Le géant Meta a confirmé qu’il mettra progressivement fin à l’accès aux nouvelles sur Facebook et Instagram pour tous les utilisateurs au Canada en raison de l’entrée en vigueur du projet de loi C-18. Rappelons que ce projet de loi vise à ce que des redevances soient versées aux médias pour les textes et reportages publiés sur les pages des utilisateurs Facebook. En agissant de la sorte, Meta veut faire la démonstration que c’est lui, le plus fort. Plus fort que l’État canadien, plus fort que son Parlement, plus fort que son gouvernement.

Je ne suis pas surpris d’une telle attitude, car depuis sa naissance, l’entreprise du multimilliardaire Mark Zuckerberg a toujours refusé de se plier aux réglementations des États, de payer sa juste part d’impôt et d’appliquer les lois des pays où elle s’installe.

La loi C-18 sur les nouvelles en ligne est pourtant d’une logique commerciale implacable : il faut payer pour les contenus d’information qui se retrouvent sur les médias sociaux. Verser une infime partie de son chiffre d’affaires est une question de justice.

Lors des discussions qui ont précédé l’adoption du projet de loi sur les nouvelles en ligne, Meta s’est opposé au projet de loi C-18, et ce, au nom de la liberté de commerce. Dans son communiqué, on cite même le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez : « Comme l’a dit le ministre du Patrimoine canadien, la manière dont nous choisissons de nous conformer à la loi constitue une décision d’affaires, et nous avons fait notre choix. »1

L’autre argument servi lors des audiences en commission parlementaire et au comité du Sénat, c’est qu’il s’oppose à ce projet de loi au nom de la liberté d’expression. Dans le communiqué de Meta, il est écrit : « Nous continuerons à lutter contre la mésinformation, notamment grâce au plus important réseau mondial de vérification des informations pour toutes les plateformes en collaborant avec plus de 90 vérificateurs tiers indépendants partout dans le monde qui examinent et évaluent la mésinformation virale dans plus de 60 langues. »

Plutôt ironique, le Washington Post2 nous a appris cette semaine que Meta avait établi des règles plus strictes en matière de contenu au Vietnam, son septième marché en importance dans le monde. Comment ? Il a en main une liste de fonctionnaires et dignitaires du Parti communiste à ne pas critiquer, le tout à la demande du gouvernement autoritaire vietnamien.

Meta se comporte comme une mauvaise entreprise citoyenne depuis sa création. Elle a toujours fait fi des réglementations des pays où elle s’est établie. Cette démonstration de force constitue également un pied de nez à la démocratie.

Ainsi, nous savons que les moins de 35 ans s’informent principalement par l’intermédiaire des réseaux sociaux, Facebook, Instagram et TikTok. Retirer les contenus d’information des médias canadiens et québécois risque d’avoir des conséquences sur la connaissance des enjeux de l’actualité d’ici pour une partie importante de la population. L’information fait de nous de meilleurs citoyens et citoyennes.

Retirer l’accès à l’information aura des répercussions néfastes pour plusieurs. Le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, déclarait cette semaine que la désinformation menaçait la démocratie. Meta a déjà fait et fera sa part en matière de désinformation.

Cela signifie que, dorénavant, c’est cette entreprise américaine qui va sélectionner elle-même les textes et les reportages qu’elle acceptera sur ses réseaux. Quels seront les médias choisis ? Ceux qui auront accepté de se plier à leur chantage ? Ces médias seront choisis par qui ? Les médias étrangers, tels que les médias américains, auront-ils préséance ? Que restera-t-il des médias francophones déjà grandement affaiblis depuis que Facebook et Google se sont appropriés 80 % des revenus publicitaires dans l’univers numérique ?

J’invite le gouvernement canadien à ne pas céder à ce chantage et Meta à se comporter comme un bon citoyen.

1. Lisez la réaction de Meta au projet de loi C-18 (en anglais) 2. Lisez un article du Washington Post (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion