Plus les Américains avalent d’huile d’olive, moins ils meurent avec un diagnostic de démence. Même lorsqu’ils s’alimentent mal, bougent peu, fument, souffrent d’hypertension, etc. Une Québécoise a fait ces découvertes étonnantes à l’Université Harvard, grâce à l’observation de plus de 92 000 travailleurs de la santé, pendant près de 30 ans.

Plus de sept grammes par jour

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« L’association est linéaire. Pour chaque cuillerée à thé additionnelle [5 grammes], le risque était 9 % moindre », explique en entrevue la chercheuse Anne-Julie Tessier.

Un fossé sépare les Américains qui avalent davantage d’huile d’olive – soit plus d’une demi-cuillère à soupe par jour – de ceux qui n’en consomment pas ou presque pas. Les premiers sont en effet 28 % moins susceptibles de mourir avec un diagnostic de démence. « L’association est linéaire. Pour chaque cuillerée à thé additionnelle [5 grammes], le risque était 9 % moindre », précise en entrevue Anne-Julie Tessier, diététiste-nutritionniste professionnelle et chercheuse postdoctorale au département de nutrition de l’Université Harvard. Un tiers des personnes âgées meurent déjà de la maladie d’Alzheimer et d’autres formes de démence, et leur nombre augmente, souligne-t-elle : « Consommer plus d’huile d’olive pourrait donc constituer une stratégie potentielle pour améliorer la longévité sans démence. »

Rôle à part

Les résultats de l’étude – publiée le 6 mai, dans le Journal de l’Association médicale américaine (JAMA Network Open) – permettent d’espérer que l’huile d’olive préserve notre cerveau d’une façon spécifique. Grâce à la multitude d’informations recueillies et à la taille impressionnante de leur échantillon, les chercheurs ont pu créer des sous-groupes et mesurer l’influence de plus de 25 facteurs de confusion potentiels⁠1. Contre toute attente, l’huile d’olive semble jouer un rôle à part et offrir une protection qui ne dépend pas des autres habitudes de vie, des maladies, des antécédents familiaux, etc. « L’huile d’olive contient des acides gras, des vitamines et des polyphénols qui pourraient exercer des effets anti-inflammatoires et neuroprotecteurs », expose Mme Tessier, qui est titulaire d’un doctorat en nutrition.

Femmes avantagées

PHOTO FOURNIE PAR ANNE-JULIE TESSIER

Anne-Julie Tessier, docteure en nutrition, chercheuse postdoctorale à l’Université Harvard et diététiste-nutritionniste professionnelle

Avaler plus d’huile d’olive semble encore plus avantageux pour les femmes. « Chez celles qui en consomment le plus, le risque de mourir par démence est constamment moindre d’environ 33 %, peu importent les variables considérées, y compris l’indice de masse corporelle [IMC] », indique Anne-Julie Tessier. Chez les grands adeptes masculins d’huile d’olive, cette probabilité diminue plutôt de 25 %. Considérer l’IMC semble, par ailleurs, faire perdre à ces derniers tout bénéfice significatif. « Les hommes et les femmes n’ont pas exactement les mêmes structures cérébrales ni les mêmes taux d’hormones et ils ne font pas face aux mêmes influences sociales, explique Anne-Julie Tessier. Plusieurs recherches seront requises pour bien comprendre les implications de ces différences. »

Variante génétique

Même les gens qui ont hérité d’une variante génétique les prédisposant à mourir d’une démence paraissent profiter d’une grande consommation d’huile d’olive. Cette variante (appelée APOE ε4) interfère avec le métabolisme des lipides et du glucose, et le cerveau peut en souffrir de nombreuses façons. « Chez les personnes porteuses du gène, utiliser l’huile d’olive semble encore plus fortement lié à une mortalité plus faible et pourrait donc représenter un avantage un peu plus marqué », observe Anne-Julie Tessier. Parmi l’ensemble des participants à l’étude, ceux qui portaient deux copies de ce gène sont morts cinq à neuf fois plus souvent avec un diagnostic de démence.

Mayonnaise et margarine

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Lors de l’étude, la margarine et la mayonnaise contenaient encore des gras trans, très nocifs, ce qui pourrait expliquer pourquoi leur substituer une quantité équivalente d’huile d’olive (cinq grammes par jour) semble avoir réduit de 8 % ou 14 % la probabilité de mourir avec un diagnostic de démence.

Mal se nourrir n’empêche pas les grands consommateurs d’huile d’olive de mourir moins souvent de démence. Mais lorsqu’ils adhèrent aux recommandations alimentaires, leur risque diminue encore plus. Lors de l’étude, la margarine et la mayonnaise contenaient encore des gras trans, très nocifs. Ce qui pourrait expliquer pourquoi leur substituer une quantité équivalente d’huile d’olive (cinq grammes par jour) semble avoir réduit de 8 % ou 14 % la probabilité de mourir avec un diagnostic de démence. Remplacer d’autres huiles végétales ou le beurre n’est pas associé à ce changement. Les chercheurs ignorent quelles huiles d’olive les participants consommaient. Puisque leur teneur en polyphénols et autres composés varie, de futures études pourraient révéler que certains types sont plus bénéfiques que d’autres.

Pas un produit miracle

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Malgré ses bienfaits, l’huile d’olive n’annule pas les ravages de la cigarette, de la sédentarité, etc.

Malgré ses bienfaits, l’huile d’olive n’annule pas les ravages de la cigarette, de la sédentarité, etc. « Je ne crois pas aux super aliments, indique Anne-Julie Tessier. Mais puisqu’elle réduit possiblement le risque de démence fatale, l’utiliser pour la cuisson ou dans des vinaigrettes, au lieu de graisses plus transformées, est une recommandation raisonnable. » Inutile, toutefois, de s’en gaver : « On n’a pas observé de quantité à partir de laquelle le risque se voyait inversé. Par contre, sa consommation reste très faible en Amérique du Nord, alors que dans les régions méditerranéennes, les gens peuvent consommer jusqu’à 3 à 4 cuillères à soupe par jour. Mais il ne faudrait pas en consommer énormément au détriment d’autres aliments sains. »

Consultez l’étude

1. Facteurs considérés : sexe, âge, statut socioéconomique, régime alimentaire, apport énergétique, poids, indice de masse corporelle, activité physique, tabagisme, consommation d’alcool, prise de vitamines, antécédents personnels de diabète de type 2, d’hypertension et d’hypercholestérolémie, antécédents familiaux de démence et de dépression, ascendance d’Europe du Sud, statut matrimonial, statut hormonal, prise d’hormones, gènes, consommation de viande rouge, de fruits et légumes, de noix, de soda, de céréales complètes, de gras trans.

En savoir plus
  • 92 383
    Nombre de participants à l’étude ; deux tiers étaient des femmes de la Nurses’Health Study et un tiers des hommes de la Health Professionals Follow-Up Study
    Source : JAMA Network Open
    4751
    Nombre de participants morts avec un diagnostic de démence au cours des 28 ans de suivi
    Source : JAMA Network Open