjà 15 300 décès prématurés chaque année au Canada et 4000 décès prématurés au Quebec⁠7. Cette mortalité et cette morbidité seront considérablement aggravées par les particules qui résultent des incendies de forêt et des vagues de chaleur extrême.

Les arbres peuvent grandement aider à réduire ces causes de décès⁠8, comme on a malheureusement pu le démontrer après la perte massive des arbres là où l’agrile du frêne a commencé ses ravages⁠9. L’effet des arbres et de la forêt urbaine va même bien au-delà, y compris sur la santé mentale, le bien-être et la cohésion sociale⁠10.

Il est nécessaire de redoubler nos efforts à Montréal

Montréal, en collaboration avec les partenaires de la société civile, investit déjà des énergies et des sommes importantes pour augmenter la place des arbres dans la ville. Elle a réussi l’exploit notable de ne pas en perdre malgré la crise majeure de l’agrile du frêne. Ses effectifs en personnel consacré à la forêt urbaine ainsi que ses budgets ont fortement augmenté au cours des dernières années ; on ne peut que s’en réjouir. Mais il faut être encore plus ambitieux et mettre les bouchées doubles face aux changements globaux, qui n’affectent d’ailleurs pas uniquement la population, mais les arbres aussi ! Il faut recréer des forêts résilientes, et saisir chaque occasion de redonner de l’espace à la nature, essentielle à notre survie.

Et lorsque l’on pense à la forêt en ville, le mont Royal est un incontournable. Dans la continuité des annonces lors de la COP15, Montréal a une belle occasion d’aller encore plus loin dans ses actions de protection de la montagne en augmentant les surfaces végétalisées et en renforçant la résilience de la forêt, en collaboration avec l’ensemble des partenaires institutionnels et de la société civile.

Nous n’attendons ni plus ni moins que des gestes forts qui constitueront un legs pour les générations futures et mettront la métropole au premier plan des villes vertes du monde. Il en va de notre santé et de celle de nos écosystèmes.

1. Lisez « How Canada’s Record Wildfires Got So Bad, So Fast (en anglais, avec abonnement) 2. Lisez « Mesures de lutte contre les îlots de chaleur urbains » 3. Lisez « Extreme Heat and Human Mortality : A Review of Heat-Related Deaths in B. C. in Summer 2021 » (en anglais)

4. « Heat-related mortality : a review and exploration of heterogeneity », Hajat, S., & Kosatky, T., Demiol Community Health, 2010

5. Consultez Vague de chaleur – été 2018 à Montréal

6. « Les espaces verts urbains et la santé », Institut national de santé publique du Québec, Vida, S., 2011

7. Consultez « Les impacts sur la santé de la pollution de l’air au Canada : Estimation de la morbidité et des décès prématurés – rapport 2021 »

8. « Verdir les villes pour la santé de la population », INSPQ, mars 2017

9. « The Relationship Between Trees and Human Health : Evidence from the Spread of the Emerald Ash Borer », Donovan GH, Butry DT, Michael YL, Prestemon JP, Liebhold AM, Gatzilois D, Mao MY, American Journal of Preventive Medicine, 2013

10. « Health benefits of green spaces in the living environment : A systematic review of epidemiological studies », van den Berg M, Wendel-Vos W, van Poppel M, Kemper H, van Mechelen W, Maas J., Urban Forestry & Urban Greening, 2015

* Cosignataires : Tanya Handa, professeure, Université du Québec à Montréal ; Philippe Gachon, professeur, Université du Québec à Montréal ; Alain Paquette, professeur, Université du Québec à Montréal ; Bernard Paquito, professeur agrégé, Université du Québec à Montréal ; Thi Thanh Hiên Pham, professeure agrégée, Université du Québec à Montréal ; Carly Ziter, professeure adjointe de biologie, Université Concordia ; Maxime Fortin Faubert, chercheur postdoctoral, Fondation David Suzuki ; Lyndia Dernis, médecin, membre de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME) et CAPE ; Patricia Clermont, coordonnatrice, AQME ; Linda Marie Ofiara, MD FRCPC, pneumologue, Centre universitaire de santé McGill ; DBryan Ross, clinicien-chercheur, pneumologue, professeur adjoint, RI-MUHC, MUHC, Université McGill ; Kevin Schwartzman, pneumologue, professeur titulaire de médecine, Université McGill ; Vincent Généreux, médecin (anesthésiologiste), hôpital Pierre-Boucher ; Nathalie Robitaille, directrice générale, synergie santé environnement ; Dominique Gravel, professeur titulaire, Université de Sherbrooke ; Claudel Pétrin-Desrosiers, médecin, présidente de l’AQME ; Deborah Assayag, professeure adjointe, Université McGill ; Ilan Azuelos, pneumologue, Université McGill ; Barry Rabinovitch, Doctor, MUHC ; Pierre Ernst, professeur titulaire et pneumologue, Université McGill ; Andrew Gonzalez, professeur, chercheur, Université McGill ; Marcel Baltzan, spécialiste des maladies respiratoires, Centre hospitalier de St. Mary ; Carmela Pepe, pneumologue, Hôpital général juif ; Sylvia Wood, directrice de science et recherche, Habitat ; Sushmita, Pamidi, médecin, pneumologue, McGill (CUSM) ; Jérôme Dupras, professeur titulaire, Université du Québec en Outaouais ; Janie Houle, professeure titulaire, Université du Québec à Montréal ; Isabelle Laforest-Lapointe, professeure adjointe, Université de Sherbrooke ; Marco Festa-Bianchet, directeur, département de biologie, Université de Sherbrooke ; Salman Qureshi, médecin, pneumologue, Centre Universitaire de santé McGill ; Marc Bélisle, professeur titulaire, Université de Sherbrooke ; Catherine Potvin, professeure, Université McGill ; Matthew Barbour, professeur adjoint, Université de Sherbrooke

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