Cette lettre s’adresse au ministre de la Santé et des Services sociaux Lionel Carmant.

M. Lionel Carmant, comment pouvez-vous rester aussi silencieux face à la détresse que vivent les personnes qui doivent habiter dans des abris, des tentes et des véhicules faute de logements dans la ville de Gatineau, mais aussi partout au Québec ?

Les campements sont le reflet de vos inactions : s’il y avait autant de ressources que vous le laissez croire, il n’y en aurait pas autant dans tout le Québec.

La crise du logement touche maintenant l’ensemble du Canada. Nous aurions certes pu l’éviter en écoutant les nombreux avertissements que les organismes engagés en défense de droit au logement n’ont cessé de clamer dans les dernières années. Cependant, ce n’est pas le cas, car de plus en plus de personnes se trouvent à vivre en campement faute de place dans une ressource d’hébergement et de logements décents et adaptés.

Vous êtes au courant qu’à Gatineau, il n’y a que 55 lits d’urgence pour l’ensemble du territoire1, qu’une halte chaleur insalubre a pallié le manque de places en hébergement durant quelques mois, sans compter que la soupe populaire a réduit ses services, sans avoir le soutien du centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), cette instance qui vous représente et qui ne semble pas reconnaître son rôle pour faire face à l’itinérance. Si le CISSSO n’intervient pas, à qui incombe alors cette responsabilité ?

Les personnes qui habitent en campement ne peuvent répondre à leurs besoins fondamentaux, ce qui est loin d’être acceptable dans notre société. Vos inactions ont des coûts humains. Ce campement existe depuis six ans maintenant, la Ville de Gatineau le tolère, mais elle a besoin de vous pour faire face à cette crise.

Nous savons que pour votre gouvernement, la solution ne passe pas par les campements2. Cependant, selon le rapporteur des droits de la personne de l’ONU3, si vous n’êtes pas en mesure de fournir un logement décent et adapté aux personnes qui vivent en campement, vous vous devez de mettre en place des services pouvant rendre leur vie plus digne, et ce, en les engageant dans les discussions qui les concernent. Êtes-vous allé à la rencontre de ces personnes à votre dernier passage à Gatineau, il y a quelques semaines ?

Le statu quo n’a plus sa place dans la réponse globale à l’itinérance.

Il n’est plus possible pour vous de continuer d’ignorer la situation et d’oser croire que les organismes communautaires ont les reins assez solides pour remédier à cette crise humanitaire sans un vrai soutien de votre gouvernement.

Il faut des actions réelles et rapides pour améliorer leurs conditions de vie et de santé, car ces personnes n’ont pas les mécanismes adaptés pour revendiquer leurs droits qui sont bafoués. Si vous, en tant que décideur, n’êtes pas en mesure de reconnaître leurs droits, qui devraient être acquis, que leur reste-t-il ?

Le logement social doit primer et doit être un droit accessible pour les personnes qui veulent y avoir accès, mais, lorsque cela n’est pas possible, nous devons en tant que société agir pour parvenir à leur faciliter l’existence. Soyez responsable et faites appel à d’autres instances, telles que la Croix-Rouge s’il le faut, pour remplir votre mandat ou créer un ministère de l’Itinérance qui pourra avoir une vision plus macro et ainsi mieux agir.

Dans tous les cas, cessez d’ignorer les vrais enjeux. Les personnes qui habitent en campement sont des citoyens et citoyennes à part entière. Écoutez-les et mettez en place des leviers pour qu’elles prennent la parole. Tous méritent équitablement d’être et d’exister.

Mobilisez-vous d’urgence pour leur assurer un niveau de bien-être qui respecte leur dignité et leurs droits. Il n’est plus question de discuter des actions, mais de les rendre concrètes. Cela ne doit pas passer par la répression et les démantèlements.

1. Relisez le reportage du 2 juillet de Lila Dussault et Olivier Jean à Gatineau « Crise du logement, “crise humanitaire” » 2. Consultez ce texte du quotidien Metro : « Itinérance : le gouvernement veut “éviter les campements” de fortune » 3. Consultez le rapport du rapporteur spécial de l’ONU sur les campements de sans-abri au Canada Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion