Électrification, transition industrielle, désinvestissement des énergies fossiles, plantation d’arbres : différentes mesures ont été annoncées mardi au Sommet Climat Montréal.

(Montréal) La centrale thermique qui alimente plus du tiers du centre-ville de Montréal en chauffage, en eau chaude et en climatisation sera électrifiée, une initiative « louable », mais qui fait « diversion » face aux défis plus grands qui s’imposent, estiment des organisations écologistes.

Québec accorde une subvention de 10 millions de dollars à Énergir chaleur et climatisation urbaines (ECCU), qui exploite la centrale thermique située à la sortie de l’autoroute Bonaventure, pour ce projet de décarbonation de 24 millions.

« On aide Énergir à nous aider à atteindre nos objectifs » de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), a déclaré le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs Benoit Charette, mardi, en faisant cette annonce à l’ouverture du Sommet Climat Montréal.

Énergir remplacera une « immense chaudière au gaz » par deux chaudières électriques et augmentera la performance de son système de récupération et de valorisation de la chaleur provenant des cheminées avec des thermopompes, a expliqué sa vice-présidente directrice pour le Québec, Stéphanie Trudeau.

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Stéphanie Trudeau, vice-présidente directrice pour le Québec chez Énergir

L’entreprise installera également de plus petites chaudières au gaz, plus efficaces, qui ne seront utilisées qu’une centaine d’heures par année lors des périodes de pointe de consommation électrique.

« On est très, très convaincus que les bénéfices qui sont associés [au projet] sont aussi importants que les investissements », a déclaré Mme Trudeau.

Le projet, qui devrait être achevé d’ici le début de 2027, permettra de réduire des émissions de gaz à effet de serre de la centrale de près de 10 000 tonnes par année.

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Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette

C’est l’équivalent de décarboner une ville de 35 000 habitants. C’est majeur !

Benoit Charette, ministre de l’Environnement

En service depuis 1976, la centrale thermique alimente de grands édifices du centre-ville comme Place Ville Marie, la gare Centrale et l’École de technologie supérieure, totalisant près de deux millions de mètres carrés, à travers l’un des plus importants réseaux thermiques souterrains au Canada.

Louable, mais décevant, disent les écologistes

L’initiative est « louable », estime le directeur des relations gouvernementales d’Équiterre, Marc-André Viau, qui déplore toutefois que Québec subventionne un distributeur d’énergie fossile.

« On donne de l’argent à une compagnie pour qu’elle fasse la job qu’elle devrait faire elle-même, c’est-à-dire ne pas produire de GES », dit-il, estimant que cet argent serait mieux investi dans la production d’énergies renouvelables ou dans des mesures d’efficacité et de sobriété énergétiques.

« C’est une bonne nouvelle qu’on électrifie, parce que c’est ce qu’on doit faire », croit lui aussi le responsable de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada, Patrick Bonin, mais il estime qu’il s’agit d’une diversion.

C’est une goutte d’eau dans toute la pollution que génère Énergir avec les nouveaux branchements [au réseau gazier] qu’elle pousse et les appareils existants qu’elle renouvelle et qui vont polluer pendant des dizaines d’années.

Patrick Bonin

Québec aurait pu opter pour une réglementation forçant l’électrification de la centrale thermique d’Énergir plutôt que de la payer pour le faire, estime M. Bonin, soulignant que les besoins sont « criants » en matière de transport collectif et d’adaptation aux changements climatiques.

Cette « mesurette » démontre que le gouvernement ne prend pas au sérieux la crise climatique, assène Patrick Bonin, qui reproche au ministre Charette de se présenter au Sommet Climat Montréal en n’ayant « rien ou presque à annoncer, à part un partenariat avec une gazière ».

