La crise du logement qui sévit à la grandeur du territoire québécois laisse des personnes endeuillées sur son sillage. Des jeunes de ma génération font le deuil de devenir propriétaires un jour. Des nouveaux parents font le deuil d’avoir une chambre pour leur enfant qui ne soit pas séparée d’un rideau.

D’autres font le deuil d’une maison en ville, avec une cour ou au bord d’un lac. Des familles font le deuil d’un animal de compagnie qui doit être abandonné faute d’options. Sans compter les personnes qui font le deuil de trouver un logis dans un quartier ou une ville qu’elles auraient choisi.

Être incapable de se loger, c’est passer à côté d’une expérience fondatrice pour tout être humain. Un chez-soi, c’est un lieu rassurant et sûr où l’on peut pleinement développer son identité. Notre maison devient comme une deuxième peau que l’on habille à notre image. Elle nous accueille, elle nous réchauffe, elle renferme nos plus beaux souvenirs.

Ne pas pouvoir bénéficier de ce point d’ancrage cause une détresse humaine injustifiable dans une province riche comme la nôtre.

L’anxiété, la fatigue, la peine, la colère et tant d’autres émotions minent la santé mentale de la population. Comment peut-on bâtir un sentiment d’appartenance comme Québécois et Québécoise si on ne peut pas habiter pleinement notre propre territoire ?

C’est la base.

Assombrissement

Malheureusement, depuis le premier mandat de François Legault, les perspectives de trouver un logement décent et abordable se sont assombries. Partout au Québec, je constate que le prix des loyers a explosé, le taux d’inoccupation a chuté dramatiquement et la construction de logements abordables a ralenti.

Au pied du mur, les locataires comme moi ne peuvent faire autrement que de se serrer les coudes, et la cession de bail représente l’un des seuls outils à notre disposition pour amenuiser la hausse vertigineuse des loyers. Souvent issu du bouche-à-oreille, c’est un geste qui se veut bienveillant. Devant l’inaction du gouvernement, on s’entraide comme on peut.

La ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau ne voit pas les choses de la même manière. Dans son projet de loi 31, elle souhaite restreindre le droit à la cession de bail. Actuellement, les propriétaires n’ont pas le droit de refuser la cession de bail sans motifs sérieux, comme une incapacité de payer ou des troubles de comportement.

Pour la ministre, c’est trop contraignant. Selon elle, on doit pouvoir choisir ses locataires comme on sélectionne une candidature à l’embauche. Dans un contexte de rareté, cette approche ouvre la porte à davantage de discrimination et ça m’inquiète.

Plusieurs familles m’ont déjà rapporté avoir de la difficulté à se loger parce que des propriétaires ne veulent pas qu’on dérange leur quiétude.

Sans compter le racisme, l’âgisme et d’autres formes de discrimination qui pénalisent déjà bon nombre de locataires à la recherche d’un logement.

La ministre France-Élaine Duranceau se défend en affirmant que son projet de loi contient autant de bonnes choses pour les propriétaires d’immeubles locatifs que pour les locataires. Ce faisant, elle nie le rapport de force qui existe dans le marché actuel et la vulnérabilité des locataires.

J’ai créé le mouvement #MaisonEnDeuil en solidarité avec les propriétaires de maison qui peinent à joindre les deux bouts et les locataires qui broient du noir. À l’approche du 1er juillet, je suis attristée de savoir que des ménages se retrouveront sans bail. L’itinérance cachée existe bel et bien, même si le premier ministre se targue d’avoir réussi quatre 1er juillet dans le déni.

J’en appelle à ce que le gouvernement agisse et comprenne le deuil que trop d’entre nous ont à faire : celui d’une maison où il fait bon vivre.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion