Vendredi dernier, l’Association des producteurs maraîchers du Québec réclamait1 une aide financière d’urgence au gouvernement québécois en raison des perturbations météorologiques exceptionnelles de cet été. Selon La Financière agricole, le nombre d’avis de dommages de la part d’entreprises agricoles a augmenté de 40 % cette saison comparativement à la moyenne de la dernière décennie, phénomène que plusieurs attribuent aux changements climatiques.

Bien que le gouvernement québécois n’ait encore annoncé aucune aide, ce ne serait pas la première fois que l’État délierait les cordons de sa bourse pour indemniser les victimes d’événements climatiques extraordinaires. En juin dernier, le gouvernement du Québec annonçait une indemnité de 1500 $ pour chaque résidence évacuée en raison des incendies de forêt2, et en mai dernier, à la suite des inondations à Baie-Saint-Paul, Québec indiquait que 138 municipalités et leurs résidants seraient admissibles au Programme général d’assistance financière lors de sinistres.3

C’est sans compter les demandes d’indemnisation effectuées auprès de compagnies d’assurance privées : selon le Bureau d’assurance du Canada, les phénomènes météorologiques extrêmes ont causé des dommages assurés de 2,4 milliards de dollars au pays en 2021.

Les demandes d’indemnisation liées aux phénomènes météorologiques extrêmes risquent de se multiplier au cours des prochaines années. Selon l’Institut climatique du Canada, les dommages causés aux maisons et aux immeubles par des inondations pourraient augmenter de plus de 13 milliards de dollars annuellement d’ici la fin du siècle.

Ces sinistres auront un coût, qu’il soit assumé par l’État (et ses citoyens) ou les compagnies d’assurance privées (et leur clientèle). D’ailleurs, le niveau de risque climatique est tel que certaines compagnies d’assurance privées ont déjà commencé à se retirer de certaines régions des États-Unis en raison de l’augmentation du nombre de catastrophes résultant des changements climatiques.

Cela soulève des questions quant à la responsabilité pour les dommages causés par le réchauffement planétaire. Qui doit payer pour l’indemnisation des victimes des sinistres climatiques ?

Le recours aux tribunaux

L’accumulation des GES dans l’atmosphère est comme un bain qui se remplit plus rapidement qu’il ne se vide, la combustion massive de carburants fossiles excédant la capacité de la nature à absorber le carbone atmosphérique.

Lorsque le bain est plein (et c’est ce que nous commençons à observer), l’eau continue de déborder tant qu’on ne ferme pas le robinet complètement, d’où l’importance de réduire les émissions de GES mondiales au plus vite.

Mais qui a rempli le bain pendant si longtemps ?

En 2014, une étude réussissait pour la première fois à retracer quelles entreprises étaient responsables de la majeure partie des GES émis dans l’atmosphère depuis le début de l’ère industrielle.4 Sans surprise, il s’agit principalement d’entreprises pétrolières et gazières, le palmarès étant dominé par Chevron, ExxonMobil et BP.

Certaines victimes de dommages climatiques ont décidé de s’appuyer sur ces résultats afin d’obtenir compensation. Par exemple, Luciano Lliuya, un citoyen péruvien, mène présentement une poursuite contre l’entreprise énergétique allemande RWE, responsable d’environ 0,47 % des émissions de GES mondiales entre 1751 et 2010. Selon Lliuya, les GES émis par RWE ont contribué à la fonte de glaciers entourant la ville où il réside, la mettant à risque d’inondations. Lliuya réclame donc que RWE paie 0,47 % des coûts nécessaires pour protéger sa ville contre ces conséquences.

Ce dossier est loin d’être le seul : depuis 2017, près de 1300 affaires judiciaires liées au climat ont été entamées mondialement5, et les procès climatiques sont appelés à se multiplier au cours des prochaines années.

D’ailleurs, des progrès scientifiques récents permettent de plus facilement démontrer le lien causal entre la concentration de GES dans l’atmosphère et les phénomènes environnementaux exceptionnels, facilitant les poursuites pour dommages climatiques.

Jusqu’à présent, il y a eu peu de demandes d’indemnisation privées en lien avec les émissions historiques de GES au Québec. Cependant, avec l’accélération des phénomènes climatiques extrêmes des derniers mois, cela pourrait ne pas tarder. Que ce soit sous forme de taxes ou de poursuites, quelqu’un devra assumer la facture de la dette climatique.

1. Lisez l’article « Météo : les agriculteurs demandent une aide d’urgence » 2. Lisez l’article « Incendies de forêt : une indemnité de 1500 $ par résidence évacuée » 3. Lisez l’article « 89 municipalités québécoises toujours aux prises avec des inondations » 4. Consultez l’étude de Springer Link (en anglais)
5. Consultez le Rapport mondial sur les contentieux liés au climat : examen de la situation en 2023
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