Troisième Sommet Climat Montréal

Le Sommet Climat Montréal, qui se tient mardi et mercredi dans le Vieux-Port de Montréal, se définit comme le rendez-vous climatique annuel de la collectivité montréalaise. Organisé par le Partenariat Climat Montréal, qui regroupe une centaine d’organisations économiques, communautaires, institutionnelles et philanthropiques voulant contribuer à ce que la métropole devienne carboneutre d’ici 2050, le sommet vise à faire connaître des solutions et à mesurer l’avancement des progrès accomplis. Pour sa troisième année, le sommet propose cette année diverses conférences, dont un échange entre la mairesse de La Nouvelle-Orléans, LaToya Cantrell, et celle de Montréal, Valérie Plante, mercredi.

D’autres annonces

Diversifier l’approvisionnement énergétique de Montréal

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Panneaux solaires sur le toit d’un édifice de Montréal

Les réseaux thermiques urbains comme celui d’Énergir sont un exemple de solutions envisagées par la Ville de Montréal, Hydro-Québec et le gouvernement québécois pour diversifier l’approvisionnement énergétique de la métropole. Ils ont annoncé mardi la création d’un comité stratégique consacré au développement de tels « écosystèmes énergétiques régionaux ». La production et l’utilisation d’énergie en circuit court, à partir de géothermie, de panneaux solaires ou de rejets thermiques, favorisent « un aménagement urbain durable » et représentent une réponse concrète aux défis du changement climatique et de l’urbanisation croissante, indique la Ville, qui envisage d’en mettre en place dans plusieurs secteurs en développement, comme ceux de Lachine-Est ou de Namur-Hippodrome.

Transition juste pour le secteur industriel

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Jean-Denis Charest, PDG de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal, au Sommet Climat, mardi

L’est de Montréal fera l’objet d’un chantier sur la transition industrielle dans le but d’identifier des solutions pour décarboner ce secteur énergivore. Piloté par le Partenariat Climat Montréal et la Chambre de commerce de l’Est de Montréal, ce chantier ambitionne de planifier comment combler autrement les besoins énergétiques de ce bassin industriel et manufacturier dont s’amorce la revitalisation. « Cette approche permettra d’utiliser l’est de Montréal comme laboratoire et d’identifier des initiatives et approches qui pourront éventuellement être appliquées à d’autres territoires industriels », a déclaré Jean-Denis Charest, président-directeur général de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal. Le secteur industriel représente près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre du Québec.

287 000 arbres et arbustes pour l’est de Montréal

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Selon Ottawa chaque dollar investi dans l’adaptation et la préparation aux catastrophes liées au climat peut rapporter entre 13 et 15 dollars de bénéfices.

Quelque 230 000 arbres et 57 000 arbustes seront plantés dans l’est de Montréal pour contrer les îlots de chaleur et améliorer la qualité de l’air dans ce secteur de la métropole, ont annoncé mardi la Ville de Montréal et le gouvernement du Canada, qui investiront respectivement 40 millions de dollars et 27 millions dans le projet. « Ce projet permettra de renforcer les infrastructures naturelles existantes dans ce secteur et d’offrir l’accès à des milieux naturels », a indiqué Ottawa dans un communiqué, soulignant que chaque dollar investi dans l’adaptation et la préparation aux catastrophes liées au climat peut rapporter entre 13 et 15 dollars de bénéfices.

Sortir les caisses de retraite des énergies fossiles

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La mairesse de Montréal, Valérie Plante

La Ville de Montréal entreprend de désinvestir les fonds de retraite de ses employés du secteur des énergies fossiles, en collaboration avec la Caisse commune des régimes de retraite des employés municipaux. La presque totalité de la gestion des placements de la Caisse, valorisés à 10 milliards de dollars, sera rapatriée à Montréal dans le but de favoriser l’économie verte et locale. Seulement 23 % de ces actifs sont gérés localement, actuellement. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de « l’Accélérateur du réseau C40 », une alliance d’une centaine de maires et mairesses de grandes villes du monde vouée à combattre la crise climatique et dont Valérie Plante est la vice-présidente.

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    Nombre de participants et participantes au Sommet Climat Montréal 2024
    Source : Partenariat Climat Montréal