Plusieurs systèmes de santé dans le monde peinent à stabiliser leur main-d’œuvre. Parmi les contrecoups de la pandémie, il y a eu une vague de départs à la retraite, beaucoup de démissions et de la difficulté à recruter et à retenir les nouveaux employés.

Dans une étude du Journal of the American Medical Association1, des chercheurs ont aussi constaté un haut niveau d’épuisement professionnel parmi les médecins et infirmières. Épuisement que ces derniers associent au taux élevé de roulement du personnel. Les hôpitaux qui se distinguent par une quantité insuffisante d’infirmières, un environnement de travail difficile et une surcharge de travail avaient significativement plus de médecins et d’infirmières présentant des signes d’épuisement professionnel et d’insatisfaction au travail. Des employés qui avaient davantage l’intention de démissionner.

Et pour cause, lorsqu’un employé quitte une équipe, il y a perte d’expertise. Et si cette personne n’est pas remplacée rapidement, l’équipe doit faire plus pour compenser. C’est alors que d’autres abandonnent et que la spirale vers le bas se poursuit.

Nos voisins du Sud ont sonné l’alarme. Le US Surgeon General, qui est un porte-parole important de la santé publique aux États-Unis, a lancé un appel à l’action face à un système de santé arrivé au point de rupture.

La pénurie d’employés est telle que plusieurs responsables d’hôpitaux craignent pour la santé mentale de leurs employés.

Au Royaume-Uni, les leaders du NHS, le système de santé britannique, sont aussi préoccupés par le manque de personnel dans le réseau. Cela a mené au dépôt d’un plan d’action pour solutionner la pénurie de personnel. L’objectif est d’augmenter le nombre d’inscriptions en médecine et de former plus d’infirmières. Le réseau britannique a du mal à reprendre le dessus sur les retards en chirurgie accumulés durant la pandémie.

Le réseau de la santé au Québec n’est pas en reste. Les hôpitaux ont également de la difficulté à réduire les délais en chirurgie. Sans l’apport des centres médicaux spécialisés, on estime que le niveau moyen d’activités chirurgicales des blocs opératoires des hôpitaux est à 83 % de leur capacité. Des établissements de santé parviennent à atteindre les cibles établies, mais d’autres peinent à y arriver en raison de la pénurie de personnel. En Outaouais par exemple, ce taux n’est que de 49 % et à Laval, de 69 %. Ces résultats, en deçà des attentes, font en sorte que des patients plus malades qui ont besoin de se faire opérer à l’hôpital peuvent devoir attendre plus longtemps.

L’importance d’être près des gens

Lors d’un ralentissement économique, de nombreuses organisations sont tentées de réduire le nombre d’employés pour mieux contrôler les dépenses. Et trop souvent, les premiers à passer au couperet sont les gestionnaires intermédiaires puisqu’ils sont associés à la bureaucratie.

Il faut rappeler que le gouvernement Couillard en 2015 a offert un bel exemple en éliminant 1300 postes de cadres sur un total de 6000 pour économiser seulement 220 millions de dollars. Ces coupes ont représenté jusqu’à 25 % des effectifs de gestion. La charge de travail n’a pas diminué, les gestionnaires avaient plus de responsabilités et il y avait un plus grand nombre d’installations à couvrir. De plus, la pandémie a montré que les gestionnaires sur le terrain étaient en quantité insuffisante pour les équipes, qu’ils n’avaient pas assez d’autonomie et de responsabilisation et que la présence insuffisante de gestionnaires intermédiaires a limité la gestion de proximité et éloigné la prise de décision.

Or, dans un texte de la Harvard Business Review⁠1 publié il y a quelques semaines, trois consultants de McKinsey ont voulu remettre les pendules à l’heure. Pour ces derniers, plusieurs dirigeants ont tort.

Les organisations qui ont développé et formé adéquatement leurs gestionnaires intermédiaires sont celles qui s’en sont le mieux tirées durant la pandémie. Les gestionnaires intermédiaires sont positionnés près du terrain, ce qui fait qu’ils sont mieux placés pour guider les organisations en des temps difficiles.

Bien entendu, leur rôle doit être adapté aux nouvelles réalités pour qu’ils ne soient pas perçus comme des bureaucrates et des surveillants, mais plutôt comme des coachs, des gestionnaires de talent, capables de recruter, de former et de retenir les employés.

Avec la pénurie de personnel dans certains milieux et la surcharge de travail qui en résulte, il importe de mieux comprendre les réalités des employés et des équipes sur le terrain, l’impact qu’a eu la pandémie, les raisons qui poussent les gens à partir et la façon d’améliorer la productivité des blocs opératoires.

Le réseau public peut devenir plus productif et moins bureaucratique, mais pour ce faire, les équipes de travail doivent au préalable être bien assemblées. La gestion doit pouvoir offrir à ses employés des salaires compétitifs, une gestion des horaires équitable et des conditions de travail exemplaires. Elle doit aussi être capable d’encadrer les employés qui sous-performent, d’offrir du mentorat et d’accorder des possibilités de carrière. On veut sur le terrain des équipes où les employés sont engagés et aiment leur travail.

Nous sommes dans un monde en perpétuel changement et certaines problématiques continueront d’évoluer dans le temps. La responsabilité des dirigeants est de construire la capacité d’innover dans les organisations. Et pour ce faire, ils doivent être à l’écoute des problèmes vécus sur le terrain afin de développer de meilleures pratiques et de s’adapter à des situations changeantes.

1. Lisez « Physician and Nurse Well-Being and Preferred Interventions to Address Burnout in Hospital Practice » (en anglais) 2. Lisez le texte (en anglais) de la Harvard Business Review Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion