En septembre, ma benjamine entrera à la maternelle, et quittera le centre de la petite enfance que nous avons la chance de fréquenter depuis sept ans.

J’ai eu amplement le temps d’observer les merveilleuses personnes qui se sont occupées de mes trois enfants 45 heures par semaine. Rien que pour cette donnée quantitative, le temps incroyable que ces professionnelles et professionnels passent avec nos enfants, je leur voue une gratitude à la mesure de leur patience : immense.

Qualitativement, leur prise en charge est tout aussi incroyable. Gérer toute la journée un groupe de 8 à 10 enfants neurologiquement inaptes à l’altruisme et à la réflexivité, traversant des phases de développement les poussant de façon incoercible à taper sur des objets ou leurs voisins, j’en serais incapable.

Et elles ne se contentent pas de gérer cette petite troupe, elles l’animent, l’intéressent, la pacifient, l’emmènent prendre le bus pour de lointaines pataugeoires, et lui offrent des ateliers sensoriels à base de peinture à doigts ou de manipulation de farine dont la seule évocation me fait dresser les cheveux sur la tête.

Ces femmes héroïques orchestrent les lavages de mains, distribuent les collations et les repas, essuient des fesses, du vomi, des torrents de morve, se lancent dans d’ambitieux bricolages et policent les petits malfrats qui se rebellent. Elles affrontent des hordes de streptocoques, de virus et de vers intestinaux. Elles veillent à l’hydratation, au crémage et au chapeautage en été. Pansent les plaies et remplissent les rapports d’incident, traquent les poux et les retards de langage. Elles réussissent en hiver là où on échoue lamentablement : à ce que nos tout-petits mettent seuls, et dans l’ordre requis, l’habit de cosmonaute encombrant et mouillé qui nous afflige de novembre à avril.

Malgré cette logistique aliénante, elles trouvent l’énergie et les ressources pour décrypter la psyché complexe de chacun, déterminer ce qui viendrait la nourrir d’une façon optimale, et lui fournir ces précieux nutriments, essentiellement de l’amour et des habiletés sociales. Pour cette maestria, mesdames, je vous respecte infiniment. Vous détenez une expertise rare et scandaleusement sous-estimée.

Ils sont rares, ces lieux qui sont aussi des milieux, qui nous enveloppent et nous portent, silencieusement, sans esbroufe ni demande de réciprocité. Le CPE est un cocon, une extension salutaire de notre cellule familiale.

Qui complète qui ? Je serais bien en peine de le dire. Nous sommes unies, elles et moi, par nos enfants, traits d’union et catalyseurs de nos interactions.

Je dois tellement à ces femmes. Auprès d’elles, mes enfants se sont épanouis. Ils ont appris à côtoyer leurs émotions et à leur donner, parfois, une forme socialement acceptable. Ils ont vécu de petites et de grandes aventures. Ils se sont régalés, ils ont joué frénétiquement, ils ont découvert, ils se sont reposés, ils ont été rassurés, câlinés, acceptés. Ils ont été chicanés, aussi : merci, mesdames, d’avoir assumé ce rôle ingrat, sans jamais en faire tout un plat non plus. Vous êtes mes sœurs, mes meilleures alliées : grâce à vous, j’ai pu jouir du privilège de vivre ma vie professionnelle sans déchirement ni culpabilité, avec sérénité, en sachant que chacun était là où il devait être, et en me rendant plus disponible à mes enfants le soir venu.

Vous m’avez aiguillée et encouragée dans le dur métier de mère. Vous m’avez offert la liberté de sortir de la maternité, d’activer d’autres facettes de ma personnalité, tout aussi essentielles. Vous rendez la fameuse conciliation moins cruelle et frustrante. Vous avez si souvent sauvé ma santé mentale. Vous m’avez donné du temps : il n’y a pas de plus beau cadeau. Merci.

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