Le lundi 3 juillet a été la journée la plus chaude jamais enregistrée sur la planète. Puis ce record a été battu le mardi, puis le mercredi et finalement surpassé le jeudi⁠1. Chaque jour de cette semaine de début juillet a établi un nouveau record de chaleur.

C’est inquiétant et, littéralement, sans précédent.

L’endroit le plus chaud au Canada le mardi 4 juillet ? Kuujjuaq, à 34,1 °C !

Les entreprises pétrolières, par la production de combustibles fossiles, sont le principal moteur de la crise climatique. Ces entreprises disposent pourtant de ressources humaines et financières incroyables.

Or, certains croient qu’elles pourraient accélérer la transition énergétique ; c’est le pari que fait le gouvernement fédéral en subventionnant la capture du carbone et l’hydrogène bleu⁠2.

Toutefois, on peut se demander si ces entreprises effectueront véritablement une transition énergétique. Que ce soit par idéologie ou puisqu’elles sont déjà prises dans l’engrenage, de multiples raisons peuvent expliquer leur faible désir d’action.

La théorie

En effet, l’industrie pétrolière n’est pas un marché compétitif, elle est dominée par des oligopoles. En investissant, ces entreprises peuvent détruire leur capital, c’est-à-dire la valeur de leurs réserves pétrolières. Par conséquent, il n’est pas garanti que les incitatifs fiscaux favorisent la transition.

Les données

Pour connaître les motivations réelles d’un individu ou d’une entreprise, rien n’est mieux que de regarder les actions effectuées. Imaginons que nous offrons aux entreprises pétrolières 1 milliard de dollars, qu’en feraient-elles ? Si elles étaient réellement des alliées de la transition énergétique, elles investiraient massivement dans ce secteur. Dans le cas contraire, elles continueraient d’investir dans les projets pétroliers et distribueraient de généreux dividendes à leurs actionnaires.

Or, les cinq plus grandes entreprises pétrolières du monde ont généré des profits de plus de 200 milliards en 2022, soit l’équivalent de quatre REM de l’Est et un TGV Québec-Toronto. Qu’ont-elles fait de cet argent ?

La majeure partie de leurs investissements s’est dirigée vers les énergies fossiles et le reste en dividendes à leurs actionnaires.

Pis encore, alors qu’elle venait d’engranger d’historiques profits, Shell abandonne ses objectifs climatiques par souci de rentabilité⁠3

La transition énergétique s’accélère

L’ironie dans tout ça est que la transition énergétique s’accélère ; l’écart entre les décisions prises par les pétrolières et la direction de l’industrie énergétique diverge.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le monde ajoutera un record de 440 GW de nouvelle capacité renouvelable cette année. C’est plus du double de ce que nous avons ajouté en 2019, le double de ce que l’AIE prévoyait en 2020 et 24 % de plus que ce que l’AIE prévoyait il y a à peine six mois.

PHOTO KATHLEEN FLYNN, ARCHIVES REUTERS

Raffinerie d’ExxonMobil à Baton Rouge, en Louisiane

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les perspectives énergétiques ont considérablement changé. Les Européens accélèrent l’efficacité énergétique, notamment par le déploiement de thermopompes, et stimulent les énergies renouvelables – ces dernières étant économiquement et militairement avantageuses, car elles offrent une indépendance énergétique face aux autres nations.

Dans la foulée, les Américains ont lancé leur plus grand projet environnemental, l’Inflation Reduction Act (IRA), qui stimule généreusement le déploiement des énergies renouvelables. Ce programme a fait des émules en Europe et au Canada, où nous avons repris l’essentiel des mesures.

L’ère du pétrole et du gaz est derrière nous et nous entrons dans celle des énergies renouvelables.

Pouvons-nous faire confiance aux pétrolières ?

Or, il apparaît évident que nous ne pouvons faire confiance aux pétrolières pour mener une transition énergétique. Le problème réside dans le pouvoir de marché des pétrolières ; ces dernières ne peuvent effectuer une transition énergétique sans détruire leur capital, ralentir l’action leur est donc plus avantageux.

La solution aux pouvoirs de marché est simple, il faut réglementer. Pour inciter ces entreprises, responsables de 26 % des émissions de GES au Canada, à réduire leur empreinte carbone, il est indispensable d’imposer un plafond strict et décroissant sur leurs émissions⁠4. La bonne nouvelle est que le gouvernement planifie de mettre un tel plafond en place. D’ailleurs, la Chambre des communes a également voté pour une motion visant à mettre fin aux subventions accordées aux entreprises pétrolières, une excellente nouvelle.

Il convient toutefois de noter qu’en attendant des actions à la hauteur de la crise climatique, nous continuons de subventionner les entreprises pétrolières à travers des projets de captation du carbone et de production d’hydrogène bleu – processus associés à la fracturation hydraulique, une technique aux lourdes conséquences pour l’environnement et notre santé.

1. Lisez l’éditorial d’Alexandre Sirois : « Sa sécurité est menacée, agissons ! » 2. Lisez l’article de CBC News (en anglais) 3. Lisez l’article du Devoir 4. Lisez la lettre : « Action climatique : le début d’un mouvement écologique ? » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion