Pourquoi les sanctions économiques imposées par plus de 40 États à la Russie, après l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, n’ont-elles pas ralenti la machine de guerre russe ?

La longueur et l’intensité de la guerre en Ukraine dépendent avant tout de la qualité de l’équipement militaire et de l’entraînement des forces armées des deux belligérants. Un autre facteur qu’il faut prendre en considération est la résilience des deux économies en question et leur capacité à financer le conflit à long terme. Pour fragiliser l’économie russe, les alliés de l’Ukraine ont adopté de multiples sanctions tous azimuts.

L’ampleur des sanctions de l’Union européenne (UE) et du groupe d’États connu sous le nom de G7 (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Canada) est sans précédent. En effet, en ce début du mois d’août 2023, ce n’est pas moins de 11 trains de sanctions qui ont été adoptés par les États membres de l’Union européenne depuis le début de la guerre en février 2022. Le onzième et dernier train de sanctions, pour le moment, a été officialisé le 21 juin 2023, soit un an et quatre mois après le début de la guerre. La même unanimité est apparue au Sommet du G7 qui s’est tenu au Japon en mai 2023. Notons que les sanctions de l’UE sont étroitement coordonnées avec les sanctions adoptées par le G7.

Les sanctions de l’Union européenne et du G7 visant le secteur de l’énergie sont un symbole dans tous ces trains de sanctions. L’Union européenne, très dépendante aux hydrocarbures russes, ne s’était jamais auparavant risquée à prendre de telles mesures.

Le fait qu’elle l’ait fait dans le cadre de la guerre en Ukraine est un signal politique fort qu’elle envoie pour montrer son désaccord avec la violation du droit international par la Russie. L’agression de la Russie a violé ouvertement l’article 2 de la Charte des Nations unies, soit « l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’État ukrainien ».

Par ailleurs, au sommet qui s’est tenu au Japon, le G7 a décidé d’imposer aussi des sanctions contre l’exportation russe de diamants. Les diamants russes représentent la troisième source d’exportation de la Russie avec une valeur monétaire estimée entre 5,5 et 6,8 milliards de dollars (3,7 et 4,6 milliards d’euros) par an.

À cela s’ajoute le gel des avoirs et les interdictions de voyager pour certaines personnes et entités. Pour ce faire, un groupe de travail sur les élites, les mandataires et les oligarques russes (REPO) a été créé afin de mettre en place une coordination internationale pour l’imposition de ce type de sanctions. Ce groupe de travail est composé des États du G7 et de l’Australie. Actuellement, les membres du groupe de travail REPO ont gelé 58 milliards de dollars d’actifs russes appartenant à des individus visés par ces sanctions. Le Canada, pour sa part, a gelé les avoirs de 1230 individus et 336 entités. Le REPO a aussi gelé des actifs de la Banque centrale russe et du Fonds de la prospérité nationale qui ne peuvent plus être utilisés par le gouvernement russe pour financer la guerre.

Les États qui refusent d’adopter les sanctions contre la Russie

Il s’agit principalement des États des BRICS entre autres, dont la Russie fait partie (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique de Sud). Une autre organisation intergouvernementale, « l’Organisation de Shanghai pour la coopération », dont la Chine et la Russie font également partie, a aussi adopté la même politique à l’égard de la Russie.

Ces États ne veulent pas sanctionner la Russie, évoquant une équidistance à l’égard des deux belligérants. Ils évoquent aussi, plus discrètement, l’intérêt national pour justifier leur neutralité au détriment du respect de l’ordre légal et moral.

Pour certains États des BRICS, l’intérêt national se confond tout simplement avec l’intérêt matériel. C’est particulièrement visible chez l’Inde et le Pakistan qui ont remplacé le marché de produits pétroliers européens, fermé à la Russie, avec leurs propres achats.

Le contournement des sanctions par la Russie

L’Union européenne (UE) a imposé une série de mesures restrictives depuis le début de la guerre en Ukraine. Cependant, des failles persistent. La Russie arrive à contourner les sanctions grâce à l’aide de pays tiers non alignés sur les mesures restrictives de l’Union européenne. La Russie ne contourne pas seulement les sanctions de l’UE sur les hydrocarbures. Elle cherche aussi à se procurer des biens technologiques qui peuvent servir à produire ou à réparer les équipements militaires. Elle le fait avec l’aide de ses voisins, notamment de la Biélorussie, de l’Arménie, du Kazakhstan et du Kirghizstan, qui font partie, avec la Russie, de l’Union économique eurasiatique.

En analysant l’impact des sanctions imposées à la Russie par le Nord global et leur neutralisation effective par les BRICS, l’Organisation de Shanghai et l’Union économique asiatique (le Sud global), il appert que la guerre en Ukraine sera de longue durée.

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