Dans le milieu horticole, on n’hésite pas à parler d’un « buzz vert ». Le phénomène de « microforêt » ne cesse de prendre de l’ampleur sur la planète. Au Québec, plusieurs villes ont multiplié les initiatives, cet été, en plantant des arbres et arbustes sur de petites superficies.

Mais est-ce que ces microforêts urbaines ont vraiment un impact environnemental ? Ou servent-elles juste à se donner bonne conscience ?

Dans le quartier Saint-Roch, à Québec, une cour bétonnée de 500 m⁠2 est en pleine cure verte. Les dalles de béton sont enlevées, le sol est décontaminé, 90 arbres et arbustes sont plantés. En ce moment, ça ne ressemble pas à grand-chose. Mais ça pousse. L’idée est de transformer la cour arrière de l’Université TÉLUQ en « Jardin du Savoir », explique l’établissement.

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Arbres et arbustes fruitiers pour attirer oiseaux et insectes polinisateurs au parc du Pélican, dans Rosemont

Au bout du fil, l’un des maîtres d’œuvre du projet, Francis Lepage, explique que l’intention est de lutter contre les îlots de chaleur et d’aménager quelque chose de vivant pour les résidants, travailleurs et passants. Afin d’y parvenir, l’université a reçu une subvention de 18 000 $ de la Ville de Québec.

Juste en face, il y a un très beau parc. On a un groupe de travail en développement durable à l’université. On s’est dit que ça allait ajouter au quartier historiquement ouvrier, le rendre plus attrayant.

Francis Lepage, maître d’œuvre du « Jardin du Savoir »

À l’opposé du bonzaï solitaire, la microforêt consiste à planter un grand nombre d’espèces indigènes, très serrées les unes contre les autres, dans un petit espace de 100 à 3000 m⁠2. Le tout avec l’objectif de ne pas avoir à l’entretenir ou à l’arroser. On appelle ça la « méthode Miyawaki », du nom d’un botaniste japonais dont le concept a fait le tour du monde.

À Montréal, l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie en a été l’instigateur, avec quatre miniforêts à son actif. Ce qui était auparavant un terrain gazonné a changé d’allure dans une partie du parc du Pélican, adossée au boulevard Saint-Joseph Est.

Audrey Boulanger-Messier est ingénieure forestière. À cet endroit d’à peine 200 mètres carrés, elle explique que 600 arbres de 30 à 60 centimètres de haut, dont des érables, des chênes, et une trentaine d’arbustes fruitiers ont été plantés il y a deux ans. Le tout par des bénévoles, donc à faible coût.

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Audrey Boulanger-Messier, ingénieure forestière

« On a devant nous un petit air climatisé urbain. Regardez-moi ça, aujourd’hui, lance-t-elle avec fierté, en pointant la cime des arbres. Certains doivent avoir atteint au moins quatre mètres de haut. Je suis étonnée de constater la rapidité avec laquelle la microforêt a poussé. On voit que le concept fonctionne, les arbres rivalisent entre eux pour avoir de la lumière. »

Pas une panacée

Alain Paquette est professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il arrive à poser un regard critique sur le phénomène, même si sa chaire de recherche est largement financée par la Ville de Montréal. L’expert résume sa pensée en expliquant qu’on ne peut pas être contre la vertu, que ce n’est jamais mauvais de planter un arbre, mais qu’une microforêt est loin d’être la panacée.

Selon lui, il ne faut pas les planter partout. À Montréal, par exemple, il explique que les quartiers plus industriels devraient être favorisés. Notamment certains secteurs de l’est de Montréal où la qualité de l’air est généralement moins bonne.

« À Bordeaux, en France, l’administration a décidé de ne pas en implanter davantage à la lumière des résultats. D’abord, il est absurde de penser que les plantations vont survivre après 12 ans. La moitié des arbres seront morts, et c’est naturel. Cependant, il y a du positif dans le fait que les gens s’intéressent aux forêts urbaines. Il y a un apport pour l’éducation et l’accès à des espaces verts. »

Sur le territoire métropolitain, une dizaine de miniforêts ont été plantées dans les arrondissements Le Plateau-Mont-Royal, de Rosemont–La Petite-Patrie, d’Outremont et de Verdun. Neuf autres projets sont en développement, notamment dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, Montréal-Nord et Pierrefonds-Roxboro.

PHOTO FOURNIE PAR L’ARRONDISSEMENT D’OUTREMONT

Projet de microforêt dans le parc Beaubien à Outremont

Dans Outremont, le maire Laurent Desbois est particulièrement fier de trois projets, dont un dans le parc Beaubien, comptant 805 arbres et 95 arbustes, entre l’avenue McEachran et le chemin de la Côte-Sainte-Catherine. Il rappelle que l’argent pour les microforêts provient du budget participatif de la ville-centre, donc un budget approuvé par les citoyens.

« Nous n’aurions pas pu utiliser cet argent pour régler notre problème de circulation de transit, précise-t-il. Ça permet de planter des arbres à des endroits difficiles d’accès. Nos citoyens trouvent ça beau. »

On voit des avantages au niveau de la biodiversité, de la canopée et de la capture du dioxyde de carbone (CO2). On pourra tracer un bilan dans quelques années.

Laurent Desbois, maire d’Outremont

Inspectrice en horticulture et arboriculture dans Outremont, Stéphanie Paradis ajoute que les microforêts ne vont pas régler le problème des îlots de chaleur à elles seules. Il faut penser en termes de quantité. Mais contrairement aux arbres plantés sur rue, ces petites forêts urbaines vont certainement favoriser les oiseaux, les insectes pollinisateurs.

« C’est nouveau, on verra avec le temps. On va les surveiller et s’ajuster. C’est certain que notre climat va entrer en ligne de compte », dit-elle.

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