Les demandes des enfants influent souvent sur les choix alimentaires de la famille et l’industrie le sait très bien

Suivriez-vous les conseils d’un clown pour acheter une nouvelle voiture ? Et pour choisir des électroménagers, écouteriez-vous les recommandations d’un oiseau ou d’un tigre de dessin animé ?

Probablement pas. Toutefois, il est fort probable que les plus jeunes se laissent influencer par de tels personnages lors du choix d’un restaurant ou d’une marque de céréales pour la famille. Ces choix, et bien d’autres encore, auront une incidence sur l’alimentation des membres de votre famille et sur leur santé à long terme.

Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur interdit depuis longtemps la publicité directe auprès des enfants. Malgré cela, ces derniers sont continuellement exposés à des publicités d’aliments et de boissons à faible valeur nutritive par l’entremise de médias tels que la télévision ainsi qu’en ligne, où elles sont autorisées si elles ne sont pas spécifiquement destinées aux enfants. Les enfants voient également des messages, des panneaux et des emballages attrayants dans les magasins et les restaurants, entre autres.

Cette surabondance favorise une mauvaise alimentation dans l’ensemble de la population du Québec et entraîne des conséquences potentiellement graves pour la santé future, tant des personnes que du système de santé.

Une toute nouvelle étude, réalisée par notre équipe à l’Université d’Ottawa et financée par Cœur + AVC, révèle que les préférences alimentaires des enfants sont considérablement influencées par les publicités des fabricants de produits alimentaires et des chaînes de restaurants. Notre recherche démontre que les publicités d’aliments à faible valeur nutritive destinées aux enfants, dans lesquelles figurent de mignons personnages de dessins animés ou des superhéros, jouent un rôle majeur dans les choix des jeunes. Bien que les publicités directes de ce type soient interdites au Québec, elles sont quand même présentes, notamment sur les emballages et aux points de vente.

Nous avons présenté aux jeunes des publicités mettant en vedette des personnages sous licence des médias populaires (comme les princesses de Disney) et des personnages porte-parole créés par des fabricants d’aliments et de boissons (comme Lucky le farfadet des céréales Lucky Charms). Nous leur avons montré des publicités visant les jeunes, et d’autres destinées aux adultes (permises par la loi québécoise). Les résultats ont montré que les enfants préféraient nettement les publicités contenant des personnages, surtout les « porte-parole » de dessins animés. La présence de ces personnages dans les publicités a eu une forte incidence générale sur les préférences alimentaires des jeunes, ainsi que sur leurs intentions d’acheter les produits présentés ou d’inciter leurs parents à le faire. Ils ont également préféré les produits dont les publicités ciblaient précisément les enfants, avec des personnages, des jeux et des images amusantes.

Un pas vers l’avant

Récemment, Santé Canada a mené une consultation publique sur de nouvelles restrictions concernant la commercialisation d’aliments et de boissons à faible valeur nutritive visant les enfants. Ces mesures viendraient compléter la réglementation québécoise et n’ont pas comme objectif d’interférer avec les restrictions actuelles sur la publicité destinée aux enfants au Québec. En revanche, elles permettraient de restreindre davantage la publicité d’aliments là où les enfants y sont fréquemment exposés, particulièrement sur les réseaux sociaux et par l’entremise d’influenceurs, un domaine que la réglementation de longue date du Québec aborde de manière moins explicite.

La nouvelle réglementation fédérale proposée est un pas vers l’avant. Toutefois, des éléments importants sont absents de sa version actuelle puisqu’elle se limite aux publicités télévisées et numériques. Elle ne tient pas compte des nombreux autres moyens publicitaires fréquemment utilisés : l’affichage dans les magasins et les points de vente ; l’affichage extérieur (babillards, panneaux), notamment autour des écoles, et les emballages. L’utilisation de mascottes et personnages de dessins animés est également omniprésente. Des restrictions complètes ont déjà été appliquées ailleurs.

Au Chili, l’utilisation de personnages de dessins animés a été interdite dans les publicités visant les enfants. Les emballages de produits de marques très connues y sont aujourd’hui très différents.

Selon un récent sondage, plus de 70 % de la population appuie les restrictions sur la publicité d’aliments s’adressant aux enfants.

La nouvelle réglementation de Santé Canada doit être beaucoup plus exhaustive pour faire face à la commercialisation intensive actuelle auprès des enfants. Conjointement, la réglementation fédérale et celle du Québec doivent protéger la santé de nos enfants contre ce matraquage publicitaire.

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