Des intervenants de la DPJ de Lanaudière dénoncent une surcharge de travail liée à un plan pour réduire une liste d’attente « problématique »

Pour diminuer le nombre d’enfants en attente d’une évaluation par la DPJ de Lanaudière jugé « problématique », des intervenants sont désormais contraints de prendre en charge les dossiers de plusieurs enfants supplémentaires.

Ce qu’il faut savoir

  • Au Québec, plus de 4000 enfants sont en attente d’une évaluation de la DPJ.
  • Pour réduire la liste d’attente, un plan de contingence obligeant des intervenants à prendre en charge les dossiers de plusieurs enfants supplémentaires a été mis en place à la DPJ de Lanaudière.
  • Ailleurs dans la province, des appels au volontariat sont réalisés pour solliciter la contribution de professionnels de la santé dans l’évaluation des enfants.

« Après la mise en place du plan de contingence, je suis tombée en arrêt de maladie en lien avec une surcharge au travail. Les intervenants sont épuisés », confie une intervenante à la DPJ de Lanaudière qui a requis l’anonymat par crainte de représailles.

À la fin du mois de juin, la DPJ de Lanaudière a mis en place un plan de contingence, afin de diminuer les listes d’attente. Ce plan inclut l’obligation pour les intervenantes de prendre en charge des dossiers d’enfants supplémentaires.

« Avec le plan de contingence, il faut quasiment accepter de négliger notre propre famille pour les enfants des autres », dit l’intervenante, qui juge que « le réseau n’a jamais autant souffert qu’aujourd’hui ».

C’est plus lourd travailler à la DPJ à cause des demandes de l’établissement que de la clientèle en soi.

Une intervenante anonyme de la DPJ de Lanaudière

En réponse à la demande de La Presse, le CISSS de Lanaudière a admis être préoccupé par la charge des intervenants. « À cet égard, les gestionnaires de la DPJ travaillent en proximité avec les équipes afin que l’organisation du travail soit la plus optimale possible », a indiqué l’agente d’information, Valérie Lambert.

Le CISSS soutient que l’attribution des mandats tient compte « de la capacité individuelle de chaque intervenant et du niveau de complexité de chaque dossier ». « Une analyse rigoureuse de la charge des intervenants est réalisée de manière systématique par l’équipe d’encadrement », a déclaré Mme Lambert.

Perpétuer « un cercle vicieux »

Le MSSS a confirmé avoir envoyé des communications à certains établissements dont la situation quant aux listes d’attente « était jugée problématique » pour la mise en place d’un plan de contingence afin d’améliorer leur bilan.

Selon Steve Garceau, représentant national de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) dans Lanaudière, le plan de contingence « perpétue un cercle vicieux ». « On augmente la charge de travail, la détresse de nos membres augmente, certains partent en congé maladie ou changent d’emploi, on a moins d’intervenants, donc on surcharge ceux qui restent », détaille-t-il.

Il juge qu’il n’y a pas de formule magique qui va résorber à court terme les problèmes en protection de la jeunesse.

Il faut un amalgame de mesures qui vont prendre du temps, comme agir en prévention et donner plus de ressources aux intervenantes, aux organismes communautaires, aux milieux scolaires et dans les centres de la petite enfance pour bien encadrer les enfants.

Steve Garceau, représentant national de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) dans Lanaudière

Deux autres intervenantes ont témoigné à La Presse de l’impact du plan de contingence. « Les intervenants sont fatigués et ils doivent en faire encore plus. Des intervenants pleurent dans leur bureau avant de partir pour la fin de semaine ou les vacances », dit l’une d’entre elles. « On a déjà beaucoup de pression. Depuis janvier, j’ai dix collègues qui sont partis, dont cinq en maladie », renchérit sa collègue.

Des milliers d’enfants en attente

Actuellement, au Québec, plus de 4000 enfants sont en attente d’une évaluation de la DPJ. La moyenne d’attente pour cette évaluation dans la province est d’environ 44 jours, alors que le gouvernement vise un délai de 22 jours.

Plusieurs régions, comme Montréal, la Côte-Nord, l’Outaouais et la Mauricie-et-Centre-du-Québec, font appel au volontariat pour solliciter la contribution d’autres professionnels de la santé dans l’évaluation des enfants.

En Estrie, la situation est particulièrement critique avec le temps d’attente le plus long de la province, s’élevant à 104 jours, selon le tableau de bord du MSSS. Plus de 450 enfants sont actuellement en attente d’évaluation dans la région.

Au printemps, le CIUSSS de l’Estrie-CHUS avait organisé des « activités éclair » d’évaluation avec d’autres professionnels de la santé pour réduire cette liste. Ces activités seront de nouveau organisées à l’automne, indique Nancy Corriveau, de l’équipe des relations médias du CIUSSS.

Par ailleurs, des intervenants en santé mentale doivent désormais prendre en charge les adultes qui ont des enjeux de santé mentale ou de dépendance quand il y a un enfant dans leur environnement immédiat.